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Réaction des sages-femmes face aux annonces du gouvernement fédéral

19/03/25
Réaction des sages-femmes face aux annonces du gouvernement fédéral

Le nouveau gouvernement fédéral, mené par Bart De Wever, affiche sa volonté de renforcer l’approche interdisciplinaire des soins périnataux et de revaloriser le rôle des sages-femmes. Mais sur le terrain, ces dernières dénoncent un manque criant de reconnaissance et de moyens. Dans cette carte blanche, elles alertent sur la précarité de leur profession et exigent des actes concrets pour garantir un suivi périnatal de qualité.

Dans son programme, notre nouveau gouvernement a annoncé de nouvelles mesures visant à renforcer l’approche intégrée et interdisciplinaire des soins périnataux, en collaboration avec les gynécologues et les sages-femmes. Un des objectifs affichés est de promouvoir le rôle des sages-femmes dans le suivi des grossesses à faible risque et de créer un cadre attractif pour celles exerçant en soins de première ligne.

Nous saluons l’intention d’intégrer notre profession dans ce parcours de soins. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui, rien n’est attractif pour les sages-femmes. Bien au contraire, les promesses d’un rôle central nous paraissent vaines et inaccessibles, tant les conditions dans lesquelles nous exerçons sont difficiles et la reconnaissance de notre travail insuffisante.

Un financement détourné et des moyens insuffisants

Rappelons qu’en 2023, un budget de refinancement d’environ 10 millions d’euros avait été promis aux sages-femmes. Ce dernier a été détourné pour financer les soins des « 1000 premiers jours », avec l’argument que les sages-femmes y joueraient un rôle central. Or, ce budget est aujourd’hui convoité par bien d’autres professionnels et structures, loin de l’impact direct attendu pour notre profession.

Une approche intégrée devrait se mettre en place grâce à la collaboration entre sages-femmes et gynécologues, celle-ci ne pourra avoir lieu que si les gynécologues acceptent d’ouvrir le dialogue.

Aujourd’hui, nous constatons que nous ne sommes toujours pas invitées dans les discussions sur les trajectoires de soins élaborées par les régions, notre profession, nos compétences et notre rôle restent largement méconnus, et cela depuis trop d’années.

L’un des problèmes majeurs que nous rencontrons aujourd’hui est le manque de financement. Le budget qui nous est attribué est insuffisant et ne permet pas aux sages-femmes d’assurer leurs besoins de manière décente. Chaque année, ce manque de financement se creuse davantage, rendant notre travail de plus en plus difficile à exercer, malgré les lourdes responsabilités qui nous incombent. De surcroît, la convention des sages-femmes à l’INAMI reste indécente.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les unions professionnelles ont dénoncé la convention. Une nouvelle proposition devait être soumise cette année, mais elle ne présente aucune amélioration, ce qui est inacceptable.

Un déconventionnement en hausse

Face à ce constat, les unions professionnelles incitent les sages-femmes à se déconventionner. Avec plus de 40 % de sages-femmes déconventionnées, la réduction de remboursement de l’AMI tombe, elle offre la possibilité de pratiquer des tarifs plus justes avec un remboursement de 100 % du tarif conventionné. Si le gouvernement s’est engagé à mettre fin à cette différence de remboursement pour certaines professions, il a quatre ans pour le faire. Cependant, le temps presse.

Nous ne voulons pas d’une médecine à deux vitesses. Les familles précaires restent protégées par le tarif conventionné, mais nous ne pouvons pas continuer à brader notre profession.

Une rémunération dérisoire pour une grande responsabilité

Le tarif moyen des sages-femmes en première ligne est d’environ 40 € brut de l’heure en moyenne, tout soins confondus, hors accouchement. À ce tarif, comment peut-on encore parler d’attractivité de notre profession ? Qui accepterait de travailler avec autant de responsabilités pour une rémunération aussi faible ?

La sage-femme est la professionnelle de référence pour le suivi des grossesses à bas risque et ce, jusqu’au premier anniversaire de l’enfant. Son approche est globale, préventive et curative, avec une vision à long terme qui permet des économies substantielles pour la santé publique. Nous ne sommes pas surprises de voir notre profession positionnée dans les nouveaux trajets de soins. Ce qui nous désespère, c’est qu’aucune mention n’est faite des moyens nécessaires pour que nous puissions continuer à exercer dans de bonnes conditions. Les ressources doivent suivre les promesses.

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L’influence des mutuelles et le cadre légal

Nous avons également pris connaissance des critiques de certains organismes assureurs (mutuelles) concernant le déconventionnement des sages-femmes, qu’ils accusent de favoriser une classe plus élevée de la population. Nous souhaitons rappeler que ce sont ces mêmes assureurs qui siègent dans les commissions budgétaires de l’INAMI et qui valident des tarifs toujours plus serrés. Ce sont eux qui participent à l’invisibilité de notre profession, en proposant un remboursement de professions annexes sans cadre légal dans le domaine périnatal.

Enfin, le gouvernement s’est engagé à lutter contre les « charlatans ». Nous espérons qu’à l’avenir, un cadre légal sera mis en place pour les professions annexes qui exercent illégalement des actes relevant de notre compétence et qui créent une confusion entre les rôles.

Ce cadre devra garantir la sécurité des familles.

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Des actes concrets sont attendus

En conclusion, nous, sages-femmes, avons toujours été présentes en première ligne pour les familles. Nous nous réjouissons que le gouvernement reconnaisse ce rôle dans son programme, mais pour que nous puissions continuer à assurer notre mission, il est impératif que des moyens suffisants soient alloués.

Nous ne pouvons pas continuer à exercer sous de telles conditions. Il est essentiel que notre profession soit rendue plus visible pour le grand public.

Chaque femme devrait être informée dès le début de la grossesse, des différents professionnels disponibles tout au long de la période périnatale, de leurs compétences. L’amalgame entre les professions doit disparaître, afin que chaque famille puisse s’entourer librement et en toutes connaissances de cause, des professionnels qui répondent à ses besoins.

Le temps de l’invisibilité des sages-femmes est révolu. Nous attendons des actes concrets pour garantir l’avenir de notre profession et, par conséquent, la santé et le bien-être des femmes et des enfants.

Union professionnelle des sages-femmes belges - UPSFB
Association Francophone des Sages-femmes - AFSF



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