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Etudiants infirmiers : quand le stage se transforme en vrai calvaire…

25/09/19
Etudiants infirmiers: quand le stage se transforme en vrai calvaire...

Encadrement défaillant voire inexistant, confrontation brutale avec la réalité du terrain, désenchantement. Les étudiants en soins infirmiers sont nombreux à avoir effectué leur stage dans la douleur. Les (mauvais) chiffres parlent d’eux-mêmes… 99.6% des élèves en troisième année ont déjà ressenti une forme de violence durant leur stage, selon l’étude réalisée par l’infirmier en chef de la clinique Saint-Pierre à Ottignies. De plus, 50.6% des étudiants sondés par la FNSI estiment que leur santé physique s’est dégradée depuis leur entrée en formation. Plus inquiétant encore, 18.8% se disent en très mauvais état de santé. Découvrez la première partie de notre enquête !

[DOSSIER]
 Pourquoi le stage pousse des futurs infirmiers à stopper leurs études
 Stage dans les soins de santé : des témoignages alarmants !

Le film « De chaque instant » retrace de manière très juste le parcours initiatique des futurs infirmiers. On y voit l’évolution de jeunes étudiants, des premiers cours aux différents stages. Leurs réussites, leurs victoires mais aussi leurs doutes et leurs échecs sont dévoilés sans langue de bois. On comprend alors, à travers ses images et ses bruits, toute la dureté et le poids reposant sur les jeunes étudiants tout au long de la formation. Responsabilité normale et indispensable étant donné leur profession, mais cruellement assommante pour des jeunes personnes en formation.

Deux problèmes sont dès lors à aborder sur ce sujet : la violence polymorphe rencontrée en stage par les étudiants en soins infirmiers, et le fait d’envisager l’abandon de ses études.

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Ils se sentent exclus et ignorés par l’équipe soignante

Les chiffres sont sans appel. Selon le mémoire réalisé par Lénaïc Damman, infirmier en chef à la clinique Saint-Pierre d’Ottignies, 99.6% des étudiants en troisième année ont ressenti une forme de violence dans le lieu de stage. De plus, la Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers a interrogé 14.055 étudiants, tout cycle confondu : pas moins de 36,9% des personnes sondées ont fait état de cette violence durant le stage.

Cette violence peut être physique ou morale, l’une n’étant pas plus supportable que l’autre. Majoritairement, cette violence se traduit par le sentiment d’exclusion et d’ignorance par l’équipe soignante. Ce sentiment de non-reconnaissance est dans la plupart du temps insidieux et non souhaité par les travailleurs. Les explications peuvent aller du manque du temps à accorder à l’étudiant du fait du rythme du travail, du manque de moyens, des différentes maladies (burn-out, brow-out…) liées au monde du travail qui dégradent les conditions d’équipe…Résultat, les services sont souvent sous tension depuis des années. Les difficultés rencontrées par les professionnels deviennent, par effet domino, très souvent celles auxquelles sont confrontées les stagiaires.

De plus, un constat est partagé par les différents acteurs du « stage » et de la formation : l’environnement professionnel pour les stagiaires, du moins pour les première et deuxième année, ne convient pas. L’étudiant est perçu comme un frein pour le personnel soignant qui doit courir toute la journée et n’a pas le temps, ni la force morale de s’en occuper. De plus, l’écart qu’il existe avec la théorie, que l’étudiant stagiaire a et doit avoir, est très loin de la réalité du terrain qui est souvent faire au mieux avec les moyens du bord.

La violence prend plusieurs visages. Dans son étude, Lénaïc Damman distingue quatre formes de violences recensées et deux acteurs de ces violences :
 Les infirmiers sont à l’origine des violences verbales, mais surtout de la violence de l’exclusion envers les étudiants stagiaires. Ils sont rarement à la source des violences physiques ou des violences discriminatoires. Même si les violences émanent le plus souvent du personnel, ils ne sont pas à l’origine de toutes les violences.
 Le patient est lui à l’origine des violences physiques et sexuelles ainsi que des violences discriminantes. Ces discriminations portent principalement sur l’âge de l’étudiant, son genre et son origine.

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92% ont déjà imaginé abandonner les études

Selon l’enquête de la FNESI, 50.6% des étudiants sondés estiment que leur santé physique s’est dégradée depuis leur entrée en formation. Plus inquiétant, 18.8% des étudiants sondées par la Fédération Nationale des Etudiants en Soins infirmiers se disent en très mauvais état de santé. Plusieurs facteurs expliquent cette situation alarmante. Il est donc important d’examiner ces chiffres avec d’autres, notamment avec ceux de l’enquête plus ressente du chef infirmier Lénaïc Damman. 99.6% des étudiants en troisième année ressentent une forme de violence durant leur stage et 92% d’entre eux ont déjà imaginé abandonner les études. Ce phénomène porte le nom d’attrition. On entend par là le phénomène de départ anticipé des étudiants de leur formation. Derrière ce phénomène, se cache le désenchantement de la vocation et de la vision du métier. La confrontation avec la réalité du terrain peut s’avérer d’une rare brutalité. Cette désillusion mène alors à l’attrition ou à un recadrage dit cognitif : les étudiants intègrent les normes, le comportement, et l’environnement social des professionnels et du lien de travail / stage.

La violence horizontale et la violence verticale que subissent les stagiaires sont à l’origine de ces souffrances et du fait que 99,6% des étudiants ont ressenti de la violence durant leur stage. Les différentes études utilisées révèlent non seulement la souffrance des étudiants, mais aussi celle du personnel qui ne peut faire autrement faute de moyen et de temps. Cela a donc engendré et engendre encore de nos jours, la banalisation de ces violences subies par l’étudiant infirmier.

Il est pourtant anormal d’être angoissé à l’idée d’aller sur son lieu de stage, comme pour son lieu de travail. Le constat interpellant soulevé par les deux études est incontestablement un signal d’alerte. Pour rappel, 99.6% des étudiants sondés par Lénaïc Damman et 36.5% des 14.055 étudiants sondés par la FNESI estiment que le stage est un lieu de souffrance. De plus, si ces études se consacrent exclusivement aux étudiants infirmiers qui sont parmi les plus touchés, la question se pose également de savoir s’il en va ainsi pour les autres secteurs des soins et santé. Et si ce n’était que la pointe de l’iceberg ?

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B.T.



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