Un an pour faire évoluer la formation des infirmiers

La Belgique a jusqu’au 18 janvier 2016 pour adapter la formation des infirmiers aux nouvelles exigences européennes. Un an pour redéfinir la profession, s’accorder sur les exigences minimales de formation et se mettre à niveau. C’est court mais l’enjeu est de taille.
Une directive européenne datant de 2005 permettait la reconnaissance des qualifications professionnelles pour 7 professions (médecins, pharmaciens, dentistes, vétérinaires, sages-femmes, infirmiers et architectes), moyennant des exigences minimales de formation, dont 4600 heures avec 2300 heures de formation clinique. Cette directive a été modernisée en décembre 2013, ajoutant 8 compétences pour exercer le métier d’infirmier (*).
Refonte des programmes de formation
Pour Cécile Dury, administratrice de la Fédération européenne des formateurs en sciences infirmières (European Federation of nurse education FINE) et de la Fédération nationale des infirmiers belges, cette nouvelle directive européenne tombe à pic. En effet les institutions de formation se mobilisent pour mettre en œuvre le décret "paysage" qui demande une refonte des programmes de formation et il sera impossible de répondre aux exigences du nombre d’heures de formation clinique en seulement 3 ans puisqu’à l’heure actuelle le programme compte 1515 heures de formation clinique.
Une question politique
Une année pour se mettre à niveau, est-ce jouable ? « C’est faisable, mais tout dépendra de nos politiques », réplique Cécile Dury. Au niveau des hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à l’heure où les équipes planchent sur la mise en œuvre d’un nouveau programme de formation, « nous attendons avec impatience que M. Marcourt décide du passage de la formation en 4 blocs et 240 ECTS ».
2 formations pour un même métier
Actuellement et depuis 1947, 2 filières rendent accessible le métier d’infirmier. Les infirmiers sont soit formés dans l’enseignement supérieur (niveau bachelier), soit dans l’enseignement professionnel (infirmier breveté). « Les exigences sont différentes, mais à la sortie, tout le monde exerce le même métier », explique Cécile Dury. Une situation qui peut être difficile à vivre pour les étudiants eux-mêmes qui parfois sont mal informés : « l’infirmière brevetée, par exemple, ne peut pas accéder aux spécialisations ». De plus, ces écoles professionnelles forment en grande majorité des étudiants de nationalité française, qui ne restent pas travailler en Belgique.
Responsabilités politiques
En ce qui concerne la problématique des deux filières de formation il faut d’abord attendre que la nouvelle ministre de la santé, Maggie De Block, modifie l’Arrêté Royal 78 et précise les exigences minimales de formation au niveau 6 du cadre européen de certification (niveau bachelier enseignement supérieur). Cela fait des années que cette question est posée sans que personne ne prenne ses responsabilités, bien que les résultats de recherche prouvent de manière incontournable qu’une formation de niveau bachelier améliore la qualité et la sécurité des soins.
Un enjeu « national »
Car l’enjeu est national, et une réforme structurelle pourrait voir le jour : « les écoles professionnelles organiseraient la formation des aides-soignantes en deux ans, des mesures transitoires permettraient aux infirmiers brevetés d’obtenir le diplôme d’infirmier bachelier moyennant une passerelle réaliste, les infirmiers garderaient les droits acquis, et surtout les nouveaux étudiants seraient en mesure de recevoir une formation qui répondent aux exigences de l’Europe ». L’enjeu de la directive est également important au niveau européen : « chaque pays aura ses défis et tous les efforts permettront de faciliter la visibilité des formations et la mobilité des professionnels ».
Réforme et dialogue
« Les étudiants doivent avoir la garantie que leur formation permettra la mobilité européenne et qu’elle garantisse un haut niveau d’exigence, afin d’exercer des soins de qualité et améliorer la sécurité des patients », insiste Cécile Dury. Les organisations professionnelles plaident pour un cursus en 4 ans. « Il faut mettre en œuvre une réforme, que les acteurs impliqués dialoguent, pour envisager l’avenir d’une manière créative, en mettant de côté ses intérêts "personnels" au profit d’une vision collective pour le développement de notre belle profession » surenchérit Mme Dury.
*Les 8 compétences
1. Diagnostiquer de façon indépendante les soins infirmiers requis, sur la base des connaissances théoriques et cliniques, et de planifier, d’organiser et d’administrer les soins infirmiers aux patients, sur la base des connaissances et des aptitudes acquises afin d’améliorer la pratique professionnelle ;
2. Collaborer de manière effective avec d’autres acteurs du secteur de la santé, ce qui inclut la participation à la formation pratique du personnel de santé ;
3. Responsabiliser les individus, les familles et les groupes afin qu’ils adoptent un mode de vie sain et qu’ils se prennent en charge ;
4. Engager de façon indépendante des mesures immédiates destinées à préserver la vie et appliquer des mesures dans les situations de crise ou de catastrophe ;
5. Apporter de façon indépendante des conseils, des indications et un soutien aux personnes nécessitant des soins et à leurs proches ;
6. Assurer, de façon indépendante, la qualité des soins infirmiers et leur évaluation ;
7. Assurer une communication professionnelle complète et coopérer avec les membres d’autres professions du secteur de la santé ;
8. Analyser la qualité des soins afin d’améliorer sa propre pratique professionnelle en tant qu’infirmier responsable de soins généraux.
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