Bruxelles sans gouvernement : le cri d'alarme du secteur associatif
Depuis les élections régionales du 9 juin 2024, la Région de Bruxelles-Capitale n’a toujours pas de gouvernement. Ce retard, inédit pour une entité fédérée, inquiète un collectif de 360 associations qui alertent sur ses conséquences sociales dans une carte blanche publiée dans La Libre. Parmi elles, Christopher Collin, Directeur général de l’ASBL DUNE, partage à MonASBL.be son analyse sur les impacts de cette impasse politique.
Signe -très relatif- d’avancée, ce jeudi 10 décembre, la commission des Finances du Parlement bruxellois a donné son feu vert à l’adoption de douzièmes provisoires pour les trois premiers mois de l’année, afin de ne pas bloquer le fonctionnement de la région bruxelloise. Si les partis de la majorité sortante ont voté pour, le MR, le PTB, la N-Va et Les Engagés se sont toutefois abstenus. Et ce, même si le chef de file bruxellois des Engagés a annoncé que son parti voterait en faveur de ce dispositif temporaire ce jeudi 17 décembre en séance plénière.
Pour comprendre les multiples enjeux traversés par le tissu associatif bruxellois, le Guide Social a rencontré Christopher Collin, Directeur général de l’ASBL DUNE, une des 360 signataires de la carte blanche publiée dans La Libre.
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« Nous sommes au bord d’un désastre social ! »
MonASBL.be : Comment analysez-vous la situation actuelle ?
Christopher Collin : Cette absence de gouvernement bruxellois est hautement préoccupante. Autre situation inquiétante : on entend partout que les finances de la région sont à sec et donc, en ce qui nous concerne en tant qu’acteurs de la société civile et du Non-Marchand, nous n’avons toujours aucune garantie pour 2025 quant à la reconduction de certaines subventions. Parallèlement, on constate une augmentation sans précédent de la précarité et des demandes d’intervention de la part de la population bruxelloise. Ce contexte inquiétant nous a poussé à réagir avec les autres associations du secteur.
MonASBL.be : Vous dites dénoncer depuis déjà plusieurs années des problèmes de fonctionnement...
Christopher Collin : En effet, car nos financements sont insuffisants pour absorber la masse des demandes. Prenez, par exemple, le nombre croissant de sans-abris à Bruxelles, qui sont environ 10.000 aujourd’hui, alors qu’ils étaient 6.000 à 7.000 il y a 3 ans. Par ailleurs, nous disposons de subventions dites facultatives et qui sont en principe renouvelées tous les ans ou qui portent sur une, deux ou trois années. Elles doivent donc être avalisées et budgétisées par un gouvernement... que nous n’avons pas actuellement.
Certes, le parlement est en principe sur le point de voter les douzièmes provisoires, qui nous assureraient pendant le 1er trimestre 2025 de percevoir 3 douzièmes de nos subventions annuelles. Mais cela reste préoccupant, car d’une part, nous ne savons pas quand ces subventions seront versées et d’autre part, rien n’est encore établi sur la poursuite de ces subventions pendant toute l’année, alors que les besoins sont criants sur le terrain.
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MonASBL.be : Précisément, quelle est la situation sur le terrain ?
Christopher Collin : Nous sommes au bord d’un désastre social, avec des centres d’hébergement pour sans-abris qui risquent de se retrouver sans aucune solution d’hébergement d’urgence au 31 décembre en cas de non reconduction des subventions.
Ce qui nous inquiète également, c’est le nombre d’emplois qui risquent de disparaître du jour au lendemain : on parle d’une centaine d’emplois et de plusieurs dizaines de milliers d’usagers impactés au niveau du sans-abrisme, de la santé mentale, de l’accès à la culture, ainsi que les personnes victimes de violences intra-familiales. Tous les secteurs sont touchés. Le tissu associatif bruxellois est certes très résilient, mais aussi très fragile car il dépend beaucoup des subventions. Nous redoutons que ce tissu disparaisse, du fait d’un effet de rebond sur d’autres services qu’il sera impossible d’absorber.
« Nous risquons aussi de perdre des effectifs de terrain... »
MonASBL.be : Plus particulièrement au niveau de Dune, comme vivez-vous les choses au quotidien ?
Christopher Collin : Nous dénonçons cette saturation depuis la crise du Covid et l’accueil des réfugiés ukrainiens, et on ne sait toujours pas, en 2025, comment nous allons payer le matériel de réduction des risques (comme des seringues stériles) qui permet d’éviter la propagation de maladies infectieuses telles que le sida et les hépatites.
C’est très préoccupant, d’autant plus qu’à ce sujet, on évoque un budget de 150.000 euros pour la région bruxelloise. Or, à titre d’exemple, un traitement des hépatites revient à 25.000 € par an et un traitement lié au sida entre 8.000 et 10.000 € par an et par personne. Le calcul est donc vite fait. À l’instar d’autres associations, nous risquons aussi de perdre des effectifs de terrain pour l’accueil, l’accompagnement social et l’encadrement des bénéficiaires.
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