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Bye bye les APE, Welcome la marchandisation !

30/03/18
Bye bye les APE, Welcome la marchandisation !

Ce jeudi, le gouvernement de la Région wallonne a adopté en première lecture le projet de Décret du ministre wallon de l’Emploi, Pierre-Yves Jeholet, concernant la réforme du dispositif des Aides à l’Emploi (APE) en Région wallonne. Initiée par Eliane Tillieux, la réforme avait esquivé la crise politique, mais elle avait ensuite été gelée. Pierre-Yves Jeholet a repris le dossier à bras-le-corps. A partir de 2021, les APE disparaitront définitivement. La porte ouverte à une marchandisation grandissante de l’associatif ?

Ce jeudi 29 mars, le gouvernement wallon a adopté en première lecture le projet de décret du ministre Pierre-Yves Jeholet, concernant la réforme des APE. Ce dispositif, en place depuis 2002, a permis la création de plusieurs emplois dans le secteur public et du non-marchand entre autres. Pour le ministre, les APE, au fil du temps, ont été détournées de leur objectif principal, pour financer des politiques fonctionnelles. Le secteur, dont l’Unipso, conteste. Oui, les APE ont été utilisées pour des politiques fonctionnelles, parce que c’était bien un de leurs objectifs de départ, parmi d’autres. La réforme prévoit une période transitoire d’ici à 2021, avec suppression totale des APE à partir de ce moment-là. Pour l’Unipso, la question de la marchandisation grandissante du secteur associatif se pose.

[A lire] : Les APE sont le plus gros employeur de Wallonie

2021 : l’apocalypse

La réforme enclenchée par le ministre Jeholet, si elle sera sujette à des concertations futures entre les différents acteurs, prévoit cependant que d’ici à 2021, le dispositif APE disparaisse entièrement. Concrètement, quel sera l’impact, pour le terrain ? Prenons l’exemple d’une petite AMO de quartier, qui souhaite voir le jour après 2021. « Elle sera agréée par le pouvoir en charge et recevra peut-être une subvention pour l’engagement d’un éducateur. Or, il est évident qu’une AMO ne peut reposer exclusivement sur les épaules d’un éducateur, mais qu’elle a besoin d’un coordinateur, directeur, secrétariat, etc. A partir de 2021, ce sera « Débrouillez-vous pour trouver l’argent ! » » , explique Frédéric Clerbaux conseiller juridique à l’Unipso.

Jusqu’à présent, le système des APE était un extraordinaire levier à l’emploi. En effet, les associations qui souhaitaient se lancer, mais ne disposaient pas encore d’un cadre réglementaire pour bénéficier de subventions se tournaient vers ce principe, afin de créer de l’emploi. Désormais, elles devront reposer sur des fonds propres ou faire preuve d’ingéniosité pour obtenir du capital.

Une bonne nouvelle pour le secteur, cependant : le ministre a promis de ne supprimer aucun emploi sous le dispositif APE, d’ici à 2021 et par la suite.

[A lire] : Réforme des APE en Wallonie : changement de date et de cap

Une communication tendancieuse

Un article paru dans La Libre ce 28 mars à propos du dispositif semble sous-entendre que les APE sont LE nouveau scandale qui touche l’associatif. Or, non seulement il n’en est rien, mais l’Unipso déplore que la communication du ministre repose sur cette vision. « La manière dont communique le ministre sur le dispositif est fort négative », explique F. Clerbaux. «  Lorsqu’il dit que les APE ont été attribuées totalement au Fait du Prince, c’est totalement faux ! Le dispositif APE a été créé, à la base, pour répondre à plusieurs objectifs, dont la création d’emplois stables et pérennes. En aucun cas il n’était censé être un tremplin à l’emploi. Les travailleurs sous statut APE ont exactement les mêmes droits que les autres. Donc, quand le ministre dit qu’ils ont été détournés de leurs objectifs, c’est entièrement faux. » Frédéric Clerbaux précise également que des contrôles ont évidemment lieu. Ainsi, chaque mois les employeurs doivent envoyer les fiches de paie des travailleurs et des inspections régulières prennent place.

Frédéric Clerbaux reconnait cependant que, « sur les 4.000 employeurs, probablement que certains n’ont pas joué le jeu correctement. Probablement également que certains ministres se sont montrés généreux. Cependant, la majorité des emplois se trouvent dans des associations agréées et subventionnées pas la Région wallonne ou la FWB et constituent des emplois stables. »

[A lire] : Le dispositif des Aides à l’Emploi esquive la crise politique en Wallonie

Jusqu’à 2021 : on transite

Pour arriver à la suppression totale des aides, le ministre Jeholet a prévu une période transitoire jusqu’à 2021, où il sera question de changer le mode de fonctionnement actuel des subventions reçues par les associations pour les postes existants. Ainsi, jusqu’à 2021, les associations verront leurs subventions recalculées sur la base de ce qu’elles percevaient en 2015-2016 et un forfait leur sera attribué.

Les réductions de cotisations sociales pour les employeurs seront également supprimées, mais le forfait servira de compensation, puisqu’il comprendra tant les rémunérations des points et l’équivalent de la réduction de cotisations sociales de l’employeur. Pour l’Unipso, qui n’est en rien contre ce nouveau mode de subventionnement, deux craintes demeurent cependant : la première, celle que le forfait perçu soit moindre que les subventions que l’association avait avant. La seconde, le forfait sera payé non plus au mois, mais au trimestre, ce qui risquerait d’engendrer, pour certaines associations, des soucis de paiement des travailleurs.

[A lire] : Que vont devenir les APE chéris ?

A partir de 2021, en revanche, c’est le flou total : « Donc, en 2021, les APE disparaissent. L’idée, c’est donc qu’à partir de ce moment-là, les subventions ne soient plus versées par le Forem (comme c’est le cas, actuellement NDLR), mais, par l’ONE par exemple, pour la Petite Enfance. Par contre, en ce qui concerne la gestion administrative de chaque tutelle, c’est une grande inconnue : vont-ils intégrer les postes comme les autres, y aura-t-il une période transitoire… ? On ne sait pas », précise Frédéric Clerbaux.

Un transfert des budgets

Le ministre Jeholet souhaite, qu’à partir de 2021, les budgets soient attribués aux ministres de tutelle, qui prendront seuls la décision de les attribuer, en fonction de leurs compétences. Si l’Unipso n’est pas contre cette démarche, elle souhaite cependant être assurée que la totalité des budgets sera allouée aux ministres en charge. Ainsi, « Il est à craindre que, par souci d’économies, le ministre de tutelle décide de n’accorder que 80% du budget à un secteur, à des postes bien précis, ce qui aurait évidemment des conséquences négatives. Or, à ce niveau-là, nous n’avons encore aucune garantie… »

Economies et marchandisation

Si les APE sont un formidable levier à la création de l’emploi, F. Clerbaux précise cependant que depuis quelques années, les procédures de demandes sont de moins en moins souvent acceptées. « Ils acceptent de moins en moins de demandes de création de postes pour des raisons budgétaires . Actuellement, c’est le gel. On ne peut pas parler de moratoire, mais en pratique, c’est tout comme. Jusqu’en 2021, il sera encore accepté de remplacer un poste actuel, si quelqu’un part ou tombe malade par exemple. Après 2021, ce sera impossible, puisque le dispositif disparaitra. »

[A lire] : Tout au marché car tout est marché ?

Il apparait décidément que la stabilité future du secteur associatif risque d’être incertaine, au vu des diverses réformes entamées par les politiques, à tous les niveaux de pouvoir. En effet, que ce soit dans le domaine de la Santé mentale ou encore au niveau du travail semi-agoral, les ministres semblent se désolidariser toujours plus des secteurs qu’ils représentent, surtout en ce qui concerne le non-marchand. Cette nouvelle réforme des APE pose, elle aussi, la question d’une marchandisation grandissante de l’associatif. Le fait, pour le secteur de reposer sur des subventions pose aussi problème, depuis les récentes affaires de rémunérations douteuses. Pour F. Clerbaux, « Actuellement, tous les domaines subventionnés par des fonds publics sont considérés comme suspects. S’il est certain qu’il y a des abus, ce n’est jamais la majorité d’un secteur. Malheureusement, ce sont souvent les travailleurs qui en font les frais. »

A.S.E.

 Lien vers la réaction de l’Unipso



Commentaires - 1 message
  • Faut-il vraiment pleurer la fin des APE (ACS Í  Bruxelles) ?
    Rappelons qu'il s'agissait d'un statut précaire et transitoire créé pour palier ponctuellement Í  des lacunes en personnels sans avoir les moyens de créer de véritables postes ...

    Et si dans différentes structures sociales cela fonctionne plutôt bien, dans l'enseignement c'est un véritable calvaire pour ceux qui y sont soumis :

    1) engagements de 10 mois (donc, C-4 chaque mois de juin, donc au chômage avec perte sèche de plus de 40 % des revenus pendant 2 mois et impossibilité de remonter dans les barèmes du chômage [règle des 18 mois]) sans forcément de garanties de reconduction;
    2) tant qu'on est APE ou ACS, on ne totalise pas les anciennetés de la même manière; donc période plus longue (deux ou trois fois plus longue, selon les P.O.) pour être candidat Í  la nomination;
    3) pour la pension, c'est la même : les années prestées sous statut précaire ne valent que pour un tiers des prestations, et ne pourront être valorisées qu'une fois l'agent nommé (mais comme on l'a vu plus tôt, la route est longue pour être nommé ... :/ );
    4) les primes et autres avantages accordés aux contractuels et temporaires ne le sont pas ou pas complètement aux APE et ACS ...

    Alors chacun son avis, mais non, je ne pleurerai pas la fin des APE, ACS et autres contrats précaires (surtout si c'est pour enfin créer de vrais emplois Í  la place).
    Et si pour certains, avoir du travail précaire est toujours mieux que de ne pas avoir de travail du tout, je leur répondrai que ce n'est vrai que si c'est limité dans le temps ; mais quand ça dure, ça devient assez vite démoralisant et l'impression d'être esclave d'un système n'est pas loin ...


    Maintenant, pour les autres secteurs sociaux, qui ont des engagements Í  plein temps toute l'année, c'est peut-être moins sensible : pas de pertes financière chaque année, ni de soucis avec le chômage, mais les anciennetés et les fins de carrières vont rester des problèmes difficiles Í  résoudre pour de nombreuses personnes (d'autant plus avec la réforme des pensions qui arrive).

    Par ailleurs, est-il raisonnable que tout un secteur échafaude une idée de stabilité Í  partir de statuts précaires et transitoires ?

    Mais chacun voit midi Í  sa porte, bien entendu ...

    maupi lundi 9 avril 2018 17:06

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