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Déconventionnement des logopèdes : quels impacts sur les familles peu aisées ?

24/03/23
Déconventionnement des logopèdes : quels impacts sur les familles peu aisées ?

La nouvelle convention sectorielle des logopèdes, approuvée en juin 2022 par le ministre fédéral de la santé Frank Vandenbroucke, risque d’avoir de lourdes conséquences sur les familles peu aisées… Alors que les logopèdes demandaient une augmentation de leurs honoraires à hauteur de cinq euros, celles-ci demeurent inchangées. Résultat : en juillet dernier, 50% des logopèdes s’étaient déjà déconventionnés en Wallonie et à Bruxelles, afin de fixer librement leurs honoraires. Une situation qui a pour effet d’accroître les inégalités et ne profite pas aux enfants des familles peu aisées.

Selon la Fondation Pelicano, qui lutte contre la pauvreté infantile en Belgique, les parents de familles plus précarisées auraient particulièrement tendance à diminuer certains postes de dépenses pour leurs enfants. Cela passe aussi par la diminution du recours aux soins paramédicaux et, plus particulièrement, la logopédie.

Or, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle convention sectorielle des logopèdes, ces derniers sont nombreux à choisir de se déconventionner pour pouvoir perdurer dans la profession… Faisant grimper leurs honoraires, parfois jusqu’au double. De nombreux parents risquent de ne plus consulter de logopèdes avec leurs enfants, notamment lorsqu’ils sont confrontés à des situations de précarité.

 Lire aussi : Déconventionnement massif des logopèdes : la révolution des fourmis est en marche

Déconventionnement : des tarifs parfois doublés

Au sein de la logopédie, un nouveau mouvement émerge. Ils sont nombreux à choisir de se déconventionner suite au refus de la nouvelle convention sectorielle d’accroître le tarif pratiqué par les logopèdes. La co-participation reste en effet fixée à 5,50€ par tranche de demi-heure de thérapie, tarif que de nombreux professionnels considèrent comme insuffisant pour survivre. Il s’en est suivi un vaste mouvement de déconventionnement, ce qui peut faire doubler le coût à 10,50€. Un problème pour certaines familles qui pourraient mettre fin aux séances de logopédie pour leurs enfants, faute de moyens, mais aussi révélateur des professionnels trop peu rémunérés. En juillet dernier, selon la Fondation de lutte contre la pauvreté infantile, 50% des logopèdes s’étaient déjà déconventionnés. Ce taux s’élève à 70% chez les logopèdes flamands.

Les séances de logopédie se font majoritairement chez les plus jeunes. Sur les quelque 5,5 millions de thérapies annuelles, 84% d’entre elles concernent des enfants de moins de 14 ans. En Belgique, plus d’un demi-million d’enfants vivent dans la pauvreté. Parmi eux, ils sont 43.000 à se trouver en situation d’extrême pauvreté. "Nous constatons à la Fondation Pelicano que les parents ne dépensent pas seulement moins pour les activités extra-scolaires et les vêtements, mais aussi pour les soins paramédicaux, comme la logopédie, déclare Christiaan Hoorne, directeur général de Pelicano, dans un article publié sur le site de la fondation. Le nouvel accord sectoriel pour les logopèdes, qui peut sembler anodin à première vue, créera un énorme effet secondaire à long terme."

Or, en cas de difficultés, les séances de logopédie sont particulièrement essentielles et ce, dès le plus jeune âge. La prise en charge des troubles nécessite du temps… Les parents qui déboursent 40 euros par mois pour les séances de logopédie de leurs enfants pourraient ainsi se voir dans l’obligation jusqu’à 85 euros, soit plus du double. Une somme annuelle de 1.020 euros, ce qui ne représente pas loin d’un salaire mensuel pour certains.

Arrêt prématuré des séances : inégalités et discriminations futures

Autre source d’inégalités : la sécurité sociale ne rembourse pas les soins logopédiques en intégralité. Certains ne sont même pas pris en charge du tout, à l’image des troubles autistiques, des handicaps mentaux ou de la trisomie. Les familles sont donc amenées à réduire considérablement certains postes de dépenses afin de financer les séances chez le logopède, voire à les abandonner totalement. Or, sur le long terme, les conséquences pourraient être particulièrement néfastes. Et pour cause ! Dès le plus jeune âge, les séances de logopédie sont essentielles lorsque l’enfant présente un trouble du langage. Si le problème d’élocution n’est pas pris en charge suffisamment tôt, il ne pourra jamais totalement disparaître.

De plus, l’arrêt précoce des séances pourrait engendrer des problèmes à la fois psychologiques et sociaux en raison des difficultés de communication lorsqu’un trouble de la parole n’est pas résolu. Les personnes qui, durant leur enfance, n’ont pas bénéficié d’une prise en charge logopédique seraient plus enclins à faire l’objet de discriminations tout au long de leur vie et notamment sur le marché du travail. A l’inverse, si un trouble est pris en charge suffisamment tôt, il y a plus de chances qu’il se résolve totalement, plus particulièrement dans le cas du bégaiement.

Cette année, un nouvel accord sera négocié. Un appel a été lancé par la Fondation Pelicano au conseil des ministres et à l’association sectorielle afin de trouver une nouvelle solution.

Mélissa Le Floch



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