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Comment se former à l’accueil des publics LGBTQI+ dans le Social / Santé ? Le point avec la FLCPF

09/12/24
Comment se former à l'accueil des publics LGBTQI+ dans le Social / Santé ? Le point avec la FLCPF

Selon la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF), les personnes LGBTQI+ fréquentent – encore aujourd’hui – peu les centres de planning familial. Pourtant, elles ont un état de santé général et des conditions d’existence moins bonnes que la population hétérosexuelle. Un constat dressé il y a déjà plusieurs années par la FLCPF, notamment suite à la publication d’une vaste étude européenne sur l’état de santé des personnes LGBTQI+ mettant en lumière les enjeux de ces populations.

C’est à cette époque que la fédération a lancé ses premières formations à destination des travailleurs des services de première ligne psycho-médico-juridico-sociaux. Aujourd’hui, c’est un parcours complet de 8 modules thématiques interactifs animés par des associations LGBTQI+ et des travailleur-euses de planning que propose la fédération.

Afin de mieux comprendre les enjeux qui ont mené à la création de cette formation et les défis que représente celle-ci aujourd’hui, nous avons rencontré Thomas Piérard, chargé de mission OSIG/LGBTQI+ et IST/VIH depuis 2020.

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Un constat en perpétuelle réévaluation

Le Guide Social : En ce qui concerne la prise en charge des publics LGBTQI+, quel est le constat aujourd’hui et comment celui-ci a-t-il évolué ?

Thomas Piérard : La prise de conscience du secteur s’est faite graduellement à partir des années 1980, mais il me semble important de souligner que les personnes LGBTQI+ ont toujours fait partie des réflexions qui ont notamment mené à la fondation des centres de planning dans les années 1970.

Suite à la publication de l’étude Health4LGBTI en 2017, nous nous sommes interrogés sur ce qu’il se passait au sein de notre secteur, et c’est là qu’ont émergé des constats plus fins, et notamment un décalage entre la perception des publics LGBTQI+ vis-à-vis des centres de planning, et celle des professionnel·les y travaillant qui étaient dans une posture d’accueil de toute personne demandeuse, sans forcément se questionner sur les besoins spécifiques de chacun·e. C’est là que nous avons identifié un vrai levier de formation.

D’emblée, nous avons choisi de nous entourer de personnes représentantes de la communauté LGBTQI+ qui avaient une expérience de ces publics et une légitimité à représenter ces besoins, ainsi que des réponses à apporter. Grâce à ce travail que nous menons avec ces associations, cela nous permet de rester adéquats dans la réponse que nous proposons et qui évolue de façon continue au gré de nos remises en question et des retours des personnes qui suivent nos formations.

Le Guide Social : Vous parliez des besoins spécifiques de ces publics, quels sont-ils selon vous ?

Thomas Piérard : Premièrement, il est important de prendre les orientations sexuelles et identités de genre comme un déterminant de santé important et qui a un impact sur tous les autres déterminants. Cela va induire des problématiques spécifiques liées à l’identité de genre, aux questionnements que se formulent ces personnes. Il y a aussi la question de l’homophobie internalisée qui impacte ces publics, et parce qu’ils sont également victimes de discriminations sur le terrain.

Deuxièmement, il convient d’avoir à l’esprit le fait que ces populations sont dans une situation de minorité vis-à-vis de la société, et qu’elles vont adopter des stratégies pour être moins visibles, tout en étant régulièrement exposées à des questions de discriminations. Elles peuvent donc vivre un isolement par rapport à la famille, à une communauté, et amener à une santé mentale moins bonne. Ce n’est pas inhérent à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle, mais bien lié à l’environnement social. Ce n’est pas rien de faire partie d’une minorité, encore en 2024.

Enfin, les facteurs de vulnérabilité comme le handicap, l’environnement confessionnel ou la propension à subir du racisme sont aussi pris en compte. Ce sont des enjeux que nous avons intégré au fur et à mesure des remises en question de notre formation.

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Bienveillance et ouverture

Le Guide Social : Quels sont les grands enjeux de cette formation ?

Thomas Piérard : Le plus évident, ce sont les enjeux liés au dépistage du VIH et des IST. Même s’il convient de ne pas résumer ces besoins à cet aspect, c’est le meilleur exemple. Actuellement, les hommes gays et bisexuels en Belgique représentent 50% des nouvelles contaminations, ce qui est largement supérieur à la proportion dans la population, et il y a donc des recommandations spécifiques à mettre en place pour leur proposer des dépistages plus réguliers pour le VIH, des moyens de protection, etc. C’est une évidence et de nombreux·ses professionnel·les, et nous proposons des recommandations actualisées. Mais c’est aussi un sujet dans le cas des femmes lesbiennes et bisexuelles, et celles-ci se retrouvent parfois confrontées à des professionnel·les qui n’en ont pas conscience et vont écarter trop rapidement un dépistage pourtant important.

Le Guide Social : Globalement, ces populations ont de nombreuses spécificités.

Thomas Piérard : Et notre enjeu est d’une part qu’elles puissent faire leur coming-out médical et donc être identifiées comme telles par leurs interlocuteur·ices, et que celleux-ci puissent aborder cette question de manière suffisamment bienveillante pour que ces personnes puissent se confier et oser parler de leurs problèmes. Cela passe par toute une série de petites choses positives qui créent un sentiment d’ouverture.

Un exemple : si dans notre salle d’attente, on a uniquement des affiches médicales mettant en avant des femmes blanches qui ont l’air très heureuses avec leur enfant et leur mari en arrière-plan, cela peut induire un sentiment implicite de ne pas être à sa place chez ces publics. Nous voulons à tout prix éviter que ces personnes doivent s’expliquer elles-mêmes devant chaque professionnel·le à qui elles font face, ce qui induit une fatigue, une lassitude et in fine une méfiance vis-à-vis des professionnel·les de la santé.

Une formation au-delà des centres de planning

Le Guide Social : Qui est le public de votre formation aujourd’hui ?

Thomas Piérard : Quand nous avons développé la formation, elle était principalement en réponse aux besoins de nos centres qui réunissent des médecins, psychologues, assistantes et assistants sociaux, des professionnel·les qui avaient peut-être une facilité à évoquer des sujets liés de près ou de loin à la sexualité. Mais comme je l’ai évoqué, nous travaillons également avec des associations communautaires qui n’ont pas forcément cette approche santé sexuelle comme premier objectif, et qui ont une réflexion plus globale. Il y a un vrai intérêt pour l’ensemble des services de première ligne, car ces différents aspects peuvent émerger dans n’importe quel service. Certains des modules pourraient donc sembler répétitifs pour une partie des personnes inscrites, mais cela permet de reposer des bases communes et d’ensuite dépasser la simple sensibilisation au travers de cette formation étalée sur quatre jours.

Le Guide Social : Pour aller plus loin, comment s’adapter en tant que professionnel·le ?

Thomas Piérard : Être sensibilisé au fait que l’identité de genre ou l’orientation sexuelle ne définit pas une personne mais peut avoir un impact sur sa santé, c’est un bon début. On peut par exemple être face à une personne ayant un problème de santé mentale, mais qui peine à trouver un professionnel·le pour l’accompagner parce qu’il – dans le cas d’un homme gay – est tout le temps ramené à cela, ou au contraire parce que ce choix est écarté comme non-pertinent dans le cadre d’une thérapie. Au-delà de cette formation, l’enjeu est de développer une pratique professionnelle en réflexion continue sur ces questionnements.

Cela peut parfois être lourd à porter si une seule personne est porteuse de toute cette connaissance dans une institution, et c’est pourquoi nous travaillons également à un élargissement de nos formations, ainsi que d’autres partenariats.

Propos recueillis par Kévin Giraud

Plus d’informations concernant la formation et les prochains cycles sur ce lien.



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