Marche de prévention du suicide : passer de l'obscurité à la lumière...
Le 11 mai à 5h, Bruxelles se réveillera avec la deuxième édition de Darkness Into Light, une marche de prévention du suicide à portée mondiale. Son objectif est double : sensibiliser le grand public à la thématique du suicide et récolter des fonds. Le Centre de prévention du suicide recevra une partie des bénéfices. Un coup de pouce financier loin d’être négligeable pour ce secteur sous-financé !
« Le suicide est l’affaire de tous. Pourtant, en 2019, ce sujet est toujours tabou. Et plus que jamais dans nos contrées. Tout le monde est touché par cette problématique de près ou de loin. Mais personne ne veut la regarder en face car c’est tellement délicat, douloureux. C’est un vrai problème citoyen mais également politique », insiste Tomas Landaburu, directeur du Centre de prévention du suicide. Et de marteler : « Nous sommes le pire pays européen au niveau du taux de suicide. Les politiques ne se sont quasiment pas occupés de cette question, jusqu’à maintenant. »
Aujourd’hui, la prévention du suicide reste donc un enjeu de taille en Belgique. Chaque citoyen doit être correctement informé, doit savoir vers qui se tourner en cas d’idées suicidaires ou comment aider une personne en détresse. Visibiliser le travail des acteurs de terrain et sensibiliser la population sont essentiels. C’est donc tout naturellement que le Centre de prévention du suicide s’est lancé dans l’aventure de la Darkness Into Light.
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L’argent a permis de renforcer leurs actions
« Cette initiative a été lancée en Irlande par Pieta House, une association de prévention du suicide. Cette marche organisée à l’aube est vraiment symbolique puisqu’elle invite les participants à voir ensemble le soleil se lever. Cela renvoie au passage de l’obscurité à la lumière, du désespoir à l’espoir », explique Sarah Ironside, l’organisatrice de l’événement bruxellois.
La présidente du comité belge rajoute : « Etant originaire d’Irlande, j’ai souhaité exporter ce concept en Belgique, mon pays d’accueil. La première édition s’est tenue le 12 mai 2018. Nous avons marché avec les gens de Bruxelles mais aussi symboliquement avec ceux du Luxembourg, d’Amsterdam, d’Australie… En tout, 200.000 personnes ont marché dans le monde. Le but est vraiment de faire une sensibilisation autour du suicide et plus généralement autour de la santé mentale. Et puis, la marche permet de récolter des fonds. Les bénéfices seront répartis entre Pieta House, le Centre de Prévention du Suicide et le Centrum ter Preventie van Zelfdoding. »
L’année passée, lors de la première édition organisée dans notre plat pays, les bénéfices engrangés ont permis au Centre de prévention du suicide d’obtenir la somme de 14.000 euros. « Pour nous, c’est une somme énorme vu le peu de moyens dont nous disposons », pointe le directeur. Cet apport financier a permis à la structure de développer sa communication. « Nous avons 20.000 euros de budget par an pour ce point. Autant dire que c’est très faible. Une grosse partie de l’argent reçu de la marche a été utilisée pour lancer une vaste campagne de recrutement des bénévoles qui s’occupent de la ligne d’écoute 24h sur 24. En parallèle, nous avons aussi développé un nouvel outil pour la ligne téléphonique. » Via un système de téléphone portable, les bénévoles peuvent désormais effectuer des permanences à domicile.
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La prévention routière a un budget 5 fois plus élevé !
Sarah Irons comme Tomas Landaburu sont unanimes : les élus belges ne sont pas réceptifs à la question du suicide. Elle n’est clairement pas à l’agenda politique.
« Moi, je travaille à la commission européenne. Je reçois des soutiens de politiques européens mais je peine vraiment à accéder au monde belge. Malgré nos efforts et notre engagement sur le terrain, nous n’avons pas vraiment de réactions de la part des mandataires politiques de Belgique et c’est dommage. La question du suicide n’est pas uniquement importante au niveau européen, elle est valable pour tous et partout », note la Présidente du Comité Darkness Into Light Belgique.
Actuellement, chaque région est compétente en matière de suicide. « Elles ont donc leurs propres directives et je peux vous dire qu’elles en ont très peu. Les moyens alloués à ce domaine sont très faibles. Vous savez, les accidents de la route tuent moins que le suicide. Pourtant, à l’échelle belge, la prévention routière a un budget de 21 millions d’euros », rappelle Tomas Landaburu. « Cette somme a permis d’améliorer énormément l’état des routes et donc de diminuer les décès. Pour le suicide ? On recense sur l’ensemble du territoire un budget de 4.5 millions au maximum. C’est une moyenne. Ainsi, en région flamande, le budget est plus élevé qu’au sud du pays. Pourtant, la situation est particulièrement alarmante en Wallonie... »
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Il conclut : « Nous sommes vraiment à la traîne par rapport à nos voisins limitrophes. Nous, nous plaidons pour avoir au moins une vraie politique régionale. Le must serait d’avoir une politique fédérale. L’OMS en 2012 a fait de la prévention du suicide une priorité. Nous faisons partie des pays signataires. Pourtant, le pays n’a pas vraiment fait d’efforts en la matière. Et donc là, à la veille des élections, je tire la sonnette d’alarme. C’est vraiment le moment de rappeler l’importance de la prévention du suicide. La vie des gens est en jeu. Il faut vraiment prendre cela au sérieux. »
Envie de prendre part à cette marche qui devrait compter près de 500 participants ? Rendez-vous le samedi 11 mai au Parc du Cinquantenaire à 5h du matin. Les participants peuvent s’inscrire via le site officiel de Darkness Into Light : https://www.darknessintolight.ie/event/brussels.
E.V.
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