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Remboursement des séances de psychomotricité : pour une égalité d'accès à la santé mentale

21/03/24
Remboursement des séances de psychomotricité : pour une égalité d'accès à la santé mentale

Kevin a 5 ans. Il souffre de Trouble du Spectre Autistique. La neuropédiatre qui s’occupe de Kevin recommande 2 séances de thérapie psychomotrice par semaine. Si Kevin vit à Hasselt, sa famille bénéficiera d’un remboursement l’INAMI de 1350 € /an. S’il vit à Namur, sa famille devra se débrouiller sans soutien de la sécurité sociale. C’est cette triste réalité que dénonce l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones, l’UPBPF, dans un position paper et dans un mémorandum que l’organisation vient de publier et que le Guide Social relaie dans cet article.

Dans son position paper et dans son mémorandum, L’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones (UPBPF) tire la sonnette d’alarme sur l’urgence de repenser le remboursement des séances de psychomotricité en Belgique, un enjeu devenu criant dans le contexte actuel marqué par une série de crises. Voici les textes de l’UPBF :

La question de la santé mentale est devenue un enjeu majeur de santé publique dans notre pays. Confinement et Covid, éco-anxiété, crise socio-économique, guerre aux frontières de l’Europe, les facteurs de risque sont multiples et s’accumulent. L’impact de ce contexte anxiogène sur les jeunes et les enfants est particulièrement préoccupant.

Lire aussi : Psychomotricité : le combat pour la reconnaissance reprend !

Pour faire face à ce phénomène de société, la Belgique dispose heureusement d’un arsenal de prise en charge diversifié : de la prévention à la première ligne, des soins ambulatoires aux places en institution, de l’accompagnement paramédical aux soins médicaux. Parmi cette palette de soins, la psychomotricité joue un rôle de plus en plus reconnu : selon les chiffres disponibles, les interventions de soin en psychomotricité ont littéralement doublé ces 4 dernières années ; ce qui témoigne à la fois de la dégradation de la santé mentale chez les enfants, mais aussi de la chance de pouvoir disposer en Belgique de professionnels formés pour y faire face.

Lire aussi : Le mémorandum du Guide Social

L’accès pour tous les Belges à des soins appropriés est primordial, peu importe leur origine sociale ou la Région dans laquelle ils vivent. Dans son accord de majorité, le gouvernement fédéral actuel s’engageait d’ailleurs pour la première fois de manière très claire : "les soins de santé mentale seront traités de la même manière que les soins de santé somatiques en termes d’accessibilité, de qualité et de proximité et d’accessibilité financière".

Le surréalisme à la belge n’est pas une fatalité

Pourtant, cette égalité d’accès n’est pas encore d’actualité en ce qui concerne les soins psychomoteurs. LES ENFANTS FRANCOPHONES A QUI L’ON PRESCRIT DES SEANCES DE PSYCHOMOTRICITE NE BENEFICIENT D’AUCUN REMBOURSEMENT INAMI, CONTRAIREMENTAUX ENFANTS FLAMANDS. Le surréalisme à la belge n’est pas une fatalité : il est possible de corriger cette distorsion incompréhensible et injuste pour les familles concernées.

Kevin a 5 ans. Il souffre de Trouble du Spectre Autistique. La neuropédiatre qui s’occupe de Kevin recommande 2 séances de thérapie psychomotrice par semaine. Si Kevin vit à Hasselt, sa famille bénéficiera d’un remboursement l’INAMI de 1350 € /an. S’il vit à Namur, sa famille devra se débrouiller sans soutien de la sécurité sociale.

L’UPBPF DEMANDE AU GOUVERNEMENT FEDERAL D’ADAPTER LA NOMENCLATURE DE L’INAMI ET DE RECONNAITRE LA PSYCHOMOTRICITE COMME PROFESSION PARAMEDICALE. C’est la condition pour que tous les enfants nécessitant des soins psychomoteurs bénéficient du même remboursement par l’INAMI.

Comment les oins psychomoteurs sont-ils remboursés en Belgique aujourd’hui ?

Nous sommes ici typiquement dans un problème "à la belge" : les pathologies sont identiques d’Ostende à Arlon, les médecins spécialistes prescrivent des séances de psychomotricité de Liège à Courtrai, mais pourtant, malgré que la sécurité sociale soit fédérale, les familles ne bénéficient pas des mêmes interventions selon qu’elles vivent au nord ou au sud du pays.

L’explication de cette inégalité de traitement se trouve dans l’exercice par les Communautés de leur autonomie en matière d’enseignement supérieur :

  • En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), les Hautes Ecoles forment des Bacheliers en psychomotricité, comme c’est notamment le cas au Portugal et au Pays-Bas. Le diplôme est reconnu par l’AVIQ et l’ONE, qui recrutent chaque année des psychomotriciens dans leurs services et institutions.
  • En Flandre, le choix a été fait de ne pas organiser de formation spécifique, mais de permettre aux étudiants en kinésithérapie de se spécialiser en psychomotricité.

Or les seuls actes de psychomotricité remboursés par l’INAMI le sont via des nomenclatures spécifiques réservées aux titulaires d’un diplôme de kinésithérapeute. Les parents ils n’ont pas choisi que les professionnels de leur Communauté soient formés d’une telle manière ou d’une autre. Pour atténuer cette différence de traitement, certaines mutuelles ont inséré le remboursement de soins psychomoteurs dans leur assurance complémentaire. L’Administration de l’aide à la jeunesse en FWB intervient également pour les soins des enfants dans des situations telles que négligence, maltraitance, violences et inceste.

Illustration : Imaginons Kevin. Il a a 5 ans. Il souffre de Trouble du Spectre Autistique. Le neuropédiatre qui s’occupe de Kevin prescrit 2 séances de psychomotricité/semaine. Si les parents de Kevin vivent en Fédération Wallonie-Bruxelles, et selon la mutualité à laquelle ils sont affiliés, Kevin bénéficiera d’une intervention de la mutuelle comprise entre 0€ et 600 €, selon le taux de remboursement et le plafond de séances remboursées par an.

Par contre, si la famille déménage à Hasselt, elle touchera 1350€ pour 60 séances avec un kiné, conventionné, spécialisé en psychomotricité. En effet, en Flandre peu importe l’affiliation à une mutuelle, elle sera remboursée de 22,50€ par séance.

Une explosion de la demande en soins psychomoteurs

En 2022, l’UPBPF a mené une vaste enquête en ligne auprès de ses 470 membres. Les résultats de cette enquête montrent notamment une augmentation de la demande de prise en charge depuis 2020. Pour tenter d’objectiver cette impression venant du terrain, l’UPBPF a interrogé les organismes et institutions francophones qui interviennent financièrement en faveur des séances de psychomotricité. Le constat est sans appel : l’explosion de la demande est là.

Ainsi, aux mutualités chrétiennes, le nombre d’interventions a quasiment doublé depuis 2018. Les autres mutuelles qui participent à la prise en charge des soins psychomoteurs au sein de leur assurance complémentaire témoignent d’une même demande de la part de leurs affiliés.

Même constat au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui intervient dans les soins psychomoteurs prescrits dans le cadre de l’aide à la jeunesse : entre 2019 et 2022, leur prise en charge financière a doublé.

Impact du non-remboursement pour les familles

Dans ce contexte d’augmentation de la demande, l’absence de remboursement par l’INAMI agit comme un frein face aux besoins des familles. Ainsi, les psychomotriciens interrogés dans l’enquête de l’UPBPF de 2022 expliquent que 2/3 des interruptions de traitement s’expliquent pour des raisons financières et l’absence de prise en charge par l’INAMI.

Cet imbroglio à la belge a également un impact sur l’attractivité de la formation et du métier de psychomotricité. Le nombre de praticiens n’est aujourd’hui pas suffisant pour répondre aux besoins des familles. La moitié des répondants à l’enquête ont des patients en liste d’attente. Ce phénomène de pénurie s’est, sans surprise, renforcé avec l’explosion de la demande.

Une solution à portée de mains

L’UPBPF a bien conscience de la situation budgétaire tendue à tous les niveaux de pouvoir. Mais elle est également mobilisée par la détresse financière des familles qui vivent l’inégalité de traitement de l’INAMI comme une double peine inexplicable.

La rareté des ressources impose de faire des choix en fonction des urgences avérées et dans la recherche d’une plus grande égalité d’accès aux soins. C’est dans cet esprit que l’UPBPF appelle le Gouvernement fédéral à corriger l’inégalité actuelle à travers une action politique prioritaire vis-à-vis de publics particulièrement vulnérables.

Concrètement, l’UPBF demande que les décisions soient prises pour que tous les enfants de 0 à 18 à qui l’on prescrit des séances de psychomotricité bénéficient d’un remboursement par l’INAMI, quelle que soit la Région où ils habitent.

Lire aussi : Les vœux des psychomotriciens

La condition à ces remboursements passe la reconnaissance par arrêté royal des psychomotriciens comme profession paramédicale. A l’image de ce qui vient d’être réalisé pour les orthoptistes, l’UPBF invite le Gouvernement fédéral à adopter un arrêté royal relatif à la profession de psychomotricien, reconnaissant que la psychomotricité est une profession paramédicale au sens de l’article 69 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé. Cet arrêté royal définirait les critères d’agrément pour ce statut de psychomotricien en lien avec les diplômes sanctionnant une formation spécifique dans chacune des Communautés comme le veut la logique d’une Belgique fédérale.

Cet appel lancé par l’UPBPF est soutenu par plus de 500 professionnels des secteurs de la santé, de l’enfance, de l’aide à la jeunesse et de l’enseignement (pédiatres, médecins, psychologues, logopèdes, psychomotriciens, directeurs d’établissement scolaire ou d’institution…).

Les revendications de l’UPBPF dans son mémorandum adressé aux politiques :

Appel aux gouvernements régionaux et communautaires
Wallonie – Cocom – Cocof

Malgré l’attitude du Fédéral, le psychomotricien est devenu dans les faits un intervenant régulièrement sollicité dans tous les domaines de la santé, quelles que soient les générations : promotion à la santé, soins préventifs, revalidation et thérapie (petite enfance, parentalité, personnes âgées, difficultés scolaires, personnes handicapées). Son approche renforce la pluridisciplinarité des équipes et complète les interventions des autres intervenants paramédicaux.

De nombreux services régionaux ou communautaires d’aide aux personnes ont ainsi recours à des psychomotriciens :

  • Services de Santé Mentale (SSM), différents milieux d’accueils, centre de rééducation ambulatoire et fonctionnel…
  • Secteur du handicap : structures d’accueils de jour et de nuit.
  • Secteur des maisons de repos et de soin : le psychomotricien est repris dans le personnel de réactivation.

Mais cette opportunité de pouvoir recourir à un spécialiste de la psychomotricité dans une logique de continuum de santé est, selon les secteurs, légalement fragile et repose trop souvent sur la bonne volonté des acteurs locaux.

Appel au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Enseignement obligatoire :
Si la psychomotricité a pris sa place depuis une quinzaine d’années dans les grilles horaire des élèves de l’enseignement maternel, le recours aux psychomotriciens dans le cadre scolaire ou dans les CPMS reste difficile. Et pourtant, ils sont un intervenant précieux et complémentaire pour la prise en charge de problèmes scolaires liés aux troubles instrumentaux, de difficultés de développement et relationnelles.

Ce constat vaut pour l’enseignement ordinaire, mais est encore plus criant dans l’enseignement spécialisé. Dans les deux cas, l’aide d’un psychomotricien en classe, au sein de l’établissement, devrait être envisagée au même titre que le poste d’auxiliaire logopédique. Actuellement, il manque un cadre légal pour inscrire les bacheliers en psychomotricité au sein des établissements.

Appel au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Enseignement supérieur :
Le diplôme de Bachelier en Psychomotricité est une formation paramédicale. Les secteurs qui engagent les psychomotriciens sont en recherche de professionnels spécialisés dans différents champs : santé mentale, petite enfance, gériatrie, etc. Les compétences liées au soin sont continuellement à approfondir. Le développement du métier suscite des besoins de recherches au regard de la spécificité de l’intervention du psychomotricien.

A noter que la masterisation de la formation de psychomotricien du côté francophone rapprocherait cette formation de la longueur de la formation organisée en Flandre. Cela pourrait, le cas échéant, permettre d’avancer vers une solution fédérale au bénéfice des familles concernées.

L’UPBPF en résumé :

L’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones (UPBPF) existe depuis 1989. Comme toute organisation professionnelle, elle veille à l’étude, la protection et le développement des intérêts professionnels de ses membres. L’UPBPF organise notamment des formations à l’attention de ses membres ; elle favorise le lien entre les professionnels et les étudiants en psychomotricité ; elle garantit le cadre déontologique de
l’action de ses membres.

L’UPBPF compte actuellement 459 membres.

Lire aussi  : Pourquoi s’engager dans une union professionnelle ?

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Découvrez les nombreuses ressources du Guide Social sur le métier de psychomotricien

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 La totalité du podcast de Massimo, psychomotricien

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 "La psychomotricité relationnelle est un métier heureux"
 "La psychomotricité a changé ma vision des relations humaines"
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Commentaires - 1 message
  • 2 remarques :
    1) avoir scindé les soins de santé sur les 3 régions, c'est avoir multiplié les "frais de gestion" par 3 !!!!
    Il est urgent de re-fédéraliser cette compétence, et de consacrer les économies réalisées à de meilleurs remboursements.
    2) en matière de psychomotricité, les parents ou l'entourage peuvent suivre les instructions du praticien, ce qui diminue énormément le coût pour la société !
    On peut comprendre un coup de pouce quand les parents sont dépassés, mais c'est aussi à eux d'apprendre à suivre les difficultés de leurs enfants !

    J'ai déjà aidé le suivi d'enfants dans le cadre de psychomotricité et de logopédie, après concertation avec le thérapeute : ça fonctionne très bien... et c'est moins cher pour la collectivité.
    Evidemment, cela nécessite de l'implication, de l'empathie, de l'investissement "temps"... mais les résultats sont encourageants !

    Frankp jeudi 28 mars 2024 14:05

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