"Les consultations menées par des infirmiers, à développer !"
Lorsqu’il est question de consultations, la majorité des Belges pensent sans doute spontanément au médecin. Sur le terrain, on voit toutefois que les infirmiers aussi sont de plus en plus amenés à assurer certains types de consultations, en particulier dans des situations complexes où le patient a besoin d’être plus étroitement suivi ou accompagné. Sur la base d’une nouvelle étude, le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé (KCE) recommande de poursuivre le développement de ce type d’initiative en Belgique, moyennant certaines adaptations. Explications !
Avec le vieillissement de la population, la fréquence croissante des problèmes de santé multiples et la flambée des maladies chroniques, de plus en plus de patients se retrouvent dans une situation compliquée, avec des besoins plus ou moins importants qui peuvent varier au fil du temps.
Apprendre à utiliser correctement un dispositif médical, bien gérer ses symptômes et son traitement, savoir à qui s’adresser pour un problème donné, préserver son autonomie et son bien-être, affronter les mille petits tracas que provoque une maladie prolongée ou tout simplement se sentir rassuré par des contacts réguliers avec un professionnel : pour les patients et pour leur entourage, ces aspects ne sont pas moins importants que le traitement médical proprement dit.
Ces consultations sont-elles vraiment utiles ?À l’étranger, on voit que les infirmiers assument depuis longtemps des responsabilités plus étendues, dont la réalisation de consultations. "Nous avons donc la chance de disposer de l’expérience des autres et de nombreuses études réalisées dans des domaines très divers (cardiologie, pneumologie, diabète…) et dans différents contextes (médecine générale, hôpitaux, etc.) : la revue de littérature réalisée par le KCE a inclus pas moins de 473 essais randomisés et contrôlés. Dans ces recherches, les consultations infirmières donnaient des résultats au moins aussi bons – et parfois meilleurs – qu’une approche standard ou une consultation avec un médecin, et leur sécurité était démontrée", précise le KCE.
Répondre aux besoins nouveaux
"Hérité d’une époque où il fallait surtout traiter des maladies aiguës, notre système de soins n’est pas bien armé pour répondre aux besoins qui accompagnent des problèmes de santé complexes et de longue durée", estime le KCE. "Il est donc devenu nécessaire de développer d’autres approches mieux adaptées. Typiquement, celles-ci mettront davantage l’accent sur la collaboration et sur l’intégration des soins, et feront souvent aussi intervenir des acteurs supplémentaires."
Pour le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé, il est aussi important d’utiliser le mieux possible les moyens financiers et humains du système de santé. La redistribution de certaines tâches pour décharger des professionnels déjà très sollicités comme les médecins est une piste possible pour y parvenir. La réforme de la profession infirmière actuellement en cours dans notre pays s’inscrit dans cette logique : en distinguant plusieurs niveaux de compétences, elle devrait permettre d’y voir plus clair dans les rôles et activités qui peuvent être confiés à chacun.
Dans une nouvelle étude, le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé (KCE) s’est intéressé plus particulièrement à l’une de ces activités, à savoir les consultations infirmières organisées pour des patients confrontés à des problèmes de santé complexes. Dans ce cadre, l’équipe de recherche a exploré les bénéfices potentiels de ces consultations et les conditions nécessaires à leur mise en place sur la base d’exemples étrangers, examiné la situation actuelle dans notre pays au travers d’une analyse de la législation et de ce qui se fait sur le terrain et formulé une série de pistes pour faciliter le déploiement futur de cette activité.
Une législation plus souple, des accords clairs... et de la confiance
"Il ne fait aucun doute que les consultations infirmières répondent à un besoin dans notre pays, leur développement spontané sur le terrain en témoigne." Selon le KCE, il manque toutefois encore une vraie vision globale de leur contenu, de leur mode d’organisation et de leur place dans l’offre de soins. Il sera donc nécessaire de mieux cerner cette activité en lui offrant un cadre général officiel, mais aussi de la baliser clairement au niveau local, par des conventions passées avec d’autres prestataires de soins dans le cadre d’une collaboration structurelle. Ces accords clarifieraient par exemple quelles activités peuvent être réalisées par l’infirmier, moyennant quelle formation ou expertise, pour quels groupes de patients, dans quelles situations, etc.
Le KCE rajoute : "Un autre problème est que les infirmiers qui mènent ces consultations flirtent parfois avec les limites des prestations que la loi les autorise actuellement à réaliser (p.ex. pour la prescription). Il faudrait donc aussi réfléchir aux moyens de rendre la législation plus souple, par exemple en laissant ces professionnels exercer en fonction de leurs compétences réelles et démontrables (p.ex. diplômes/certificats de formation ou preuve d’une expérience antérieure, à conserver dans le portfolio prévu dans la Loi Qualité ) plutôt qu’en fonction d’une liste d’actes limitative comme c’est le cas actuellement."
Enfin, même si les bases ont déjà été posées avec le développement de la collaboration multidisciplinaire et des soins intégrés, la consultation infirmière ne pourra s’imposer qu’à condition de gagner la confiance des autres professionnels et des patients, mais aussi la confiance des infirmiers eux-mêmes en leur capacité à assumer de nouveaux rôles et responsabilités.
Le KCE répond aux questions !
On entend déjà souvent dire qu’il y a un manque d’infirmiers. Est-ce que le fait de leur confier de nouvelles tâches ne risque pas d’aggraver la situation ?
KCE : Pas forcément. D’une part parce que les consultations peuvent intégrer une partie des tâches que les infirmiers effectuent déjà aujourd’hui. D’autre part parce que cela leur offre aussi de nouvelles possibilités d’évoluer dans leur carrière. Cela pourrait rendre le métier plus attrayant pour les jeunes et retenir les infirmiers expérimentés qui aspirent à de nouveaux défis ou à plus de responsabilités.
Les infirmiers ne sont pas des médecins. Est-ce qu’ils peuvent vraiment assumer des responsabilités plus larges sans mettre les patients en danger ?
KCE : Là encore, l’exemple d’autres pays donne à penser que c’est possible en toute sécurité. Il ne faut pas oublier que l’intervention de l’infirmier s’inscrit dans un parcours de soins plus large et qu’il n’est donc jamais seul pour accompagner le patient. C’est aussi pour cela que le KCE recommande que la consultation infirmière soit balisée par des accords interprofessionnels clairs et s’accompagne de conditions en termes de formation, d’expérience, etc.
N’importe quel infirmier pourra-t-il réaliser des consultations ?
KCE : Le KCE ne recommande pas d’exclure automatiquement certaines catégories d’infirmiers. Néanmoins, les consultations envisagées dans l’étude nécessitent souvent certaines connaissances spécifiques et une capacité à travailler de manière autonome. Il est donc probable que, dans les faits, cette activité sera plutôt confiée à ceux qui ont suivi une formation plus poussée (p.ex. diplôme de master ou spécialisation supplémentaire) et qui possèdent déjà une expérience suffisante. Les formations et compétences requises devront être détaillées au cas par cas dans les conventions passées sur le terrain.
Comment tout cela va-t-il se mettre en place sur le terrain ?
KCE : Petit à petit ! Le KCE recommande dans un premier temps de réaliser des « projets pilotes », qui permettront de tester différentes pistes pour mieux formaliser les consultations infirmières dans un cadre réglementaire assoupli et d’identifier les éventuelles difficultés et points d’attention.
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