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Portrait de l’Asbl Racynes, actrice de l’insertion sociale

08/11/21
Portrait de l'Asbl Racynes, actrice de l'insertion sociale

La lutte contre l’exclusion sociale est le cheval de bataille de l’asbl Racynes installée dans une ferme, dans la commune d’Oupeye, près de Liège. Pour y remédier, l’association s’est concentrée sur la formation de personnes éloignées du champ de l’emploi. Mais en plus de l’action directe auprès des adultes, l’association développe de la prévention auprès des jeunes afin de leur redonner confiance en eux et en l’avenir. Le président Alexandre Carlier, nous offre un tour d’horizon des 10 années d’existence de la ferme.

L’idée de l’asbl Racynes a germé au sein de l’asbl Cynorodon, une ferme de formation par la travail agricole et biologique dont les activités ont une visée de transition écologique. C’est en 2005 que l’association a vu le jour.

L’expérience engendrée par l’asbl Cynorodon a permis de mettre en lumière la nécessité de proposer des parcours plus légers que ceux des formations habituelles. Alexandre Carlier explique : ” L’idée de Racynes est de travailler en amont de ce qui touche l’insertions socio-professionnelle en disant qu’il y a des personnes qui ne sont pas capables de venir tout de suite cinq jours par semaine en formation.

Cet objectif a été défini lors des trois premières années d’existence de l’asbl. “On cherchait alors à avoir un fil rouge entre l’insertion sociale et les personnes les plus éloignées du milieu de l’emploi, faire de la formation et ensuite proposer des vrais contrats de travail. On a donc acheté la ferme où nous sommes aujourd’hui.

Le service d’insertion sociale qu’était à l’époque Racynes, proposait des activités de maraîchage et de potagers collectifs trois fois par semaine dans le but de travailler contre l’exclusion sociale, sous toutes ses formes et pour la transmission des valeurs de transition écologique.

- Lire aussi : Projets à la pelle pour l’ASBL Racynes : l’envie d’un autre monde…

Une ferme qui intéresse aussi les jeunes

Mais une autre population a investi le terrain : les jeunes. La commune d’Oupeye se trouve en basse Meuse et comptabilise 16 % de logements sociaux. La ferme s’inscrit dans un quartier de cités de logement sociaux où vivent de nombreuses familles. L’espace agricole est vite devenu un lieu de passage, en particulier pour les enfants installés à proximité. “Assez spontanément, ils sont venus jouer à la ferme et on a commencé à organiser des activités avec eux. Il faut croire que nos portes étaient assez grandes ouvertes.” nous confie le directeur dans un sourire.

L’accueil des jeunes se réalisait sous un volet d’accueil extra-scolaire tous les mercredi après-midi. L’occasion d’organiser des voyages, des visites au musée... Cependant, certain.e.s, en situation de décrochage, venaient d’autres jours de la semaine. Il est alors apparu qu’ils.elles se trouvaient dans des situations dans lesquelles ils.elles risquaient de se retrouver en situation d’exclusion sociale. Face à ce constat, la réponse ne s’est pas faite attendre : “On a voulu mettre de l’énergie avec eux. On a développé différents projets de mentorat pour créer une relation et les aider dans leur scolarité le plus loin possible.

Suite à l’obtention d’agréments, l’asbl Racynes propose depuis quelques années une formation de deux jours par semaine pour les jeunes en décrochage de 15 à 25 ans. L’objectif est de “leur proposer une formation plus qualifiante, de retourner à l’école ou de trouver un premier emploi. On travaille pas mal avec des jeunes qui sont dans des parcours scolaires en alternance, en CFA, en enseignement professionnel. Ce sont des jeunes qui ont envie d’aller vite vers l’emploi car le système scolaire ne leur correspond pas toujours. On a également une école de devoirs qui démarre à partir de 6 ans et un projet d’accueil bébé pour les parents qui sont dans des cours de français langue étrangère (FLE).”

“Venir ici, ça nous permet d’apprendre des choses et de ne pas rester chez nous.”

En dessous de la toute nouvelle charpente, nous rencontrons Lucas et Marwen qui reviennent de leur session de révision du permis théorique : “Nous sommes en formation de réinsertion socio-professionnelle. Le matin on révise le permis théorique et l’après-midi on fait des activités. On a été au cimetière militaire, on construit des choses pour la ferme. On a fait la charpente il n’y a pas longtemps.” Lucas enchaîne “Venir ici, ça nous permet de ne pas rester chez nous. On apprend des choses, on rencontre des gens, on s’occupe des animaux et on peut parler aux éducateurs quand ça ne va pas.

D’ailleurs, Brice, un des éducateurs spécialisés arrivent pour lancer l’activité de l’après-midi. Il prend quelques minutes pour nous faire part de son expérience au sein de Racynes. “ Je suis arrivé en 2016/2017. Je suis éducateur spécialisé et j’encadre les jeunes pendant les activités de groupes dans la ferme ou à l’extérieur. Ça peut aller de 5 à 14 jeunes. Je m’occupe aussi de l’atelier de réparation vélo. En ce moment, on a un gros projet de déplacer l’espace ferme pour faire plus de place pour l’épicerie. Je suis plutôt dans ce qui est manuel et mes collègues sont plus sur les activités culturelles ou artistiques. Le fil rouge de mes activités est l’aménagement de la ferme.

C’est donc auprès des jeunes qu’agit Brice. Ces derniers font partie du programme européen NEET (New Engineering Education Transformation). Il précise : “Il n’y a pas de contraintes pour venir, c’est au bon vouloir des jeunes. Mais l’objectif du programme c’est la remise à l’emploi ou en formation des jeunes. Mon objectif principal c’est qu’ils se sentent bien, qu’ils retrouvent la motivation, la confiance en eux avant de se lancer dans un processus de recherche.”

En dehors de ce programme, les portes de la ferme restent ouvertes pour les jeunes en défaut de solution scolaire. “On a aussi des jeunes déscolarisés qui doivent donc attendre la rentrée prochaine. On est une solution pendant ce temps, on leur permet de rester actifs.

Il n’y a pas de contraintes d’entrée, ni de départ, mais l’équipe s’assure du bien-être des jeunes et de leurs attentes. Brice continue “Quand les jeunes arrivent ici, on fait une semaine d’essai. Au bout de la semaine, on fait un entretien avec eux et on voit si c’est bon pour eux, si ça leur plaît. C’est rare que des jeunes partent au bout de cet essai. Les retours sont souvent positifs.

Des habitats durables

La situation des jeunes en décrochage a également été le déclic pour la mise en œuvre d’un projet de plus en plus conséquent : la construction de logements. Au-delà du désintérêt pour la scolarité certain.e.s jeunes peuvent se trouver en recherche de logement.
Depuis, 2014, c’est ce à quoi répondent Alexandre Carlier et son équipe, avec la proposition d’habitats durables, pensés dans une logique de transition écologique.

La problématique ne touchant pas que les jeunes, une solution a également été créée pour des familles en mauvaise passe. “On a construit 6 appartements dédiés à des jeunes qui se retrouvent en décrochage au niveau familial ou dans des projets où ils doivent être mis en autonomie au niveau de l’Aide à la jeunesse. C’est ce qui nous a mis un pied à l’étrier pour le secteur du logement. On a également fini un logement de 4 chambres, qui est un logement de transit pour des familles qui ont besoin d’un logement pendant 6 mois renouvelable une fois.

Et les idées continuent de fuser au sein de l’équipe. “Il y a d’autres projets, on vient de finir un tiny-house qui est utilisé comme logement d’urgence, sur du court terme pour un public jeune. C’est aussi un partenariat avec l’aide à la jeunesse car ils ont souvent des demandes de jeunes de 15 – 17 ans qui se retrouvent à la rue et qui ont besoin d’une solution rapide.

La crise sanitaire a modifié le paysage social en renforçant des situations déjà précaires rendant l’accès au logement encore plus difficile face des propriétaires frileux de louer leurs espaces à des personnes aux faibles revenus. “Cette proposition répond à une demande du terrain où il est difficile de trouver un logement ou en tout cas des propriétaires qui font confiance.”

“Permettre aux gens de s’ancrer pour aller ensuite vers l’extérieur”

Le secteur d’activité à l’origine de l’asbl est l’insertion sociale tournée vers les adultes. “ On propose 24 heures d’atelier par semaine. L’idée c’est de permettre aux personnes de venir ici pendant quelques mois. Ces personnes ont une petite fragilité, que ce soit de la santé mentale, une déficience ou simplement une panne de projets de vie à un moment donné. L’objectif est de leur permettre de ne pas rester ici mais d’aller vers l’extérieur.” précise Alexandre Carlier.

Pour diriger les bénéficiaires vers l’extérieur, un projet de potager collectif a été créé à Liège ainsi qu’un partenariat d’agriculture sociale avec des agriculteurs qui accueillent les personnes contre défraiement. Il y a alors possibilité de rencontrer d’autres personnes, de créer du lien et d’envisager la signature de contrats.

Concrètement sur le terrain de la ferme, les adultes en présence s’occupent du lieu ou participent à des activités. “On tente de rester dans la transition écologique, donc on propose un atelier couture pour faire des sacs à pain ou des lingettes nettoyantes pour la figure avec du tissu de récupération.

“Il y a une bonne ambiance ici ! ”

Les légumes issus du potager sont utilisés pour la réalisation de plats servis dans le restaurant social. “Le restaurant est le résultat de l’évolution de la roulotte à soupe où l’on proposait de la soupe cuisinée avec les légumes du potager, trois fois par semaine. Cela permet aux personnes de venir se poser et de manger un bon repas. Le lundi matin on propose un accueil café.

25 personnes composent l’équipe de bénévoles. Après le repas, Vicenta dite “Tita”, bénévole depuis quelques mois nous confie “ Je suis venue ici car je voulais rencontrer des gens, ça passe le temps d’une belle manière.”
Michèle, son acolyte du restaurant donne de son temps à la ferme depuis 3 ans. “J’ai découvert l’asbl lors de son inauguration et j’ai eu envie d’y faire du bénévolat car j’aime le contact avec les autres. Ce qui m’intéresse c’est de pouvoir discuter avec les gens. On les conseille. En tout cas, je m’amuse bien et il y a une bonne ambiance.

Derrière le potager, on aperçoit des poules, des ânes, des cochons, une vache... Hé oui, Racynes est également une ferme refuge. Le directeur s’est rendu compte que “ le contact avec les animaux est utile dans une idée de travail thérapeutique. On sait que le lien avec les animaux permet à certaines personnes de reprendre confiance en elles et en la vie.”



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