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« Pour garder un modèle de société basé sur la solidarité, nous devons donner les moyens au Non-Marchand »

01/02/23
« Pour garder un modèle de société basé sur la solidarité, nous devons donner les moyens au Non-Marchand »

Quelques heures après la manifestation de ce mardi 31 janvier du secteur Non-Marchand, Nathalie Lionnet, représentante syndicale au SETCA, dresse un tableau de la situation du Non-Marchand et fournit des pistes pour améliorer le quotidien des travailleurs. Entretien.

Le dossier du Guide Social :

 Le secteur non-marchand à bout de souffle : « Qui va nous soigner ? »
 Manifestation du Non-Marchand : « Je suis là aujourd’hui parce que je suis fatiguée »

Revaloriser le secteur non-marchand... Oui, mais comment et pourquoi ? Pour Nathalie Lionnet, ce besoin de revalorisation ne passe pas que par le salaire : « La question, c’est plutôt le temps partiel. Les problématiques peuvent varier en fonction des secteurs. Mais que ce soit dans les centres d’accueil, dans les maisons de repos, en centre d’hébergement, etc, il y a des concentrations d’activités très physique dans certains moments de la journée. » Notons par exemple, les levées des patients pour les infirmières et aides-soignantes à toute heure de la nuit ou journée.

« Ce qui fait que dans certaines fonctions, il y a une tendance à engager du personnel à temps partiel pour avoir deux personnes sur un même poste. Pour nous, c’est un problème. »

Se précariser financièrement pour plus de temps libre/de repos, un dilemme à double tranchant

« Les temps-partiels, au final, c’est condamner les travailleurs à vivre dans une certaine pauvreté ou à concilier deux jobs », poursuit la représentante syndicale. Et de préciser : « Cela est compliqué dans ces secteurs à cause de la variabilité des horaires. Ce sont des boulots qui s’exercent de jour comme de nuit, tous les jours de la semaine. Cette difficulté force les professionnels à prendre un temps partiel, ce qui rend le secteur peu attractif. »

Intérim et indépendants, une fausse bonne idée ?

Selon elle, au-delà de son coût élevé, faire appel à des intérimaires amène à des situations où ledit intervenant se retrouve être le/la seul.e dans la structure, sans nécessairement connaître les procédures et les bénéficiaires.

« Il y a aussi le statut d’indépendant qui se développe et je ne parle pas des médecins ou kiné. Je parle de professions qui étaient exercées uniquement en salariat dans les institutions. C’est une inquiétude. » C’est notamment le cas pour la profession d’assistant social, comme nous l’expliquons dans cet article.

« Car la question est de savoir pourquoi les travailleurs veulent aller vers un statut d’indépendant. Alors oui certains pour une question d’argent, mais la raison principale est que les gens veulent se réapproprier leur temps de travail. Car quand je suis salariée, je n’ai pas de contrôle sur mes horaires, alors que quand je suis intérimaire ou indépendant, beaucoup plus. »

Et les jeunes, alors ?

Autre point soulevé : le changement du nombre d’heures que les étudiant.e.s peuvent prester. « Pour nous c’est inacceptable. Pourquoi ? Car, tout d’abord, les étudiants font des formations à haute intensité. A cela vous rajoutez qu’ils se retrouvent à être encadrés par des référents qui sont des intérimaires. Et à cela se rajoute le fait qu’on leur propose de faire plus d’heures, via des heures étudiantes supplémentaires. Tout cela fait qu’on augmente les risques de burn-out. »
La syndicaliste dénonce : « C’est aggraver le problème. La pénurie elle est là pourquoi ? Elle est là car on finit par encore plus surcharger les travailleurs déjà sur le terrain ! » C’est un cercle vicieux.

« Je suis convaincue que les jeunes et futurs collègues ne sont pas moins courageux. Ils et elles veulent bosser, mais ont aussi appris que la vie n’est pas faite que pour travailler. Ils veulent avoir une belle vie. » Bref, ils ne veulent plus tout sacrifier au travail.

En résumé, que faut-il faire ?

Face à ces constats qui interpellent, le Setca, tout comme les autres organisations syndicales, réclame des mesures et vite. « Quand on dit que l’on veut de l’emploi structuré, cela veut dire que l’on veut de l’emploi qualitatif. Des boulots agréables, qui permettent aux gens de concilier travail et vie privée. »

Elle alerte : « Donc si nous ne rentrons pas dans une discussion pour permettre d’avoir une vie légitime aux gens, nos secteurs vont continuer à se vider de leurs travailleurs. »

Au fond, pourquoi est-ce si important ?

« Que ce soit avant la conception quand on veut avoir bébé, ou à la vieillesse, il y’a toujours un moment où l’on aura besoin d’un travailleur du Non-Marchand. Quand on bénéficie de la culture, c’est le Non-Marchand. Quand c’est de l’éducation populaire, c’est porté par le secteur Non-Marchand. Quand on doit se soigner, être accompagné, se former, c’est le Non-Marchand. » Bref, ce sont des métiers qui traversent la vie des gens.

« C’est un choix de société. Si on veut garder un modèle de société basé sur la solidarité et si nous voulons garder l’accessibilité aux services pour l’ensemble des citoyens, nous devons donner les moyens au secteur. Sinon nous allons nous retrouver dans un système, dont on se rapproche de plus en plus, où ceux qui auront les moyens pourront accéder aux services beaucoup plus rapidement et les plus bas revenus non. »

Pour résumer, défendre le secteur du Non-Marchand, c’est défendre notre modèle de société solidaire, selon notre interlocutrice.

Quelles attentes après cette mobilisation ?

« Il y’a des moyens qui sont mis en place, le milliard de Vandenbroucke, il est réel », concède-t-elle. « Mais on vient de tellement loin, on a eu tant d’années d’austérité… Sans compter que les besoins ont augmenté puisque la société a vieilli. Et suite aux différentes crises, les dégâts sur la santé mentale sont terribles. La résilience de la population a ses limites, donc on a aussi un enjeu de santé mentale. »

Elle conclut : « Réussir à rassembler 25.000 personnes dans un cadre de pénurie de travailleurs, sans abandonner les bénéficiaires, c’est un exploit et nous en sommes très contents. A présent, nous espérons que le gouvernement mais aussi l’ensemble de la classe politique vont comprendre les enjeux. »

Pour elle, le premier est de former et engager pour alléger les tâches, pour que les travailleurs.euses ne doivent pas aussi s’occuper des tâches administratives par exemple. Le second enjeu est de donner un signal positif au secteur, pour commencer à en avoir une meilleure image. Et pour que les gens reviennent enfin vers le secteur !

Mateo Rodriguez Ricagni



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