Intérimaire et indépendant, ces statuts qui déstabilisent le secteur du soin
Intérimaires, « infirmiers de projet », indépendants. Ces statuts sont de plus en plus courants dans le secteur de la santé. Face à la pénurie de personnel, une spéculation sur les emplois a vu le jour dans le secteur de la santé. Pour Yves Hellendorff, secrétaire général de la CNE Non-Marchand, c’est un manque à gagner pour les institutions. Une rencontre est prévue ce lundi 13 mars entre les ministres de la Santé Frank Vandenbroucke, de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne et le représentant syndical pour faire entendre leurs revendications des travailleurs sur, entre autres, cette problématique. En attendant, nous revenons sur la situation avec lui.
Depuis la crise de la Covid 19, l’utilisation de personnel intérimaire, d’indépendants, d’infirmiers à projets, de plateformes de mise en relation (entendez uberisation de l’hôpital), s’est normalisé dans le milieu du soin. En effet, les agences d’intérim spécialisées dans le secteur de la santé sont de plus en plus sollicitées par les travailleurs.
Une étude dirigée par le CNE est en cours pour pouvoir chiffrer exactement le phénomène.
Tout démarre des normes auxquels font face les institutions : « Si les institutions ne montrent pas les preuves qu’elles engagent assez de personnel, elles vont perdre une part significative de leurs subsides. Donc l’employeur préfère payer plus cher un intérimaire que de perdre une quantité plus importante d’argent suite à un abaissement de subsides », explique Yves Hellendorff.
Les institutions sont donc constamment sur le fil du rasoir : « Dès qu’elles se retrouvent en dessous des normes, ils sont prêts à payer ce qu’il faut pour compléter leurs quotas de contrats », déplore le représentant syndical.
Un relatif confort pour les intérimaires, un danger pour le secteur
Les contrats d’intérim ont un avantage autre que financier pour leurs utilisateurs. En effet, ce type de contrat leur permet d’un côté une meilleure flexibilité dans leurs horaires, et de l’autre de choisir quand travailler ou pas : « Un temps plein est obligé de rester dans ses horaires. S’il prend un mi-temps et additionne cela avec des heures intérimaires, il peut choisir quand les prendre. »
Il peut aussi saisir des heures supplémentaires en plus de son temps plein pour arrondir ses fins de mois. Mais cela comporte un risque évident de surmenage, d’accident au travail et pose la question de la qualité des soins que le/la travailleur.euse prodiguera.
– Lire aussi : « Pour garder un modèle de société basé sur la solidarité, nous devons donner les moyens au Non-Marchand »
Spéculation des emplois
Les agences d’intérim savent que les hôpitaux n’ont pas le choix que d’accepter les salaires demandés. Il leur arrive donc de prendre un employé de ce même hôpital pour des heures complémentaires, mais à salaire beaucoup plus élevés.
Par exemple, dans le cadre d’un métier où la pénurie est encore plus marquée, le personnel présent peut se permettre de négocier des salaires très élevés : « Il peut discuter et exiger d’être payé avec 20 ans d’ancienneté même s’il n’a que 3 ans d’expérience dans le secteur. Et l’agence d’intérim n’y voit pas d’inconvénient car l’institution n’a pas d’autres choix que de payer pour conserver ses subsides. »
C’est un véritable jeu d’offre et de demande : « Certains métiers se remplissent les poches, car ils jouent la concurrence. Les hôpitaux se battent pour obtenir du personnel en leur proposant des salaires gonflés, des voitures de sociétés etc. », dévoile-t-il, avant de continuer sur la perte que cela engendre : « Tout cet argent est de l’investissement qui n’est pas concentré dans les soins. Le personnel resté en temps plein se retrouve avec les horaires les plus compliqués et se sentent lésés. »
Pas de solutions miracle
Pour l’instant, des réflexions sont en cours dans les cabinets ministériels : « Il y a des travaux en ce moment, qui visent à aborder la problématique de la pénurie de personnels. Mais les résultats sont attendus pour automne 2023 », pointe-t-il, avant de déplorer : « Donc, pour 2023, il n’y aura normalement aucun budget prévu à ça. De plus, pour l’année électorale 2024, il y a déjà eu des annonces comme quoi la croissance sera diminuée de 0.5% », annonce Yves Hellendorff.
Le monde syndical ne s’attend donc malheureusement pas à de changements avant la prochaine législature : « Avant 2025, il y a donc à priori, aucune mesure qui règlerait le problème de la pénurie, ni qui empêcherait le genre de dérives qui s’en suivent. »
Mateo Rodriguez Ricagni
Ajouter un commentaire à l'article