Psychothérapeutes : quid des formations ?

Maggie De Block limite l’accès à la psychothérapie dans sa nouvelle loi. Pour les professionnels qui la pratiquent déjà, elle instaure des « mesures transitoires ». Cependant, plus que la profession, c’est aussi toute la formation, en amont, qui s’en trouve chamboulée.
Maggie De Block ne s’en cache plus : elle veut paramédicaliser la profession de la psychothérapie, qu’elle juge comme un traitement et non comme un accompagnement. Feu vert pour les psychologues cliniciens, les orthopédagogues cliniciens et les médecins. « Mesures transitoires » (qui sont en réalité des dérogations) pour les autres : assistants sociaux, sages-femmes, philosophes, criminologues… qui, malgré leur formation en psychothérapie après leurs études, ne sont pas jugés aptes à pratiquer. Françoise Raoult, membre du collectif Alter-Psy, explique les conséquences au niveau des formations au métier.
Un accès unique aux professions de soins de santé
Dans un premier temps, Maggie De Block voulait réserver l’accès à la profession aux seuls détenteurs d’un diplôme dans les soins de santé. « Au départ, la ministre voulait que seuls les psychologues puissent pratiquer. Elle s’est inspirée d’une pratique à deux niveaux qui a été mise en place dans des institutions « en Flandre » avec des psychologues de première ligne qui travaillent dans un cadre interdisciplinaire en relation directe avec des médecins. Néanmoins, la réalité du terrain l’en a empêchée. Pour les psychothérapeutes déjà en exercice, elle a dû se rendre à l’évidence qu’elle ne pouvait pas se limiter à ces seules professions car elle exclurait trop de psychothérapeutes et ce même dans les institutions. Elle a donc dû accepter d’intégrer des psychothérapeutes ayant des formations hors domaine de la santé : assistants sociaux, éducateurs ou de tout autre domaine et prévoir de les inclure dans les dérogations dans le cadre des droits acquis. Les non-diplômés de santé pourront continuer à pratiquer, mais seulement dans un cadre interdisciplinaire de santé et sous la supervision de titulaires d’un diplôme de santé formés à la psychothérapie. En marquant cette différence elle reste dans sa vision « médicalisée » de la profession, puisque les détenteurs de titres professionnels de santé seraient plus capables que des assistants sociaux et des philosophes. »
Une réelle inconnue
Par rapport à la loi actuelle qui est entrée en vigueur ce 1er septembre 2016, une interrogation demeure : quelle formation est jugée correcte ? En effet, comme le précise F. Raoult, « Le texte de loi dit : les professionnels doivent avoir une formation en psychothérapie dans un établissement. Au jour d’aujourd’hui, nous ne savons pas si la formation que nous avons effectuée en psychothérapie va être jugée suffisante, par rapport à l’établissement dans laquelle nous l’avons effectuée et par rapport au courant choisi ». L’autorité qui jugera de l’adéquation de la formation ? Le Conseil fédéral, qui doit être mis en place. Enfin, le secteur le suppose… « Et ça on suppose, car ce n’est pas mis très clairement, que c’est le Conseil fédéral qui en décidera, qu’à un moment donné, nous devrons nous déclarer à ce Conseil en lui expliquant notre formation et qu’elle sera avalisée ou non. »
Les universités et les hautes écoles à l’avant plan
A partir d’aujourd’hui, toute nouvelle formation en psychothérapie devra obligatoirement se faire en haute école ou à l’université. Précédemment, les formations étaient dispensées principalement dans des instituts privés. Pour F. Raoult, cela engendre deux problèmes :
1) La majorité des écoles va devoir fermer. « C’est très paradoxal, dans la mesure où nombre des formateurs de ces instituts ont presté en universités ou en hautes écoles. Par ailleurs, la loi demande des formations qui, pour le moment, existaient très peu. Enfin toutes les formations dispensées dans des instituts privés seront-elles reconnues ? En ce qui me concerne, j’ai suivi une formation à la gestalt thérapie pendant 4 ans à l’Institut Belge de Gestalt-thérapie, puis à une formation en psychopathologie clinique en 2 ans l’Institut de Formation et Thérapie pour les Soignants (IFTS) ainsi qu’ une formation à la prise en charge du burn-out : je ne sais pas si ces formations seront validées. »
2) Les universités et les hautes écoles sont en train de mettre en place des formations, mais, elles sont surtout magistrales. Or, la discipline demande de la pratique. De plus, les instituts privés enseignaient tous les courants de la psychothérapie, ce qui n’est pas le cas des enseignements universitaires. Or, la discipline demande de la pratique. De plus, les instituts privés enseignaient tous les courants de la psychothérapie, ce qui n’est pas le cas des enseignements universitaires. « Aussi, la formation dispensée en institut était très expérientielle : à côté de la théorie, il y avait une très grande place laissée à la formation pratique. On faisait un travail sur soi, avant d’y entrer notamment et tout au long de la formation ; ce ne sera pas le cas dans les formations universitaires. »
L’accent sur le magistral
Depuis le 1er septembre, la formation pour accéder à la psychothérapie durera 9 ans. F. Raoult explique : « Il y aura 5 ans de master en psychologie clinique (magistral principalement), 2 ans de formation en psychothérapie (unif ou haute école) et puis 2 ans de stages. La ministre dit qu’on peut faire tout en même temps… Comment, nous ne voyons pas très bien. Mais qui aura le courage de faire ça ? Sachant que ceux qui seront psychologues cliniciens avec un master seront habilités à faire des interventions psychologiques…. Qu’est-ce que c’est ? La différence entre une intervention psychologique et la psychothérapie ? On ne connait pas les différences, la loi ne dit rien. »
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