Coronavirus : "Les infirmiers et infirmières à domicile sont les grands oubliés !"
Les infirmiers et infirmières à domicile n’ont à aucun moment été consultés par les autorités fédérales ou régionales dans l’élaboration des plans officiels de lutte contre le coronavirus. Une situation que dénonce avec force Damien Nottebaert, le président du CIFI, Coupole des Infirmiers Francophones Indépendants. Il tire la sonnette d’alarme : « Ces acteurs majeurs de la première ligne ont un besoin urgent d’être correctement informés mais aussi équipés ! »
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La semaine dernière, la Coupole des Infirmiers Francophones Indépendants (CIFI), association professionnelle, a lancé un pavé dans la mare. L’objet de son mécontentement ? En pleine crise du coronavirus, cette partie essentielle de la première ligne de soins n’a absolument pas été consultée par les différents ministres de la Santé. Ainsi, par exemple, le 2 mars dernier, la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, a convié une série d’acteurs médicaux afin de les écouter et d’optimaliser la collaboration entre les différents praticiens. Souci et de taille : autour de la table, il n’y avait aucun représentant des infirmiers et infirmières à domicile.
Une situation incompréhensible pour Damien Nottebaert, le président du CIFI. Et pour cause : la première ligne ne résume pas seulement aux médecins. Il y a d’ailleurs trois fois plus d’infirmiers et d’infirmières à domicile que de médecins généralistes ! « Nous avons à l’échelle du pays 32.000 infirmières - la profession est surtout féminine - qui vont chaque jour soigner les gens chez eux, dont les 2/3 sont des indépendantes. Nous sommes des prestataires qui, parmi tous ceux de la 1ère ligne de soins, ‘bougeons’ énormément. Imaginez que ces 32.000 prestataires fassent, en moyenne, des tournées de 20 visites à domicile par jour. Cela fait 640.000 contacts avec des patients, sans compter les proches côtoyés par la même occasion », a-t-il pointé en exclusivité à Medi-Sphère, l’Hebdo du généraliste. « En dépit de cette proximité de tous les jours avec une population parmi laquelle on découvrira de toute évidence de nouveaux cas, nous n’avons à aucun moment été approchés, en tant qu’association professionnelle, par les autorités, ni fédérales ni régionales. »
Les gants, une denrée de plus en plus rare
Pour l’instant, les ministères régionaux et fédéraux restent sourds aux cris d’alarme répétés du secteur. « Aujourd’hui, nous n’avons toujours reçu aucun contact formel et nous n’avons toujours pas été écoutés ni concertés notamment au niveau de la rédaction d’un guide de bonne pratique », nous a-t-il confié. « Conséquence : la première ligne doit faire face à beaucoup d’imprévus et à un manque flagrant d’informations. Face à l’absence de recommandations de bonne pratique, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons adapté nos pratiques sur le terrain pour éviter de devenir des vecteurs de contamination. Comme des grands, nous avons pris nos responsabilités ! »
Le secteur est également frappé par une autre problématique : la pénurie de matériels comme le gel hydroalcoolique, les masques ou encore les gants. « La situation est très alarmante », a insisté le président du CIFI. « Il est de plus en plus difficile d’obtenir du gel ainsi que des masques. Ce weekend, mon fournisseur m’a également appris que les gants à usage unique allaient manquer également. Or, ils sont indispensables pour notre travail au quotidien. Nous en sommes de gros utilisateurs. » Pour lui, la situation est mieux gérée chez nos voisins français : « Premier exemple : le prix gel a été.. gelé. Ensuite, la délivrance de masques qui protègent du Covid-19 a été limitée, dans les officines, aux professionnels de la santé. Le stock a été bloqué par le Gouvernement, contrairement à la Belgique. »
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Besoin de guidelines spécifiques !
Pour permettre aux infirmiers et infirmières à domicile de travailler sereinement, Damien Nottebaert plaide pour l’organisation rapide d’une rencontre avec les autorités politiques et sanitaires, tant au plan fédéral que régional, afin de pouvoir discuter des procédures à appliquer sur le terrain.
« Bien sûr, la situation et les connaissances sur le virus évoluent de jour en jour. Mais je voudrais au moins pouvoir transmettre à la profession des recommandations de bonne pratique », a-t-il expliqué à Medi-Sphère. « Les infirmières devraient recevoir des consignes spécifiques sur des questions comme : ‘lors de ma tournée, je constate qu’un patient présente tous les signes d’une infection au Covid-19, que dois-je faire ? Vis-à-vis de lui, de ses proches ? Et de moi-même, si par exemple je suis entrée chez lui en ignorant son état et sans équipement particulier ? Suis-je supposée par précaution cesser mes activités durant 14 jours ?’ - ce qui, soit dit en passant, n’est pas évident pour un indépendant. »
Pour Damien Nottebaert il est également essentiel de prendre certaines mesures avant que notre pays soit confronté au pic de l’épidémie. « A ce moment-là, il sera impossible d’hospitaliser tout le monde. Et donc, on demandera à nous, les infirmiers à domicile, de surveiller les patients chez eux. Outre la prise de risque évidente pour tous ces professionnels, vient un autre souci. Il n’existe en effet pas de nomenclature se référant à la surveillance de ce genre de cas. Sans code de nomenclature, comment travailler ? Il serait grand temps que l’Etat pense à ce cas de figure et prévoit ce scénario. Avant qu’il ne soit trop tard ! »
E.V.
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