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Patients psychiatriques, détenus, personnel : les oubliés de la crise

29/03/20
Patients psychiatriques, détenus, personnel: les oubliés de la crise

Notre pays a opté pour la stratégie du confinement pour tenter d’endiguer la crise du coronavirus. D’autres mesures, telles que les tests en masse, ou encore les protections individuelles, le renforcement des stocks d’équipements médicaux, etc. ne sont pas de mise. Nombre d’experts s’accordent à dire que le confinement seul ne suffira pas à résoudre cette crise et à aplatir la courbe. D’autant plus qu’il est très difficile de vérifier que ce confinement est bel et bien correctement appliqué par tous. Sans parler du fait que dans certains cas, il est tout bonnement impossible à mettre en oeuvre.

Parmi ces exemples de cas où il n’est pas possible d’appliquer un confinement strict, nous pouvons citer toutes les collectivités. Par exemple : les prisons, ou encore les institutions résidentielles où le résident ne peut pas retourner vivre plusieurs semaines ou mois dans sa famille, que ce soit pour des raisons sociales (enfants placés) ou médicales (personnes porteuses de certains handicap, patients psychiatriques, résidents en maison de repos). Pire encore, ces collectivités sont des milieux où les habitants sont particulièrement vulnérables dans le cas du développement d’une épidémie.

Peut-on appliquer un confinement strict en institution psychiatrique ?

Prenons le cas des institutions et hôpitaux psychiatriques. Ces lieux ne sont tout simplement pas conçus pour appliquer des stratégies de confinement. Les patients y dorment souvent à plusieurs dans une même chambre, lesquelles sont desservies par des couloirs communs. Ils sont pris en charge par du personnel hospitalier qui va et vient, porteurs peut-être inconscients du virus. Ces patients sont des personnes qui peuvent présenter des facteurs les reliant à un groupe à risque, que ce soit en termes d’âge ou de comorbidité, surtout pour les plus chroniques d’entre eux.

Manque de préparation du personnel

Le personnel infirmier travaillant dans ces hôpitaux n’est pas particulièrement formé à ce type de situation. Certes, il y a bien la formation académique, mais celle-ci pèse peu au regard du poids des années et de l’expérience, qui habitue à gérer certaines situations et déshabitue à en gérer d’autres. Qui plus est, la dernière épidémie « incontrôlée » en Europe remonte à plus de 100 ans. Il y a de quoi faire baisser la garde à plus d’un …

Quasi absence d’équipements de protection

En outre, il y a fort à parier que ces lieux ne sont pas suffisamment fournis en équipements de protection. En effet, notre gouvernement a choisi de ne réserver ce matériel qu’aux soignants de première ligne et aux malades déclarés, orchestrant ainsi une pénurie qui n’a pas lieu d’être, étant entendu que les stocks débordent actuellement dans le principal pays producteur, alors que sa propre demande en la matière diminue.

Lenteurs et inadaptations

La configuration des lieux s’ajoute au manque de préparation du personnel, au manque d’équipements de protection, au flou parfois total dans les instructions qui leurs sont transmises, ainsi qu’à la lenteur de la machine administrative en charge de ce type d’institution, qui, dans certains cas, peine à s’adapter à l’urgence de la situation. S’y ajoutent les caractéristiques de la population hébergée, qui peut, pour bon nombre de patients, surtout chroniques, présenter des facteurs de comorbidité les définissant « à risques », et la difficulté parfois pour eux de comprendre l’importance de respecter des consignes d’isolement, d’hygiène personnelle et de distanciation sociale particulièrement difficiles à suivre.

De véritables incubateurs

Le résultat de ces facteurs combinés transforme ces lieux de soins en véritables incubateurs. Il suffirait qu’une personne soit porteuse pour que tout un pavillon soit contaminé, voire même plus, si l’on tient compte des allées et venues du personnel. Alors les hôpitaux ont pris des mesures, avec les moyens du bord. Ils ont vidé des lits afin de limiter l’exposition des patients. Vider des lits signifie mettre fin au séjour de patients, donc renvoyer chez eux des personnes fragiles, vulnérables, ayant besoin de soins. Qui sont peut-être porteuses du virus et qui auront parfois la plus grande difficulté à respecter les règles d’hygiène personnelle, de confinement et de distanciation sociale préconisées. Bien évidemment, seuls les patients jugés suffisamment stables et aptes à être suivis à distance ont été renvoyés chez eux.

Zones de confinement

Les hôpitaux ont également mis en place des zones de confinement. Lesquelles ne seront efficaces que si chaque patient malade est isolé dès qu’il est contagieux, c’est-à-dire avant de présenter le moindre symptôme. Cette mise en oeuvre est impossible, car notre gouvernement a choisi de ne tester que les cas graves et le personnel soignant. En outre, pour que le confinement des malades soit respecté, il faut que le personnel soignant soit dûment (in)formé des pratiques en vigueur dans une telle situation et qu’il soit correctement équipé, ce qui n’est pas forcément le cas. Le risque est donc important, aussi bien pour les patients que pour le personnel soignant et leurs familles.

Seront-ils les oubliés ?

Notre gouvernement n’a pas fait le choix d’appliquer les stratégies mises en oeuvre dans les pays ayant réussi à, si pas maîtriser l’épidémie, au moins en limiter plus que sévèrement la progression. La courbe d’évolution du virus dans notre pays ressemble furieusement à celle de l’Italie, aussi, de nombreux experts scientifiques, ainsi que de nombreux médecins et autres personnels soignants craignent que notre réseau hospitalier arrive à saturation. Lorsque ce sera le cas, il leur faudra choisir qui faire bénéficier de soins et qui laisser mourir …

MF - travailleuse sociale

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