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Informer les jeunes, un fondement d’une démocratie sans cesse à construire

04/04/22
Informer les jeunes, un fondement d'une démocratie sans cesse à construire

L’Ukraine est dans beaucoup de conversations. Aussi lors de réunions entre responsables des secteurs de la jeunesse ou aide à la jeunesse (desquels j’estime, modestement, faire partie). On voit beaucoup de jeunes ukrainiens qui fuient les bombes. Il y a l’envie de marquer le coup. Tenant compte des dynamiques socioculturelles, d’éducation informelle, de citoyenneté solidaire qui caractérisent ces secteurs.

Si le fait de s’exprimer en faveur de la paix à la façon « concours de Miss » apparait assez rapidement simpliste et cliché, aborder la question de la solidarité suscite très vite plus de débats. S’il semble évident que cette valeur est fondamentale aux différents projets associatifs, il est relevé que de nombreux jeunes se montrent très critiques quant à la solidarité à géométrie variable qui se manifesterait dans nos contrées occidentales, depuis le début de cette guerre. La vision de ces jeunes est, peut-être, un tout petit peu caricaturale, mais c’est, avec évidence, leur ressenti. Et ce ressenti est vécu par les animateurs ou travailleurs sociaux qui les rencontrent au quotidien, à l’accueil des maisons de jeunes ou dans les activités qui sont proposées. À l’écoute de ces jeunes, on se rend compte rapidement qu’on ne pourra pas se contenter d’une gentille action de solidarité, d’un drapeau ukrainien aux fenêtres des associations ou d’une participation à une récolte de vivres. Et c’est tant mieux.

« Il faut mieux les informer ! ». La solution est évidente. Mieux les informer ? Est-ce nécessaire ? Alors que toutes les informations se trouvent aujourd’hui dans cet appendice plat qui colle à nos mains : les informations qui rappellent la folie dévastatrice de Poutine comme celles qui pointent le non-respect d’accords anciens qui devaient protéger la Russie d’un expansionnisme de l’Union européenne ou de l’Otan ? Celles qui comprennent le président russe quand il parle de dénazification ou qu’il estime que le Donbass est sous emprise illégitime de l’Ukraine et que les russophones y sont gravement malmenés ? Celles qui, tout en reconnaissant l’invasion militaire unilatérale de la Russie, rappellent dans le même temps les interventions tout aussi unilatérales de l’Otan dans l’ex-Yougoslavie ou des Etats-Unis et de ses alliés en Irak ? Celles qui saluent l’accueil des réfugiés ukrainiens comme celles qui font part de leur incompréhension face aux discriminations dont sont victimes d’autres qui tentent de fuir d’autres conflits dans le monde ? Et si des experts reconnus et estimés prennent (légitimement évidemment) des positions différentes, cela rend l’analyse complexe voire indigeste, pour le commun des mortels. Et notamment pour les jeunes.

Nous sortons d’une pandémie où...

Nous sortons d’une pandémie où les médias mainstream ont été vilipendés pour un discours que certains estimaient à la solde d’une pensée unique au service du pouvoir et des dominants. Ils ont été opposés aux médias alternatifs qui eux, apportaient « la vraie vérité ». Nous sortons d’une pandémie où il a été reproché à de nombreux experts d’être à la solde de cette même pensée unique et notamment d’entreprises pharmaceutiques qui auraient fait mousser la crise sanitaire pour développer plus encore leurs plantureux bénéfices. Nous sortons d’une pandémie où, malgré des audiences non négligeables, des médias alternatifs ont été peu relayés, des experts « dissidents » n’ont pas, peu ou plus été consultés. Nous sortons d’une pandémie où il nous a semblé que les pouvoirs publics prenaient trop souvent des décisions peu lisibles, peu compréhensibles, peu cohérentes , voire risibles. Nous sortons donc d’une pandémie où les citoyens, parmi lesquels les jeunes, ont été noyés d’informations diverses, divergentes, contradictoires, contestables ou contestées.

Par ailleurs, les réseaux sociaux ont continué leur travail de sape, relayant cent millions d’informations, dont certaines étaient intéressantes, alors que d’autres étaient propagandistes et nourrissaient la perturbation d’un esprit critique pour celles et ceux qui y avaient été peu formés. Et bien au-delà !

De nombreux responsables de maisons de jeunes, d’infor jeunes, de centres de rencontres et d’hébergement, d’organisations de jeunesse, d’AMO, pensent que la capacité pour les jeunes (comme pour les moins jeunes) à recevoir une information et à l’analyser avec suffisamment d’esprit critique, est un fondement de la démocratie. C’est un constat fort. Avec ce foisonnement d’informations, avec cette volonté qu’ont certains de noyer le public d’informations fausses et de rendre trop obscure la compréhension du monde, avec les difficultés que vivent aujourd’hui les professionnels de l’information, confrontés à des systèmes économiques dont ils dépendent parfois exagérément, confrontés également, dans cette même logique à « l’exigence » du buzz, du like, ou du putaclic, avec des politiques qui pensent que la punch line, le commentaire acerbe, les prises de décisions qui flirtent entre compromis et compromissions sont les outils qui font grandir la chose publique, nous pensons que cette approche critique tellement nécessaire devient extraordinairement difficile.

L’éducation informelle à laquelle nous sommes attachés a également un rôle important à y jouer

Nous voulons faire confiance aux journalistes et à leur volonté de véritablement informer. Nous voulons faire confiance aux politiques, particulièrement aux parlementaires, singulièrement quand ils et elles font le choix de se départir de leur rôle trop quotidien de presse-bouton, quand ils et elles se rappellent que le Parlement est un des lieux de débats fondamentaux en démocratie. Nous voulons également compter sur le monde associatif, sur les métiers de la Culture, qui ont la volonté d’aller à la rencontre des publics dans leur diversité. Ce sont des métiers d’une extraordinaire complexité. Nous voulons rappeler, leur rappeler particulièrement, la complexité de nos métiers, ceux des animateurs jeunesse ou de professionnels du travail social en lien avec des jeunes. Et la difficulté dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

L’école joue certainement un rôle, au milieu de mille autres choses, dans l’éducation aux médias. Nous pensons que l’éducation informelle à laquelle nous sommes attachés, a également un rôle important à y jouer. Nous avons des outils, parfois performants, parfois perfectibles. D’autres fois des outils peuvent manquer. Il nous revient de diversifier davantage nos méthodes pédagogiques, d’être inventifs et créatifs. C’est notre métier que de faire cela. Mais, il nous semble évident, après cette pandémie, au début de ce conflit à nos portes que, pour bien faire notre travail, nous avons besoin de partenaires : les journalistes, les politiques, les acteurs culturels qui garderont en conscience, de manière permanente, l’exigence de leur métier.

Le régime de Monsieur Poutine est évidemment un danger pour la démocratie. De manière plus rampante et moins visible, nous sommes convaincus que l’analphabétisme dans la compréhension du fonctionnement de la cité, et l’impossibilité d’y prendre une place parce qu’on est mis hors-jeu, du fait de cet analphabétisme, est un autre danger, aussi grave, pour cette démocratie.

Marc Chambeau, Enseignant associativement engagé

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