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Coronavirus : "Non, la quarantaine n'est pas romantique pour tou.te.s !"

20/03/20
Coronavirus:

Le coronavirus et les mesures de confinement (dont il ne s’agit pas ici d’interroger la légitimité !) agissent comme des révélateurs des inégalités de classe, de genre et de race qui structurent nos sociétés néo-libérales et qui se trouvent renforcées dans la conjoncture que l’on connait aujourd’hui. En cette période, il apparaît nécessaire de mesurer ces réalités, de comprendre que la quarantaine n’est pas une expérience insolite, romantique et bucolique (balade en foret, lecture de romans, temps pour prendre soin de soi et de son corps, etc.) pour TOUTES et pour TOUS.

Certaines familles se retrouvent enfermées dans des petits appartements insalubres, confinées dans une promiscuité étouffante, sans espaces extérieurs privatifs. Le télétravail (qui est un luxe en soi) n’est pas possible pour ceux-là, qui ne disposent pas d’un espace adéquat de travail et/ou doivent s’occuper de leurs enfants.

En Chine et en Italie, les cas de violence conjugale ont augmenté. La Belgique ne fera pas exception. Plusieurs organisations de prévention face aux violences faites aux femmes ainsi que des collectifs féministes tirent la sonnette d’alarme.

La quarantaine n’est pas romantique pour les plus précaires en général, pour les sans-abris en particulier, qui voient les services d’accueil et d’aides de première nécessité (colis alimentaires, restaurants sociaux, accueil de jour et de nuit, etc.), tour à tour, fermer leurs portes ou réduire leurs offres. A cause des ruées dans les supermarchés, il n’y a quasi plus d’excédents alimentaires alors que ces marchandises en surplus représentaient 60% de l’approvisionnement des Banques alimentaires. Et les bénévoles, principaux piliers de ce secteur précaire, sont majoritairement en confinement, comme le signale la Fédération des Services Sociaux (FdSS).

La quarantaine n’est pas romantique pour les sans-papiers qui connaissent un statu quo dans leur procédure de régularisation. La précarité et l’insécurité de leur vie quotidienne, politiquement construite, ne font qu’augmenter dans ces circonstances. Le fil sur lequel ils vivent en équilibriste s’effilochent et menacent de rompre.

La quarantaine n’est pas non plus romantique dans les quartiers surpeuplés de Bruxelles et d’ailleurs, où les espaces verts manquent et la densité de population explose. Elle n’est pas romantique aussi pour les isolé.e.s (surtout en zone rurale), les sans familles, les sans réseaux, les vieux que l’on nous déconseille d’approcher, tous ceux et celles qui subissent la solitude extrême que leur imposent ces conditions du confinement. Sans oublier aussi ceux déjà fragilisés, souffrant d’angoisse chronique, de dépression... pour qui entretenir un lien avec le monde est vital.

Les acteurs de première ligne composent sans relâche, avec des moyens et du matériel insuffisants

N’oublions pas les "petites mains" de nos sociétés capitalistes, celles que l’on déconsidère, que l’on ignore, qui font tourner le monde dans l’ombre de nos vies confortables. Pour elles et eux qui ne vivent pas le confinement, la période n’est pas romantique. Je pense aux caissier.e.s, aux personnels d’entretien qui ont assuré dans les coulisses de nos vies un travail de Titan ces dernières semaines, au péril de leur santé, sans protection, pour nettoyer les lieux du virus. Je pense aux éboueurs qui continuent à bosser pour que nos rues restent propres. Je pense aux livreurs ubérisés qui, en temps habituel déjà, subissent des conditions de travail indignes, et qui là travaillent sans relâche pour nourrir les plus riches. Je pense à tou.te.s celles et ceux-là que l’on déconsidère, que l’on ignore. Prenons conscience que sans elles et eux, notre quarantaine serait moins confortable. Nos vies seraient moins confortables.

Enfin, et même si j’en oublie certainement, la quarantaine n’est pas romantique, pas du tout, pour les actrices et les acteurs de première ligne, en priorité le personnel soignant, les infirmières, les aides-soignantes, les médecins qui, hier encore, manifestaient pour dénoncer le manque criant de moyens alloués au secteur de la santé et qui, aujourd’hui, bataillent face au virus, composent sans relâche, en sous-effectif et avec du matériel insuffisant, pourtant élémentaire (pensons aux masques que certaines infirmières se confectionnent elles-mêmes). Et n’oublions pas, encore et toujours, les travailleurs sociaux et les éducateurs qui continuent à travailler coûte que coûte, à gérer les problèmes et les insuffisances d’une société capitaliste qui place ses priorités dans le profit économique et non, dans la santé publique et la justice sociale.

Le coronavirus agit comme un révélateur.

A nous de saisir cette occasion pour penser et interroger nos privilèges, et œuvrer à les mettre au service des plus précaires et des exclu.e.s du confort de la quarantaine... du confort de nos sociétés capitalistes.

Soyons solidaires !

Justine Vleminckx, citoyenne et anthropologue



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