Il a abandonné ses fonctions d’expert psychiatre : témoignage

Le docteur Sébastien Verdicq a démissionné fin février de ses fonctions d’expert psychiatre. Dans une interview dans les colonnes de La Libre, il pointe du doigt le manque de reconnaissance de son métier et met en lumière les raisons de son choix.
Son parcours
Médecin de formation, Sébastien Verdicq s’est spécialisé en psychiatrie, ce qui lui a permis d’exercer en milieu judiciaire et pénitentiaire. Il a suivi sa formation en Suisse, où il a ensuite travaillé pendant deux ans en tant que psychiatre référent à la prison de Sion, avant de rentrer en Belgique pour travailler à Dave, au service des mises en observation et dans les prisons. Il a aussi œuvré au service psychosocial de la prison de Lantin. Son expertise attire les convoitises / les demandes, et dans un milieu où les experts se font rare, Sébastien Verdicq est appelé à Liège, Verviers, Marche, Mons, et même Bruxelles, par des magistrats : “Là, j’ai dû refuser.” Il affirme toutefois que ses nombreuses sollicitations ne l’ont jamais empêché de mener à bien ses fonctions : “Avec les juges d’instruction, le contact passait toujours très bien”, dit-il au quotidien La Libre.
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La cassure
Cependant, des zones d’ombre pèsent sur son travail, à tel point qu’elles l’ont poussé à renoncer à ses fonctions en février dernier. L’aspect financier arrive en tête de liste : “C’est le nerf de la guerre”. Suite à une ultime expertise, le désormais ex-expert psychiatre fait le bilan, pas fameux : guère plus de 10 euros de l’heure en moyenne. Son passage d’une demi-journée devant la cour d’assises de Liège n’a pas été reconnu à sa juste valeur : “J’ai reçu 57 euros brut d’indemnités. Je ne veux pas basculer dans une sorte d’élitisme, mais qui travaille encore aujourd’hui pour même pas 15 euros brut de l’heure ?”, s’indigne-t-il.
L’amplification du phénomène
Selon lui, la démotivation s’installe au fur et à mesure que son travail est de moins en moins reconnu et valorisé, notamment par l’aspect financier : “Qu’on bosse une heure ou une journée sur un dossier, le tarif est le même”. Il pointe aussi du doigt l’absence de dialogue dans le milieu qui est préjudiciable à toute amélioration et l’absence de considération de l’être humain dans sa profession : “Je m’étais fait un point d’honneur à systématiquement évoquer cette fameuse question de la personnalité, qu’on ne résout pas en cochant des cases dans une liste d’échelles. Cela permet de réintroduire de l’humain dans quelque chose d’affreux, dans certains actes odieux”.
La déshumanisation du métier
Sébastien Verdicq déclare également qu’on lui a souvent reproché d’exprimer sa position personnelle sur des affaires qu’il a été amené à traiter : “Il m’arrivait quand même de donner un avis plus subjectif, avec toutes les réserves qui s’imposent. Cela m’a été reproché : on m’a dit que j’outrepassais ma fonction d’expert. Mais je le faisais pour essayer de mieux faire passer un message, de mieux faire comprendre quelque chose. Parce que c’est ce qui nous différencie d’une machine qui avale des données et donne une réponse sans nuance. Et puis point. Quand on en viendra à cela, notre société sera totalement déshumanisée. Malheureusement, on y arrive…”
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L’ex-expert dénonce enfin dans le quotidien La Libre un système qui bride ses collègues et remet en cause leur expertise et les résultats de leurs efforts alors que c’est ce même système qui fait appel à eux : “A partir du moment où notre rapport ne va pas dans le sens du ministère public ou de l’un ou l’autre magistrat, il est littéralement démonté. Pourquoi demander une expertise alors ?” C’est le sens même du métier d’expert psychiatre qui est clairement remis en question ici. Reste donc à savoir si cette indignation aura l’effet d’un pavé dans la mare ou d’une bouteille à la mer. Et Sébastien Verdicq de conclure : “On a le sentiment qu’on dérange, que la maladie mentale dérange. Mais cela dérange parce que c’est le reflet de l’échec de notre société. On préfère condamner et mettre en prison que soigner”.
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