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Métiers lourds, carrières longues : les soignants du CHIREC refusent de payer l’addition Arizona

31/03/25
Métiers lourds, carrières longues : les soignants du CHIREC refusent de payer l'addition Arizona

Ce 31 mars 2025, à l’appel des syndicats, une grève générale a touché tout le pays. Le secteur Non-Marchand, dénonçant des mesures jugées injustes et dangereuses, s’est mobilisé massivement : santé, social, petite enfance, aide à domicile... La rédaction du Guide Social est allée à la rencontre du personnel du CHIREC Delta, en grève ce matin. Fatigue, colère, mais aussi une profonde détermination à défendre leur métier transparaissaient dans leurs témoignages.

Ce lundi matin, devant l’hôpital CHIREC Delta à Bruxelles, les banderoles sont rouges et vertes et les voix fortes. Madalina, Florence, Sylvie, Soufiane… Elles et ils sont infirmiers, assistants logistiques ou encore technologues en imagerie médicale. Ce que ces soignants ont en commun ? Une colère et une volonté ferme de se faire entendre.

La rédaction du Guide Social s’est rendue sur place pour écouter ces travailleuses et travailleurs du soin, en première ligne d’une grève qui veut alerter sur les effets des réformes contenues dans l’accord de gouvernement fédéral Arizona.

Selon les syndicats, les mesures prévues auront des répercussions majeures sur les usagers, le personnel et l’organisation des services. « Cette triple peine se rajoute à l’absence de perspectives d’amélioration des conditions de salaire et de travail induite par les Gouvernements FWB et RW déjà en place : pas d’Accord Non Marchand (qui est le levier indispensable pour rendre les métiers attractifs et les carrières tenables) et pas de financement supplémentaire pour les secteurs (c’est même l’inverse pour certains d’entre eux qui subissent une diminution de subventions) », dénonce la CNE. Et de rajouter : « Au fédéral, les incertitudes s’ajoutent aux ambiguïtés et le risque d’austérité et d’économie sur le dos des travailleuses et travailleurs est présent. »

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« Ils veulent nous reprendre tout ce qu’on a eu comme acquis »

Florence est infirmière. Pour elle, la coupe est pleine : « On n’est pas du tout d’accord avec les futures mesures du gouvernement. Ils veulent nous reprendre tout ce qu’on a eu comme acquis. Ce qu’on demande, c’est de revoir tout ça, avec les syndicats. Le gouvernement Arizona dit qu’il défend les travailleurs ? C’est faux. Il nous appauvrit, il nous réduit à moins que rien. »

Elle rappelle que ces politiques touchent d’abord les femmes : « Dans notre secteur, il y a énormément de femmes seules, avec une charge familiale, qui réduisent leur temps de travail pour s’occuper des enfants. Et malgré cela, on veut encore nous précariser davantage. Qu’ils viennent voir notre réalité, qu’on se concerte, qu’ils nous écoutent enfin. Parce qu’entre les pensions, la pénibilité, la charge de travail… on ne fait que nous en rajouter, toujours plus. »

Pour cette professionnelle du soin, la priorité politique est de revoir les normes, les formations infirmières, le financement des soins de santé. « Ce sont les patients et les soignants qui portent déjà tout ça — on ne peut pas continuer à les faire payer encore ! »

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« On met des vies en danger »

Sylvie porte la blouse blanche depuis 38 ans. Ce que cette infirmière voit sur le terrain, au quotidien, l’inquiète profondément : « J’ai vu des collègues abandonner, des jeunes partir en burn-out. On prend toujours plus de patients en charge, avec moins de moyens. On met des vies en danger. »

Le cœur de son métier est en train de disparaître, dit-elle avec tristesse : « On est censées soigner, aider, aimer. Mais on ne nous donne plus le temps. L’informatique d’abord, les validations d’actes… Le patient passe après. »

« À chaque fois que je pense approcher la retraite, elle s’éloigne », lance-t-elle dans un rire jaune. Le recul de la fin de carrière et la suppression du bonus-pension la révoltent : « On a rallongé les études à quatre ans. Et maintenant, on repousse la pension. Moi, je tiens encore. Mais tout le monde n’a pas cette chance. Et sans bonus, je ne prolongerai pas. »

Celle qui est vêtue de rouge pense aussi aux jeunes qu’elle forme : « Les jeunes qui arrivent, ce sont nos enfants. On les a élevés à ne pas tout accepter. Moi, ce qui m’a tenue debout, je ne veux pas leur imposer la même chose. »

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« Cette flexibilisation de l’emploi, c’est délétère »

Soufiane, technologue en imagerie médicale, pense à la suite : « Les jeunes vont devoir prester plus longtemps, dans des conditions plus flexibles. Les heures défiscalisées ? Moins de cotisations, donc moins de droits. Cette flexibilisation de l’emploi, c’est délétère. »

De son côté, Madalina, assistante logistique dans le quartier opératoire, résume ce que beaucoup ressentent : « Je fais grève contre les mesures Arizona. Elles vont faire du tort aux femmes. Dans le Non-Marchand, on est 70 à 80 % de femmes. On sera les grandes perdantes. Ce qu’on demande ? Que nos métiers soient enfin reconnus comme métiers lourds. »

Cette mobilisation reflète un malaise profond dans les métiers du soin. Face aux réformes annoncées, les soignants interrogent la soutenabilité de leurs carrières et la qualité des services rendus. Leurs témoignages rappellent que derrière chaque mesure, il y a une réalité de terrain à considérer.

Emilie Vleminckx
Rédactrice en chef

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