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Engager du personnel infirmier : pas un coût, un investissement !

19/05/21
Engager du personnel infirmier : pas un coût, un investissement !

En plus d’être surmené, le personnel infirmier est en manque d’effectif en pleine période de crise sanitaire. Une étude australienne publiée dans le revue The Lancet montre pourtant qu’embaucher du personnel permet de faire des économies à long terme, tout en continuant à sauver des vies. Explications.

L’étude a été réalisée avant la pandémie dans 55 hôpitaux de l’état du Queensland, en Australie. 27 de ces structures respectent un ratio d’un infirmier pour quatre patients – un infirmier pour cinq patients précédemment. Conséquence : le risque de décès jusqu’à 30 jours après la sortie et de réadmission dans les sept jours a chuté de 7% et la durée du séjour a diminué de 3%.

Une prise en charge défaillante

Première conclusion : " Cette étude démontre qu’augmenter le nombre d’infirmières par patient a permis d’éviter 145 décès, 255 réadmissions et près de 30.000 jours d’hospitalisation. Il faut comprendre que lorsque les infirmières ont moins de temps parce qu’elles ont trop de patients, elles font des actes dits manquants. Elles se désinfectent moins les mains ; elles ne savent pas donner les antibiotiques aux bons moments ; elles ne refont pas les pansements au bon moment", reprend Arnaud Bruyneel, infirmier et doctorant en sciences de la santé publique à l’Université libre de Bruxelles, au micro de la RTBF Les infirmiers sont donc trop sollicités et leur approche pas assez individualisée, ce qui nuit à l’efficacité de leur prise en charge.

"En fait, à un moment donné, ces soins manquants provoquent des complications chez les patients, principalement des complications infectieuses comme des infections nosocomiales, des complications de plaies opératoires, ou des escarres quand on mobilise moins les patients. Finalement, les patients restent plus longtemps à cause de ces complications, et reviennent à l’hôpital. C’est quelque chose qu’on avait déjà observé, mais là c’est une étude qui montre cela sur plus de 400.000 patients, 17.000 infirmiers dans 55 hôpitaux. C’est vraiment l’ampleur des statistiques qui est vraiment interpellant dans ces résultats”, continue-t-il.

 Lire aussi : Journée internationale des infirmières : "Reconnaître la pénibilité du métier !" (guidesocial.be)

Embaucher = économiser ?

La solution serait peut-être de faciliter l’accès à la profession et d’augmenter le nombre d’embauches. Cela peut paraître surprenant à première vue, mais l’étude révèle qu’investir dans le personnel soignant permet à long terme des économies non-négligeables : “Dans l’étude, les chercheurs se rendent compte que le coût des réadmissions et de cette durée de séjour augmentée revient à 69 millions de dollars. Alors qu’engager un nombre suffisant d’infirmières représente moins de la moitié, à savoir 33 millions de dollars", poursuit le doctorant.

Les pays britanniques semblent bel et bien voir une longueur d’avance : "La même étude a été réalisée en Irlande. Les résultats sont similaires. Les chercheurs ont estimé que le manque d’infirmier.e.s coûte 31,3 millions d’euros pour l’ensemble du système de santé de l’Irlande. Si engager plus d’infirmiers coûte cher à court terme, cela diminue le nombre de réadmissions et les durées du séjour hospitalier. Donc à moyen et long terme, c’est efficace économiquement d’augmenter le nombre du personnel soignant".

Mais alors, que fait la Belgique ? Le discours des associations est le même depuis des années : lorsque le personnel infirmier vient à manquer, les contrecoups sont nombreux (burn-out, absentéisme, fuite de la profession...). Et c’est le dernier cité qui serait le plus problématique en Belgique, selon Arnaud Bruyneel : “Le nombre d’infirmiers diplômés par habitant est très élevé. Mais le nombre d’infirmiers actifs est très bas car la majorité des infirmières travaillent 5 à 10 ans puis elles changent de carrière, d’orientation professionnelle. En Belgique, on a un ratio infirmier par patient qui est l’un des plus défavorables en Europe. C’est pourquoi ces différentes études doivent vraiment percoler chez les autorités politiques et les gestionnaires d’hôpitaux. Et se rendre compte que le mot "investir" est très important. D’ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé et le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé recommandent d’investir dans la profession d’infirmière parce qu’il y aura toujours un retour sur investissement".

A quand le changement ?

Il appartient donc aux autorités de réagir à l’appel au secours lancé par les associations nationales et internationales. Les représentants de la profession sont plus que las de ce combat mené - pour l’instant - à sens unique : “Le manque d’effectif, il a été mis en exergue depuis plus de 10 ans par les associations professionnelles et par notre fédération !”, peste Alda Dalla Valle, présidente de la Fédération nationale des infirmières de Belgique. “Il a été mis en évidence aussi par une commission de planification qui est une commission fédérale des soins de santé qui chargée de monitorer les offres, les demandes et les besoins à 10, 15 voire 20 ans des soins de santé. Donc cela couvre les médecins, infirmiers, dentistes, etc. Déjà cette commission avait annoncé ce manque qui est flagrant maintenant".

Elle enchaîne : “On a vraiment l’impression que les soins de santé ne sont pas considérés comme essentiels. Il y a une urgence de revaloriser tous ces soins de santé, de remettre du personnel qualifié ! J’insiste sur le " qualifié " ! Donc pas n’importe qui, n’importe comment et n’importe où ! On voudrait vraiment que les pouvoirs publics, avec l’argent qu’ils peuvent donner derrière, voient les soins de santé comme un investissement et pas comme un coût”. A ce jour, les professionnels du secteur – chercheurs, associations, représentants de la profession – se rejoignent tous sur un point : augmenter le personnel permet d’augmenter la qualité des soins prodigués tout en allégeant la charge de travail. Et, à long terme, des économies seront constatées. Le changement doit donc être effectif le plus rapidement possible ; une bonne manière de témoigner du respect et de l’attention au personnel infirmier.



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