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Jeux, livres ou comptines : des outils créés par des professionnels, pour des professionnels

04/04/23
Jeux, livres ou comptines : des outils créés par des professionnels, pour des professionnels

Livres, musique, comptines, jeux… Au quotidien, les professionnels de la santé et du social utilisent de nombreux types d’instruments dans le cadre des prises en charge ou des rééducations. Certains ont mis au point leurs propres outils de travail, liant parfois une passion de longue date avec leur métier. Pour eux, il peut s’agir d’un moyen d’apporter leur petite touche personnelle aux séances. Portraits de travailleurs imaginatifs, créateurs de leurs propres outils.

La prise en charge thérapeutique nécessite régulièrement l’utilisation de différents types de matériels. Toutefois, ces derniers peuvent ne pas être adaptés à tous ou peuvent prendre beaucoup de place… Des professionnels de la santé, passionnés par leur travail, ont trouvé un bon compromis. Ils ont ainsi créé leurs propres “outils de travail”, afin de d’exercer leur profession plus facilement, voire de concilier une passion avec leur métier.

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1. Auriane de Pierpont et les éditions Marmottons

Auriane de Pierpont est logopède. Passionnée par l’écriture depuis sa plus tendre enfance, elle a décidé de lancer les éditions Marmottons. Auriane raconte : « En quatrième secondaire, j’avais pris un cours complémentaire en français où on travaillait l’écriture. J’ai alors écrit une nouvelle. Mon professeur de l’époque m’avait dit : “J’espère que tu feras un jour quelque chose de cette plume”. Plus tard, je me suis rappelé cette phrase. » Auriane de Pierpont a commencé à écrire lorsqu’elle exerçait sa profession de logopède au Québec, de 2011 à 2013, auprès d’enfants présentant des troubles de la parole. « Je travaillais aussi avec leurs parents, ils étaient toujours en séance avec moi. J’ai voulu créer un outil que je pourrais partager avec les enfants et les parents. J’ai donc commencé à écrire Jules le jardinier, c’était la première histoire que l’on a publiée », indique-t-elle. Et de rajouter : « Jules, c’est l’histoire d’une petite jacinthe qui ne fleurit pas, elle est unique… Un peu comme les enfants qui ont des difficultés de langage ».

En 2014, la logopède fait la rencontre de Colombe Casey, son illustratrice. Son mari, Geoffroy Grandjean, écrit des chansons en lien avec les histoires des éditions Marmottons, qu’il met en musique. « Dans le projet, on est juste trois. On fait tout nous-mêmes, en auto-publication. » La première histoire d’Auriane de Pierpont, Jules le jardinier , est publiée en 2019. « Avec ce premier livre, l’idée était d’aider l’enfant à développer son langage et sensibiliser à la différence », précise l’écrivaine.

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Sa casquette de logopède l’a certainement influencée dans son écriture. « J’utilise beaucoup le support des livres de jeunesse dans ma pratique de logopède pour développer le langage, la compréhension et l’éveil à l’écrit. J’ai essayé d’intégrer mes outils de logopède dans d’autres livres. Par exemple, dans “Plus vite Elliot, nom d’une carotte !”, j’ai veillé à inclure de nombreuses rimes, pour inviter l’enfant avec les mots et les sons. Les rimes font partie de la conscience phonologique, ce sont des prérequis pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ». Celle qui déborde d’imagination a adapté son style d’écriture, répétant une même phrase à de multiples reprises dans le livre. « Cela rend l’enfant acteur », explique Auriane de Pierpont. Quant à ÉléFantastique , l’histoire invite à l’enfant à créer des “animoriginaux”, sous la forme de mots-valises. Le but ? Susciter la créativité et l’imagination de l’enfant. Le dernier album en date ? Méli-Mélo chez Juliette et Léo , qui a pour thème principal la vie de famille.

Des livres aux thèmes multiples, adaptés aux séances thérapeutiques

La logopède utilise ses propres histoires comme de véritables outils lors de ses séances avec ses patients. « Pour la guidance parentale, j’utilise d’office “Jules le jardinier”. Les histoires contribuent à la lecture interactive enrichie ». Toutefois, les albums jeunesse d’Auriane de Pierpont ne s’adressent pas uniquement aux logopèdes. « Les autres histoires ne sont pas basées sur la logopédie en tant que telle. Je parle aussi à la fin des kinés, ergothérapeutes et psychologues. » Le livre Sur les pas de Sacha a pour thème la migration et la solidarité. « Des sujets qui me tiennent à cœur. Rien à voir avec ma casquette de logopède », informe-t-elle, avant de continuer : « “Jules le jardinier” peut aussi être utilisé par des professionnels qui travaillent avec des enfants qui ont une différence, telle que des difficultés de langage ou de motricité. Des neuropsychologues utilisent “Plus vite Elliott, nom d’une carotte !”, qui porte sur la pleine conscience, avec des enfants qui ont des difficultés d’attention et de concentration. »

L’équipe des éditions Marmottons crée tout un univers autour de ses livres. Entre livrets d’activités, marionnettes, cartes postales, affiches et comptines, tout est prévu pour ravir les petits, comme les plus grands. « Cela permet d’aller plus loin après l’histoire », souligne la créatrice de la maison d’édition. Elle surenchérit : « On anime aussi des ateliers sur les thèmes des livres dans des écoles et parfois dans des librairies et magasins de jouets pour enfants. Pour ce faire, on associe la lecture des livres avec l’utilisation des marionnettes et des chansons. ». Auriane de Pierpont et son équipe ne s’attendaient pas à un si grand succès. « On avait lancé le projet des éditions Marmottons en se disant qu’on imprimerait des livres pour nos amis et votre famille. Cela a pris de l’ampleur sans qu’on s’y attende. C’est une belle surprise : j’ai diminué mon temps de travail en tant que logopède pour mettre cela en place. On a la possibilité de faire un livre par an, auquel s’ajoute la partie animation ».

Il est possible de se procurer les livres dans l’un des points de vente (librairies, magasins de jouets, boutiques) disponibles dans cette liste ainsi que via le site internet des éditions marmottons.

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2. Valentine Anciaux et Stéphanie de Schaetzen, créatrices du jeu de cartes “J’irai au bout de mes rêves”

Valentine Anciaux est à la fois psychoéducatrice et co-gérante du site psychoeducation.be avec Stéphanie de Schaetzen, logopède de formation. Ensemble, elles ont créé un jeu de cartes, “J’irai au bout de mes rêves”. Valentine Ancieux raconte l’origine du projet : « L’idée est partie du confinement, lorsqu’on ne pouvait plus travailler. La créativité s’est un peu allumée, on avait beaucoup de matériel qu’on avait créé sur des fichiers Word pour nos consultations, on avait beaucoup d’outils… Avec Stéphanie de Schaetzen, on s’est dit que ce serait plus simple de tout réunir en un seul jeu ! Et c’est ce qu’on a fait. On voulait lancer un jeu qui puisse faciliter le développement de l’intelligence émotionnelle. » Les deux acolytes ont lancé un crowdfunding pour financer leur projet. « Cela a super bien marché ! Depuis la sortie de “J’irai au bout de mes rêves” en 2021, deux mille exemplaires ont été écoulés. Actuellement, on en réimprime à nouveau. »

La psychoéducatrice explique le principe de jeu qu’elle a co-créé : « Le jeu contient 50 cartes et, sur chacune, il y a une activité pour développer la conscience de soi. Pour cela, le jeu aborde cinq thématiques : la conscience de soi, la maîtrise de soi, l’automotivation, l’empathie et les relations interpersonnelles. Il y a 10 cartes par composante ». Et de continuer : « Il n’y a pas vraiment de mécanique, ce n’est pas comme un jeu de sept familles ! »

De nombreuses activités sont ainsi proposées, qu’il est possible de piocher au hasard. Un véritable avantage, selon la professionnelle : « Avoir un petit jeu de 50 cartes, c’est plus confortable. Souvent, les thérapeutes se promènent avec beaucoup de jeux en même temps. Or, ici, cela permet d’avoir de multiples outils en un. Moi en tant que thérapeute, cela m’aide de ne pas avoir à traîner beaucoup d’affaires. » Un autre atout de “J’irai au bout de mes rêves”, et pas des moindres, réside dans les activités du jeu. « Ce sont des formats qui peuvent rentrer en consultation, sans que cela ne prenne une journée entière », complète Valentine Anciaux.

« Ce jeu peut permettre aux professionnels d’avoir plus de créativité dans leur approche avec leurs patients »

Avec ce jeu de cartes, l’objectif poursuivi est de permettre le développement de son intelligence émotionnelle. « Notre intelligence émotionnelle est un gouvernail très puissant qui nous permet d’aller au bout de nos rêves dans le sens où on se comprend bien et on comprend bien les autres. Un enfant dyslexique qui, par exemple, aurait une très bonne intelligence émotionnelle va déjà faire des études où il n’aura pas trop d’orthographe à gérer, il trouvera des amis pour l’aider pour ce dans quoi il n’est pas compétent… Il va puiser dans son courage pour dépasser les épreuves qu’il rencontre. » En tant que psychoéducatrice, Valentine Anciaux est régulièrement amenée à travailler l’intelligence émotionnelle avec ses patients. Le jeu constitue alors un outil de travail idéal : « Travailler sur l’intelligence émotionnelle permet de réaliser des prises en charge. De cette manière, je capitalise sur les forces des patients avec qui je collabore. »

Lors de ses séances, la psychoéducatrice essaye de varier les supports ludiques. « Ce jeu peut permettre aux professionnels d’avoir plus de créativité dans leur approche avec leurs patients. C’est un tout en un, un jeu clé sur porte, une boîte à outils assez compacte… », déclare-t-elle. Et pour cause, les différentes activités proposées sont particulièrement variées. Alors que certaines sont sous la forme de simples questions, d’autres nécessitent un crayon. « Pour Stéphanie de Schaetzen, la logopède avec qui j’ai co-créé le jeu, cela vaut parfois la peine de prendre une petite carte pour développer la conscience de soi pour résoudre un problème mathématique », précise Valentine Anciaux. L’intelligence émotionnelle, que le jeu de cartes “J’irai au bout de mes rêves” permet de travailler, constitue un levier afin de contourner l’angoisse ressentie par certains enfants vis-à-vis de l’apprentissage, notamment en logopédie.

Les professionnels de la santé peuvent utiliser le jeu de cartes “J’irai au bout de mes rêves” avec des patients de 7 à 99 ans, de préférence sans déficience intellectuelle.

Le jeu est en vente dans la boutique en ligne du site psychoeducation.be. Il est également possible de demander à le commander en librairie.

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3. Florence Marenne, logopède, et ses comptines en langue des signes

Florence Marenne est logopède de formation. Aujourd’hui, elle se consacre à l’écriture et l’interprétation de comptines en langue des signes via les P’tites Mains Qui Dansent. Elle propose également à son domicile et dans des écoles des ateliers d’histoires et comptines et organise des formations. « Ma passion pour la langue des signes m’est venue lors d’un concert aux Francofolies, qui était interprété en langue des signes. Mon oncle et ma tante baignaient déjà là-dedans, donc j’ai eu la chance de pouvoir suivre des interprètes et je suis tout de suite tombée sous le charme », raconte-t-elle. Dans sa carrière de logopède, Florence Marenne a beaucoup utilisé les signes, à la fois avec des enfants sourds et entendants. Elle révèle : « J’ai constaté que des enfants de trois ans n’avaient aucun accès au langage oral. Pour beaucoup d’entre eux, l’utilisation de la langue des signes les a débloqués, leur permettant d’avoir une bouée de secours et de les encourager à parler ».

Florence Marenne a d’abord commencé à inventer des comptines qu’elle signait pour son fils. Dès l’âge de huit mois, il a lui-même commencé à produire ses premiers signes. Or, le système phonologique d’un enfant ne lui permet pas de prononcer des mots correctement avant l’âge d’un an et demi. « Cela a été très fructueux parce qu’il n’a pas été frustré, il n’a pas rencontré de colère étant donné qu’il pouvait se faire comprendre par le biais des signes », relate-t-elle. L’interprète a ensuite pris la décision de les publier afin de les rendre accessibles à tous. « Je travaille avec des sourds depuis une dizaine d’années et je suis révoltée de voir qu’ils ont une intelligence comme vous et moi mais que le manque de connaissance de cette langue les bloque et les freine niveau autonomie. J’ai toujours voulu essayer de diffuser et de faire connaître la langue des signes au plus grand nombre », argue la professionnelle, avant de poursuivre : « C’est de là aussi que mes ateliers sont partis. Je propose des ateliers à l’école maternelle pour ouvrir les enfants à la langue des signes, qu’ils sachent qu’elle existe et pour permettre aux enfants qui ne s’expriment pas encore bien de pouvoir communiquer. » Sensibiliser à la langue des signes, la faire connaître afin de participer à l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes sont les objectifs de Florence Marenne. « J’ai voulu en faire un vrai outil pour les enfants entendants mais aussi pour les enfants sourds, accessible en langue des signes francophone belge car il n’existe pas grand-chose en langue des signes francophone belge. »

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Celle qui se consacre aujourd’hui à l’interprétation en langue des signes a publié sa première comptine l’année dernière, sur le thème de la rentrée des classes. « Les comptines sont destinées aux enfants, mais celles qui vont sortir prochainement sont vraiment pour les tout-petits donc ce sont les parents qui vont les raconter aux enfants », précise-t-elle. Elle continue : « L’objectif pour les trois qui arrivent c’était de les mettre dans un seul et même livre, d’en faire un recueil. »

Des comptines adaptées à différents publics

La particularité des livres de comptines de Florence Marenne ? Ils contiennent à la fois les paroles et des images pour apprendre à signer certains mots. Un QR code au début du livre donne également l’accès à la comptine chantée, mise en musique et interprétée en langue des signes. « La langue des signes est une langue à part entière avec sa propre grammaire En atelier avec les enfants qui entendent, je pose juste des signes sur la grammaire de la langue française. Cela s’appelle du français signé. Avec les entendants, l’objectif est de les faire parler français avec pour appui les signes. »

La logopède témoigne de l’utilité de la langue des signes pour les enfants qui auraient des difficultés à s’exprimer oralement : « Pour mémoriser le vocabulaire, la mélodie aide toujours, indique-t-elle. La notion de rythme aussi est intéressante. » Les comptines en langue des signes pourraient être utilisées par des professionnels qui travaillent avec des sourds, mais aussi des entendants qui présentent des difficultés de langage et d’expression orale ainsi que des jeunes porteurs du trouble du spectre autistique. Elle raconte : « J’ai formé une équipe d’éducateurs qui suivent des adolescents autistes qui n’arrivent pas à s’exprimer oralement et qui rencontrent beaucoup de colère, de frustration. La langue des signes est un outil qui est vraiment facile d’accès, contrairement aux pictogrammes qui nécessitent de les avoir tout le temps avec soi. »

Les ateliers de langue des signes proposés par la logopède s’adressent plus particulièrement aux enfants, à leurs parents et aux professionnels. « Lors des ateliers avec les enfants, je signe et je chante en même temps », explique-t-elle. De cette manière, la professionnelle s’adapte à la fois aux sourds et aux entendants. « En atelier, je travaille avec des petits à partir de quatre mois, qui viennent avec leurs parents. Au départ cela commence par une stimulation, puis l’objectif est que les parents rentrent à la maison et puissent faire quelques signes ou quelques comptines avec leurs petits ». Les ateliers peuvent alors aider les petits derniers à s’exprimer plus tôt, parvenir à se faire comprendre avant de pouvoir parler ou, en cas de surdité, constituer un excellent moyen d’apprentissage de la langue des signes pour les parents et l’enfant.

Les recueils de comptines de Florence Marenne sont disponibles dans certaines librairies. Il est également possible de la contacter via la page Facebook des P’tites Mains Qui Dansent.

Mélissa Le Floch



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