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La crèche communale du Heysel, le choc des générations

17/03/25
La crèche communale du Heysel, le choc des générations

À la crèche du Heysel à Laeken, les enfants grandissent au contact des résidentes et résidents de la maison de repos voisine. Grâce à des activités intergénérationnelles variées, ils partagent rires, découvertes et moments chaleureux. Un projet novateur qui tisse des liens uniques entre les générations. Le Guide Social s’est rendu à la chorale hebdomadaire dans la Maison de repos Heysel.

Il est 10 heures 30 lorsqu’un homme accompagné d’une guitare entre dans la Maison de repos Heysel à Laeken. Des sourires illuminent immédiatement le visage des enfants et des personnes âgées, installées ensemble dans le salon commun. Les premiers accords résonnent, et bientôt, les voix s’élèvent. Dans un chœur tendre et maladroit, les générations se rejoignent sur "Paris s’éveille". Les petits balbutient les paroles et, très vite, commencent à danser. Assis en cercle, les résidents de la maison de repos battent doucement la mesure et fredonnent. Dans cette pièce baignée de lumière, la crèche et la maison de repos s’éveillent ensemble, bercées par les notes d’une chanson qui traverse le temps. Ici, on ne compte plus les années : il n’y a que la musique, le partage, et ces éclats de vie qui se mêlent le temps d’un refrain.

Organiser des activités qui rassemblent les enfants et les personnes âgées est un projet que la crèche a lancé récemment. « Cela a toujours été l’objectif puisqu’on est au cœur d’une maison de repos mais il y a des personnes qui étaient moins sensibilisées avant moi. Quand je suis arrivée, je savais qu’il y avait ce projet et j’ai directement essayé de le mettre en place avec l’équipe », raconte Nathalie Boon, la directrice de la crèche.

Aucune qualification spécifique n’est requise pour mener à bien les activités intergénérationnelles à la crèche. Cependant, la créativité et des qualités humaines sont indispensables : « Il n’y a pas de formation pour travailler avec des publics aussi divers. La créativité fait partie des compétences de base des puéricultrices », explique Nathalie Boon. Certaines peuvent néanmoins être réticentes, notamment à cause de l’odeur dans les maisons de repos. « Je le respecte et ne les oblige pas. Chacune trouve son domaine pour enrichir l’enfant. »

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Un impact toujours positif

Pour la directrice de la crèche, le travail intergénérationnel est une expérience enrichissante, tant pour le personnel que pour les enfants et les personnes âgées : « Moi, j’adore. Ces activités me permettent de garder le contact avec les patients que j’avais avant », confie cette ancienne infirmière sensibilisée aux séniors depuis ses expériences en hôpital et en soins à domicile.

L’impact sur les enfants et les personnes âgées est tout aussi grand : «  Ce sont des personnes qui ont eu des vies avant, un sacré vécu. Ils ont 80-90 ans, et certains sont tout seuls, sans beaucoup de visites. » Le bénéfice se mesure aussi dans les petits gestes du quotidien : « On essaie de créer du lien par des petits contacts, en disant bonjour et au revoir quand on vient à la chorale, en faisant le tour pour amorcer ces interactions. » Les sourires échangés et les danses spontanées des enfants apportent de la joie à tout le monde. « Les enfants étaient à peine arrivés que les séniors étaient déjà tout sourire. C’est une belle expérience humaine. »

Les bienfaits des rencontres sont indéniables, même pour les résidents les plus vulnérables. « Il y en a qui sont très clairs d’esprit et qui reconnaissent les enfants dès leur arrivée. C’est magique parce qu’ils ont déjà le sourire », s’émeut Nathalie Boon. Mais l’impact est tout aussi grand chez les personnes souffrant de démence ou d’Alzheimer. « Par expérience, ces personnes peuvent avoir des comportements agressifs à cause de leur maladie mais là, pas du tout. Au contraire, elles sont hyper calmes, souriantes, et même les soignants nous disent que ce changement d’attitude est incroyable. »

Les enfants, eux, créent des liens qui dépassent le cadre des rencontres hebdomadaires. « J’ai vu un enfant au marché de Noël reconnaître un monsieur de la chorale. Même pour les parents, c’est chouette. »

Au-delà de la chorale : d’autres activités intergénérationnelles qui rapprochent

Outre la chorale, la crèche du Heysel organise diverses activités intergénérationnelles tout au long de l’année. « On a la chasse aux œufs, la Garden Party où les familles de la maison de repos rencontrent celles de la crèche. On installe des stands avec des jeux pour favoriser les échanges », explique Nathalie Boon. Parmi les moments marquants, l’atelier bulles reste un favori. « Les personnes âgées soufflaient sur les bulles, un exercice ludique et bénéfique pour elles, tandis que les enfants s’amusaient à les attraper. » Des rencontres simples mais porteuses de joie pour les deux générations.

« Avoir une valorisation de la part des politiques serait bien »

Nathalie Boon souhaite voir les politiques sociales encourager davantage les initiatives intergénérationnelles. « C’est vraiment un plus pour les enfants et les personnes âgées. Ici, on a la chance d’avoir le home juste au-dessus, ça facilite les échanges mais permettre la création de plus de structures comme celle-ci serait formidable », sourit-elle.

Elle plaide également pour une meilleure reconnaissance de son métier. « Ce n’est pas juste changer les enfants, les faire dormir et leur donner à manger. J’ai déjà entendu des parents dire qu’on est des gardiennes. Avoir une valorisation de la part des politiques serait bien. »

Un allègement des tâches administratives permettrait aussi de renforcer les activités intergénérationnelles. « Le jeudi, les sorties à la chorale prennent du temps et me mettent en retard sur le travail administratif. J’aimerais qu’on soit un peu déchargées à ce niveau-là pour avoir plus de temps sur le terrain. »

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Le bien-être au travail comme alternative

En attendant que ces revendications trouvent un écho auprès des politiques, la crèche mise sur le bien-être au travail pour soutenir ses équipes au quotidien. La Ville de Bruxelles propose diverses initiatives, notamment des formations et des journées pédagogiques : « On a pu parler des difficultés rencontrées tout en s’amusant et la journée s’est terminée par des échanges où on se donnait des qualités. Certaines ont même pleuré d’émotion en entendant des compliments jamais verbalisés auparavant », raconte-t-elle.

Au quotidien, le bien-être passe aussi par des réunions régulières et des moments de parole. « C’est important qu’elles puissent exprimer leur humeur du jour et mettre des mots sur leurs émotions. » Un cadre bienveillant qui permet à l’équipe de rester soudée malgré les défis du métier.

Pauline Février



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