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Younited Belgium : le football au service de l’accompagnement social

15/01/25
Younited Belgium : le football au service de l'accompagnement social

L’ASBL Younited Belgium a remporté en 2024 le Prix fédéral de lutte contre la pauvreté. Sa force ? Sa capacité à créer des partenariats innovants afin de mettre le football au service de l’accompagnement social. Marine Poliart, responsable Wallonie, livre au Guide social les clés du succès de l’association.

Chez Younited Belgium, on entraine des équipes de football pas comme les autres. Ici, les joueurs et joueuses ne sont pas les futurs Kevin De Bruyne ou Tessa Wullaert, mais des «  experts en survie quotidienne. Ce sont des personnes qui à un moment donné dans leur vie ont des vulnérabilités et ont besoin d’appartenir à une équipe », explique Marine Poliart, responsable du secteur wallon au sein de l’association. Quant aux coachs, ce sont des travailleuses et travailleurs sociaux.

Depuis 2008, l’association (auparavant nommée Belgian Homeless Cup) crée des équipes avec les publics de centres de jour, de maisons d’accueil, de centres de demandeurs de protection internationale, de structures de santé mentale et toute une floppée d’associations. L’idée est de proposer à ces organisations sociales d’utiliser le sport, et notamment le football, comme un outil d’accompagnement social de leurs bénéficiaires. L’objectif est de « redonner aux personnes un sentiment de famille dans une équipe. Avant le football, c’est vraiment l’esprit d’équipe qui compte », insiste Marine Poliart.

Pourquoi le football ? « C’est le sport le plus populaire, il y a des terrains partout et ça ne coûte pas cher », précise la responsable wallonne.

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« Un moyen de créer du lien social différemment »

Concrètement, chaque équipe se forme grâce à un partenariat entre Younited Belgium, une ou plusieurs organisations sociales et un club de foot. Tout est encadré par une convention.

Du côté des acteurs sociaux, l’association fixe quelques conditions : les entrainements doivent avoir lieu une fois par semaine et les organisations doivent libérer du temps aux travailleuses et travailleurs sociaux qui endossent la casquette de coachs. Obligation aussi de participer à une formation gratuite et aux tournois organisés tous les deux mois.

Le projet ne coûte rien aux acteurs sociaux, si ce n’est du temps de travail. A ce sujet, l’arrivée des nouveaux gouvernements aux différents niveaux de pouvoir belges fait planer une grande incertitude : « Si les structures perdent leurs subsides et doivent se séparer de travailleurs, ce sera moins de temps qu’elles pourront consacrer au projet Younited », s’inquiète Marine Poliart.

« Le sport est un prétexte pour créer du lien entre les joueurs et entre les joueurs et les travailleurs sociaux »

De son côté, Younited Belgium accompagne les structures sur le changement de rôle : de bénéficiaires à joueurs et joueuses, et de travailleuses et travailleurs sociaux à coachs. Ainsi, pendant deux jours, l’association forme gratuitement les acteurs sociaux sur la façon d’utiliser le sport comme outil d’accompagnement social et sur le rôle de coach Younited avec l’équipe. Ensuite, les coordinateurs et coordinatrices de l’association reste en contact permanent avec les coachs.

Pas besoin d’être féru du ballon rond pour coacher ou rejoindre l’équipe, le sport « est un prétexte pour créer du lien entre les joueurs et entre les joueurs et les travailleurs sociaux », explique Marine Poliart. Mais pour cela, l’ASBL impose que les deux coachs d’une équipe restent toujours les mêmes. « Le but c’est qu’une fois que le lien se crée, l’aide sociale puisse avoir lieu. Mais si les travailleurs sociaux changent tout le temps, la création de lien ne va pas se faire », assure-t-elle.

Car c’est en ça que l’approche de Younited Belgium est innovante : « Ici c’est l’équipe qui attire la personne. Elle ne reviendrait peut-être pas pour un rendez-vous médical, mais elle revient pour son entrainement parce qu’elle aime ça. C’est un moyen de créer du lien social différemment. Et si elle a des questions, elle peut les poser aux coachs qui sont sur place », continue la coordinatrice.

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Des profils de joueurs et joueuses très variés

Aujourd’hui, 1.690 joueurs et joueuses s’entrainent une fois par semaine au sein des 55 équipes Younited. Chaque équipe peut être formée de bénéficiaires d’une seule structure sociale ou de plusieurs. Tout dépend des besoins des organisations. « Certaines n’ont pas besoin d’être en partenariat avec d’autres car leur objectif est de créer une dynamique de groupe entre leurs bénéficiaires », explique Marine Poliart. A l’inverse, des associations voient un intérêt dans le fait de partager une équipe avec d’autres structures : pour créer du lien entre elles, pour faire découvrir le tissu associatif local aux bénéficiaires ou pour atteindre d’autres objectifs précis.

Désormais, Younited Belgium travaille avec cent organisations sociales différentes. La demande continue d’augmenter, mais la petite équipe de quatre travailleurs ne parvient pas toujours à suivre. Les enjeux aujourd’hui sont de trouver des moyens supplémentaires pour y répondre, mais aussi de grandir tout en préservant « la qualité et la convivialité », affirme-t-elle.

Un même maillot mais des profils très variés

Aussi, dans cette croissance, « il faut garder un équilibre entre les différents publics » pour éviter des frustrations ou crispations, continue la responsable. Car même si une fois sur le terrain tout le monde enfile le même maillot, chez Younited les profils sont très variés : il y a des personnes sans-abris, des personnes en situation de migration, avec ou sans papiers, des personnes avec des problématiques de santé mentale, des personnes isolées, comme les familles monoparentales, ou encore avec des assuétudes, etc.

En 2024, l’une des priorités de l’association a été d’augmenter le nombre de femmes. « Ce qui est compliqué parce que le foot est moins attrayant pour des raisons culturelles et des stéréotypes de genre. Puis, il y a des femmes seules qui doivent jongler entre les enfants et parfois plusieurs métiers », note Marine Poliart. Pour casser les préjugés, Younited Belgium a donc organisé une journée multisport pour les centres qui travaillent avec les femmes vulnérables. Un succès ! 380 femmes y ont participé et le nombre d’équipes féminines a doublé après l’évènement (passant de quatre à dix). Désormais, une joueuse sur quatre est une femme.

« Les clubs sont de plus en plus conscients de leur rôle social »

En plus des acteurs sociaux, le projet Younited repose sur les clubs de football. L’association leur demande de fournir l’équipement (maillots, shorts, chaussettes) - « pour renforcer le sentiment d’appartenance », précise Marine Poliart -, de mettre à disposition un terrain, des vestiaires et de permettre l’intégration des joueurs dans le club. « On leur demande d’inviter les équipes au souper de la Saint-Nicolas par exemple, ou encore de les présenter aux journées des FanDay, au même titre que les autres équipes du club ».

A ce jour, trente-huit clubs de foot ont rejoint le projet. Le partenariat avec l’ACFF, l’association de football amateur en Fédération Wallonie-Bruxelles, « nous a ouvert les portes à beaucoup de petits clubs », continue-t-elle. Et grâce à un partenariat avec la Pro League, tous les clubs du championnat belge ont désormais une équipe Younited. « Depuis peu, les clubs qui sont en voie de monter en challenger ou en D1 nous appelle même pour en créer une ».

Qu’est-ce qu’ils ont à gagner ? « Les clubs sont de plus en plus conscients de leur rôle social et l’équipe Younited permet de développer leur image sociale », constate-t-elle. De plus, les joueurs et joueuses de l’ASBL peuvent devenir volontaires pour les clubs, dont le fonctionnement repose encore principalement sur le bénévolat. « Par exemple, tous les stewards de la Royale Union saint-gilloise sont des joueurs de l’équipe Younited », illustre-t-elle.

Les partenariats au cœur du projet Younited Belgium

Le projet de Younited Belgium repose donc sur une multitude de partenariats. Ce qui lui a d’ailleurs valu le Prix fédéral de lutte contre la pauvreté 2024.

Ces partenariats lui permettent non seulement de former et entrainer les équipes, mais aussi de se financer. Par exemple, depuis 2017, à chaque Noël, la Pro League organise une vente aux enchères de t-shirts portés et signés par les joueurs lors des derniers matchs de l’année et tous les bénéfices sont reversés à Younited Belgium. Soit entre 130.000 et 150.000 euros de dons chaque année. « C’est un partenariat qui ne nous demande pas grand-chose, qui nous rapporte beaucoup et ce sont des fonds non affectés, donc qui nous permettent une grande agilité », souligne Marine Poliart. Parallèlement, l’association peut aussi compter sur des subsides de la Région wallonne, de la VGC, de la Cocof et de la Loterie nationale.

Pour créer des partenariats qui fonctionnent, il faut d’abord faire la différence entre ceux qui sont stratégiques et ceux qui sont opérationnels, car « on ne demande pas les mêmes choses », conseille notre interlocutrice. Dans le premier cas, « il faut chercher à être innovant. Younited Belgium a une chouette histoire à soutenir et c’est à nous de proposer des solutions créatives aux partenaires », ajoute-t-elle.

L’ASBL est attentive à ce que les sponsorings soient cohérents avec le projet

Mais sceller un accord ne suffit pas. Pour s’assurer qu’il tienne sur la durée, il est important d’être « à l’écoute des besoins, des envies et des capacités de chacun et de savoir s’adapter. Il faut rester disponible, garder le lien. Et établir des conventions qui permettent de le stabiliser ».

Aussi, il y a quelques années, la structure a mis en place la théorie du changement (une méthode de planification stratégique) qui lui a permis de distinguer clairement ses objectifs au niveau national de ceux au niveau local. « Cela nous a permis d’avoir un message plus limpide vers l’extérieur », analyse Marine Poliart.

Enfin, l’association est également attentive à ce que les sponsorings soient toujours cohérents avec le projet. Par exemple, pas question d’accepter un sponsoring d’une marque d’alcool alors que certains joueurs Younited ont des problèmes de dépendances.

Caroline Bordecq



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