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Lettre ouverte aux blouses blanches

25/06/19
Lettre ouverte aux blouses blanches

Dans ce texte, je m’écarte légèrement de la thématique du travail social pour aborder un sujet d’actualité : la grogne des blouses blanches. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que je les comprends. En effet, je suis travailleuse sociale dans le secteur non-marchand, alors travailler dans des conditions indignes pour un salaire de misère et une considération proche du zéro absolu, on peut dire que je connais.

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Horaires lourds

C’est une profession encore largement féminine, pourtant, la langue française étant ainsi faite, on les généralisera en « infirmiers » ou en « infirmièr.e.s », pour inclure celles qui y sont pourtant surreprésentées. Avec un métier bien souvent aux horaires lourds : finir à 22h, travailler de nuit, commencer à 6h, travailler le week-end … elles ont bien du courage, celles qui ont souvent une famille, parfois un conjoint qui aura aussi des horaires fantaisistes. À titre de comparaison, un ouvrier en usine soumis aux mêmes contraintes horaires aura au moins une compensation financière digne de ce nom.

Un métier physiquement exigeant

Je ne l’exerce pas, mais chacun sait que ce métier est physiquement exigeant. Être debout toute la journée, courir en tous sens, ne pas avoir le temps d’aller aux toilettes, manipuler des personnes en étant seule, laver des patients en 7 minutes … Personnellement, je suis en pleine possession de mes moyens physiques, et je peux vous assurer que ma douche dure plus longtemps, même lorsque je suis pressée. Toujours à titre de comparaison, un ouvrier ayant autant de manutention bénéficierait certainement d’une prime et de multiples formations, sans parler des injonctions que l’employeur recevrait de la part du syndicat de son personnel.

Maladies et temps partiels

Au lieu de ça, nos infirmières cumulent les maladies professionnelles et rares sont celles qui terminent leur carrière à temps plein. Il est certain qu’avec le temps et l’âge avançant, tous les métiers deviennent pénibles et lourds, aussi bien physiquement qu’intellectuellement. Le recul de l’âge de la pension ne va pas aider à ce niveau, c’est un fait. Parlant de recul, si on en prend un peu, ce n’est pas parce que tous les métiers, à peu de chose près, deviennent plus lourds, que la situation est normale. D’ailleurs, ne serait-ce pas plutôt au système à s’adapter aux personnes, et non l’inverse ? Utopique que je suis …

Une fonction essentielle

Nos blouses blanches sont là pour prendre soin de l’ensemble de la population, à un moment où les personnes sont les plus vulnérables, physiquement et psychologiquement. Être hospitalisé, ou en suivi post-hospitalisation, est une épreuve à tous niveaux, une mise à nu qui engendre un rapport de dépendance qui nous jette hors de notre zone de confort d’une manière brutale. Les personnes qui sont le plus en contact avec nous, les patients, sont les infirmières. Leur bienveillance, leur douceur et leur patience sont essentielles. Or, ces essentiels sont mis à mal par leurs conditions de travail et l’accumulation de stress et tensions.

Deux poids, deux mesures

Nous aurons tous besoin d’elles un jour, ne l’oublions pas. Mesdames et Messieurs les politiciens, vous ne faites pas exception à cette règle … A moins que vos revenus vous permettent, contrairement à nous, de vous faire soigner en des lieux où vos restrictions indignes ne sont pas de mise … Ceci dit, le niveau honteux de privilèges dont jouit la classe politique est un autre débat.

MF - travailleuse sociale

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Commentaires - 1 message
  • Merci, MF pour cet article plein de vérités.
    J'ai fait mes études d'infirmière sociale de 1971 Í  1974, appelées maintenant "infirmière en santé communautaire" ... titre ronflant pour dire la même chose!
    Je constate que les conditions n'ont pas changé au niveau de l'abandon des étudiant-e-s infirmier-ère-s: nous étions 40 Í  rentrer en 1ère année, nous étions 20 Í  passer en 2ème. Les stages? Durant les 3 ans d'hospitalières et de sociales: 50/50 cours théoriques et pratique en stages. Nous étions donc sur le terrain déjÍ  après 6 semaines de cours. De quoi comprendre immédiatement si on était "faite pour ça". Mais l'ambiance parmi nous était bonne, très bonne. Et si je devais recommencer des études, ce seraient les mêmes dans la même école avec les mêmes compagnes de classe. Que de fous rires et de moments sérieux aussi! Que d'expériences fortes vécues ensemble, avec des monitrices (infirmières professeurs) pas toujours bienveillantes et des diplômées non plus (surtout parmi les religieuses!!!). Mais qu'Í  cela ne tienne, nous avons survécu...Í  l'école de la Vie. Courage, les filles! Je dis "les filles" car effectivement, c'est une profession essentiellement féminine. Ce qui me va loin, c'est que dès qu'il y a un poste" d'infirmière-chef", il est attribué Í  un homme depuis qu'il y en a dans la profession! Hé oui, l'égalité n'est pas encore atteinte.
    Je vous soutiens de tout coeur dans votre combat, qui fut aussi le mien. M-E.

    medek samedi 5 octobre 2019 17:30

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