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Les dessous des modifications de l'AR 78 : Des soins Low-cost !

04/12/17
Les dessous des modifications de l'AR 78 :  Des soins Low-cost !

Pour rappel, l’AR 78 est intimement lié à toutes les professions de la santé, il s’agit d’une loi datant du 10 novembre 1967 qui définit l’exercice de l’art de guérir, de l’art pharmaceutique, de l’art dentaire, de l’art infirmier, et des professions paramédicales et interdit par conséquent, les personnes non porteuses du diplôme d’exercer ces différentes professions dans leur cadre le plus strict. Actuellement, la volonté politique est de modifier cet Arrêté royal, toutes les professions de la santé sont concernées.

Par bonheur, la semaine dernière, certains de nos représentants politiques plus affutés que notre ministre de la santé ont refusé le protocole d’accord en conférence ministérielle. Ce protocole datant de la législation de 2014 permet aux aidants proches de pratiquer ponctuellement des soins infirmiers sous supervision du médecin et/ou de l’infirmière et dans un cadre strict de convention individuelle.

L’extension de celui-ci autorise à déléguer des soins infirmiers à toute une série de professionnels non infirmiers, de façon systématique et dans de nombreux milieux de pratique. Ce projet d’extension systématique, sans contrôle ni supervision, de la délégation de prestations infirmières à des tiers non qualifiés est une dérive inacceptable exactement opposée au discours habituel et lénifiant de la ministre De Block concernant son soi-disant intérêt pour la « qualité des soins et la « sécurité du patient ».

Quid de l’empowerment ?

L’empowerment du patient, nouveau mot tendance, implique et responsabilise le patient. Fini la médecine paternaliste, nous passons à une autre ère : l’avènement de l’E-santé. Et pourquoi pas, il faut vivre avec son temps. Quelques réserves doivent être cependant formulées : quid du patient sénescent, dépendant, dément, multi-pathologique ? Pourra-t-il intégrer cette formule ? Qu’en sera-t-il des données collectées et analysées, aboutirons –t-elle à « un permis à point » pour être soigner ?

Jusqu’où va –t-on permettre de pratiquer des soins low-cost ? Est- cela que Madame La Ministre définit comme « un accès aux soins pour tous » ? Je comprends mieux ce qui a motivé le numérus clausus, les diminutions de remboursement pour les médicaments, mais aussi la dilution des actes infirmiers vers d’autres professions selon certains critères qui restent encore assez nébuleux.

Une aubaine pour le privé

Bien entendu, les sociétés réalisent tout à fait l’opportunité qui leur est offerte dans le cadre de leur système managérial de réaliser des économies, d’avoir un personnel plus obéissant et corvéable.

Chez nos voisins

En France, le 7 novembre 2017 est passée la loi qui permet à d’autres professions moins qualifiées d’exécuter des soins jusqu’ici « infirmiers », ceci justifie nos craintes. Nos politiques trouvent souvent l’inspiration chez nos voisins.

Comment aborder ce changement ?

2 journées d’études auront lieu le 30 novembre et 1er décembre 2017 à Bruxelles avec pour thème : « L’avenir des soins : améliorer la santé, stimuler le changement » Cela, c’est l’emballage mais qu’est-ce que cela cache ? Il s’agit ni plus, ni moins de remplacer l’Arrêté Royal par un nouveau cadre juridique qui va redéfinir la répartition des compétences au sein des soins de santé. Ces journées sont dans un premier temps axées sur les soins infirmiers. C’est logique, nous sommes toujours la première profession à ouvrir le bal. Mais, soyez attentifs, l’effet de changement est très contagieux, il se répandra vite aux autres professions de la santé.

Un manque d’informations

Il est question de pratique avancée, de la place des infirmiers dans les soins futurs, de la formation permanente, de visa pour 5 ans. Mais qu’en est-il des infirmiers qui prestent maintenant ? Car souvent, comme pour la lecture de la carte d’identité, on met à exécution une nouvelle loi sans avoir mis à disposition des prestataires et des administrations, les moyens de s’y conformer, ou de s’y opposer.

Mon étonnement est grand de constater que ce forum destiné à modifier un Arrêté royal concernant toutes les professions de la santé s’intéresse dans un premier temps à une seule corporation, vous voulez jeter les bases de l’interdisciplinarité, de la collaboration transversale en défendant la complémentarité , alors ne divisez pas ! Et ouvrez le débat.

Et les patients ?

Comme le relatait un de mes collègues, Meidhi Dallaturca, après s’être entretenu avec un patient diabétique : « On pourrait imaginer voir la maladie avec les lunettes du patient, les lunettes de son conjoint, les lunettes du Docteur, les lunettes du dentiste … ». Il faut enrichir notre savoir de l’expérience de l’autre. Cet exercice visuel permettra de ne plus voir la maladie de la même manière.

De l’importance de l’évolution

Le vieillissement de la population entraine une augmentation des maladies chroniques et pluri-pathologiques. Notre modèle de soins doit évoluer, nous devons porter notre réflexion vers l’avenir, nous sommes tous, médecins, infirmiers, pharmaciens et autres prestataires de soins, des vecteurs de ce changement. Ne nous divisez pas pour mieux brader la qualité des soins, nous y sommes fermement opposés.

Quels risques ?

Diluer les responsabilités, et augmenter les actes à coordonner va donner davantage de complications, d’accidents graves. Le morcellement des soins et des actes va contribuer à engendrer ou à aggraver les professions en pénurie.

Mise en chantier

Afin de modifier la loi, le cabinet a demandé à chaque profession individuellement de réfléchir sur l’avenir de la profession afin de réaliser un modèle inter-multi-transdisciplinaire. Chercher l’erreur. Elle se reproduit lors de ces 2 journées d’étude !

Karine Dethye, secrétaire FIIB, partenaire de la FNIB



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