Maisons de repos et Covid-19 : une infirmière raconte son traumatisme
La crise sanitaire a rendu invivable le travail notamment des infirmiers dans les maisons de repos. Epuisée, au bord du craquage mais surtout traumatisée, l’infirmière Isabelle raconte l’enfer qu’elle y a vécu.
Témoins de la détresse humaine, les infirmiers ont vécu des conditions de travail inimaginables pendant cette pandémie. Selon Isabelle, infirmière d’une maison de repos à Herstal depuis près de 20 ans, une résidente qui a survécu au virus a elle-même raconté “que ce qu’elle a vécu était pire que la guerre”. Ces épreuves auront laissé des séquelles au personnel soignant.
– [A lire] : Coronavirus : témoigner pour ces soignants morts au front...
“C’est un traumatisme qui va me poursuivre très longtemps”
Traumatisée. Voilà l’état dans lequel se retrouve aujourd’hui Isabelle, impuissante face aux souffrances humaines. Ces derniers mois ont été les plus atroces de sa carrière. “Dans notre métier, nous sommes régulièrement confrontés à la mort mais pas dans de telles conditions et à une telle cadence. Les choses se sont enchaînées tellement vite, des patients sont morts en quelques heures et parfois dans beaucoup de souffrances. C’est un traumatisme qui va me poursuivre très longtemps”, explique-t-elle au journal le Soir. Hantée par le décès de la première résidente infectée par le virus, Isabelle en fait encore des cauchemars la nuit.
Un sentiment d’abandon
Isabelle déplore le manque criant d’organisation, de moyens et de matériel adapté ainsi que la mise en place tardive des mesures de sécurité dont la zone d’isolement Covid. “Au début, on n’avait même pas de masques. Et puis, on a eu une blouse à se partager pour 24h. Je ne sais pas par quel miracle je n’ai pas été contaminée par le virus”, déclare-t-elle au quotidien le Soir. Parfois seule à gérer plusieurs patients en fin de vie, Isabelle refusait de céder devant ce spectacle d’horreur. “Avec mes collègues, on se battait pour limiter leur souffrance. Je me vois encore courir comme une folle d’une chambre à l’autre avec mes bouteilles d’oxygène car oui, certains sont morts dans d’atroces souffrances, en s’étouffant”, confie-t-elle à le Soir. Le manque cruel de personnel et d’aides externes, l’absence de soutien et l’isolement ont provoqué le sentiment qu’on l’avait laissé tomber. “Je me sentais abandonnée mais je ne pouvais pas, moi, les abandonner”, révèle-t-elle.
Soutien psychologique aux malades et aux familles
Outre la prise en charge physique des patients, Isabelle a joué un rôle de soutien psychologique auprès des malades mais aussi des proches, désirant maintenir les liens au sein des familles et abandonner personne : “On essayait d’avoir un contact téléphonique tous les jours avec les familles car je me mettais à leur place, l’angoisse devait être terrible. Je me souviens encore du coup de téléphone que Madame C., a pu passer à sa fille la veille de ses 90 ans, un jour où elle allait un peu mieux. Ce fut le dernier. Je n’étais pas là quand elle est décédée. C’est un des militaires venu en renfort qui l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle. Car personne ne devait mourir seul, c’était notre combat.”
Mis à part pour faire leurs adieux, les familles ne pouvaient pas rendre visite aux patients. Isabelle et ses collègues ont alors mis en place d’autres moyens de communication entre les résidents et leurs proches. En outre, des spécialistes comme la psychologue Andrey Lanchaux ont assuré un accompagnement auprès des familles qui désiraient être soutenu.
– [A lire] : Les effets du Coronavirus : "62% des infirmiers risquent un burnout"
Commentaires - 1 message
Ajouter un commentaire à l'article