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Privatisation des soins : "La dépendance ne peut pas devenir un marché"

17/06/14
Privatisation des soins :

Le système de santé en Belgique et en Europe est de plus en plus privatisé. Les professionnels du secteur craignent pour la qualité et l’accessibilité des soins de santé à l’avenir. Eclairage avec Yves Hellendorf, permanent CNE et membre du Réseau européen contre la commercialisation et la privatisation de la protection sociale et de la santé.

Lire le dossier : Les maisons de repos aux mains des holdings privés

La privatisation des soins de santé est observée dans toute l’Europe. Par rapport à nos voisins européens, la Belgique est encore épargnée ?

Le secteur du non-marchand est très développé dans notre pays par rapport à d’autres comme la France. Si l’offre associative reste donc encore forte chez nous, dans d’autres pays historiquement davantage financés par l’Etat, on observe un basculement très fort vers la privatisation. Ainsi en Allemagne en 2013, 59 hôpitaux sont passés du caritatif vers le lucratif ! En Europe de l’est, on observe aussi le développement de multinationales de la santé.

Et chez nous concrètement…

Si le financement solidaire demeure en Belgique, observe toutefois le développement d’assurances privées. Le financement public bascule donc vers un financement de l’utilisateur si bien que certains pays coupent les financements. On observe alors une sélectivité des patients selon leur solvabilité dans certains hôpitaux. On va parfois même chercher des patients très solvables à l’étranger et en refuser d’autres. On a vu de nombreux cas en Espagne et en Italie. La commercialisation des soins de santé s’observe aussi au niveau de la gestion des institutions elle-même, qui pratiquent de plus en plus la sous-traitance pour toute une série de services -cuisine, nursing,laboratoire ,etc…- alors que ces hôpitaux reçoivent des subsides. Une logique marchande se développe.

Les maisons de repos sont particulièrement touchées par cela ?

Oui, si les hôpitaux sont encore préservés, les maisons de repos elles sont clairement visées par les opérateurs privés. A Bruxelles, environ 60 % des lits sont aujourd’hui aux mains des holdings. C’est le même phénomène qu’en France où les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) sont devenus des produits financiers, des lieux d’investissement.

Les chiffres le disent. Nous vivrons de plus en plus vieux. Il faut donc des places en plus ? Le privé ne représente-t-il pas alors une solution plus qu’une menace ?

Le problème est le manque d’investissement public. Pourtant, investir dans les maisons de repos est rentable. On est en fait coincés dans une logique européenne où l’Europe interdit aux Etats d’augmenter leur dette. Or, les investissements pour des infrastructures comme les maisons de repos sont considérées comme « dette ». L’Europe encourage donc les services lucratifs ! C’est cela que le réseau européen dénonce. On bascule d’un système de santé publique vers un marché de la santé. La dépendance ne peut pas être un marché !

Manon Legrand

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