ASBL PLOUF : « Passons l’exclusion sociale à la machine »

PLOUF est une ASBL qui lutte contre la précarité hygiénique en installant des laveries dans des endroits présentant une situation de grande vulnérabilité. Son objectif est de faire des laveries des lieux chaleureux et des espaces de rencontre pour développer des liens de solidarité entre les habitant·e·s d’un même quartier. Le Guide Social s’est rendu à la wasserette de Molenbeek.
Lorsqu’on entre dans la pièce, c’est une odeur de café qui emplit les narines. La radio en fond et les dessins colorés peints au mur installent une ambiance chaleureuse. Derrière une des portes, trois machines à laver et deux séchoirs occupent la pièce. C’est ici, dans les locaux de l’ASBL PLOUF, que les habitant·e·s de Molenbeek peuvent venir laver leur linge tout en partageant un moment de convivialité autour d’un café.
« On essaie de rendre le rôle social des laveries en proposant toujours un espace de rencontre et une permanence bienveillante pour développer des liens de solidarité entre les personnes vivant dans un même quartier », explique Audrey de l’équipe de PLOUF. « On observe que, généralement, les laveries sont un espace très impersonnel : des néons, des murs bleus, des sièges métalliques. On n’a pas envie d’y passer du temps alors qu’on pourrait profiter de ce moment d’une lessive pour faire une rencontre. »
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Avant d’ouvrir cette wasserette à Molenbeek, l’ASBL a lancé son projet à Evere. Germée fin 2020, l’idée a pris une forme plus concrète en 2021 en passant d’abord par un temps de réflexion : « On s’est dit qu’avoir une sorte de pilote pourrait nous aider à confirmer ou infirmer quelques hypothèses qu’on avait encore. On a donc commencé à faire des tours dans les laveries, surtout dans les Marolles, pour interroger les pratiques des gens et ce qu’ils souhaiteraient avoir dans ces lieux », raconte Audrey.
De fil en aiguille, en visitant des laveries existantes, PLOUF a rencontré Communa, une ASBL engagée dans l’occupation temporaire. À partir de là, les choses sont devenues moins complexes puisque Communa a mis son local sociocommunautaire d’Evere à disposition de PLOUF afin qu’elle y installe ses machines. « Ce geste était du pain béni parce que l’investissement requis pour nous était minime. C’est eux qui ont réalisé tous les aménagements techniques (les arrivées et les sorties d’eau, l’électricité, etc.). Il ne nous restait plus qu’à acheter les machines », confie Audrey. Elle continue : « Cela a été super pour vraiment asseoir l’identité de l’association ».
Aujourd’hui, l’ASBL compte trois locaux : à Evere, à Molenbeek et à Anderlecht.
« Dans ce projet, je crois que j’ai perdu 10 années de vie »
Le chemin pour arriver jusqu’ici, à savoir 12 machines à laver et 10 séchoirs installés, n’a pas été sans encombre. PLOUF a posé ses lessiveuses à Anderlecht en septembre 2024 au sein du projet ’Village Saint-Anne’, un bâtiment qui accueille de nombreuses familles logées dans 53 habitations dans lesquelles il n’est pas possible d’installer de lave-linges. Une wasserette s’imposait donc. Au total, on y retrouve cinq machines semi-pro comme on retrouve dans les laveries classiques, dans lesquelles des pièces doivent être insérées pour la mise en marche. « Dans ce projet, je crois que j’ai perdu 10 années de vie parce qu’on parle de dizaine de milliers d’euros rien que pour l’achat des lessiveuses, plus toute l’installation (eau, électricité) qui n’était pas prévue », sourit-elle. « Le projet a été dingue. On n’avait pas une thune et on ne savait plus à quelle porte frapper ».
Outre le service de machines à laver servant de lieu de rencontre, l’ASBL développe des activités dans ses locaux, tels que des garderies, des repas collectifs, des sorties sportives (principalement du vélo et de la natation), des après-midis jeux. Des ateliers sont organisés en fonction des envies et des demandes des usager·ère·s. Par exemple, celleux-ci ont cousu de petites poupées avec de la lavande pour parfumer les armoires, ont fabriqué des produits de beauté et de lessive et se sont initié à un atelier bien-être.
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« Toutes les semaines, on réfléchit à comment pérenniser une ASBL »
L’association court derrière les appels à projets en permanence pour maintenir son activité en place et pouvoir la pérenniser. Heureusement, la Loterie Nationale a pu soutenir en partie l’ASBL mais cela ne suffit pas pour couvrir toutes les charges. PLOUF a donc développé une activité économique en proposant un service de blanchisserie pour des entreprises. « Elles nous choisissent parce qu’elles veulent soutenir notre projet », confirme Audrey.
Avec son ancrage à la croisée de la santé sociocommunautaire, de la cohésion sociale et de l’éducation permanente, l’association peine à définir son positionnement en matière de financement. « On pense que l’Etat pourrait nous soutenir parce qu’on estime que les activités qu’on fournit sont vraiment en faveur du bien public mais on a du mal à défendre nos projets de façon très solide auprès d’une voix de financement étant donné qu’on se positionne dans les trois branches à la fois sans être complètement dans l’une d’entre elles. On se fait balloter de structure de financement en structure de financement, ce n’est pas confortable ». Elle poursuit : « Toutes les semaines, on réfléchit à comment pérenniser une ASBL. »
Toutes les machines ont un cœur
Le peu de moyens dont dispose PLOUF ne l’empêche pas d’apporter de la joie lors de chaque visite, comme en témoigne cette belle rencontre qu’Audrey a faite, qui a touché l’équipe et qu’elle raconte : « Une personne à Evere se bat contre une très grosse dépression, elle arrive accompagnée d’une travailleuse sociale dans le but de sortir de son isolement et de retrouver goût à la vie. Au début, elle s’assied, prend un café, passe la journée dans le local et on sent que le soir, rentrer chez elle est pesant. Au fur et à mesure des semaines, on lui propose de faire des activités mais au début, elle refuse beaucoup. Puis, on part d’un besoin très concret pour elle : trouver des rideaux. On lui propose un petit coup de main et au final on se retrouve à devoir coudre des riflettes sur un rideau qu’elle avait acheté. Bref, de fil en aiguille en lui donnant de petites attentions et de petites activités, cette personne est devenue bénévole chez nous, elle tient 3 permanences par semaine. Quand quelqu’un a un petit souci, le réflexe est de l’appeler juste pour avoir une parole réconfortante. Elle est vraiment la personne de confiance et de référence absolue à Evere. Elle s’épanouit. Ce sont de belles histoires comme cela qu’on voudrait voir chez PLOUF tout le temps ».
Pauline Février
Fixé à 2,50 euros par machine et 1 euro par séchoir, le prix est moins élevé que dans une laverie classique : un objectif que PLOUF compte bien maintenir.
>>> Pour soutenir l’ASBL, c’est par ici i
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