Qui est Olivier Gendebien ? Portrait du nouveau président de l’acn
Le 29 avril, le conseil d’administration de l’association belge des praticiens de l’art infirmier a élu son nouveau président : Olivier Gendebien, infirmier hyperactif, boulimique de l’action et des formations. Au fur et à mesure de son parcours professionnel, de ses rencontres, il a construit son identité et sa vision de l’engagement sur les questions relatives à son secteur. Ce qui était plus un désir d’aider la société et de trouver du sens à ses actions est devenu, avec le temps, une réelle vocation. Il souhaite que l’acn fasse entendre de façon crédible et audible la parole des infirmiers. Interview
Guide Social : Comment arrive-t-on au poste de président de l’acn, association chargée de représenter la voix d’une partie de la profession infirmière tout en essayant de l’unir dans son entièreté ?
Olivier Gendebien : Cela résulte bien sûr d’un parcours, de choix professionnels et personnels, de rencontres, avant toute chose. Mais j’ai toujours été présent dans les associations de travailleurs de mon secteur comme l’acn ou la FNIB. Puis Paul Sonkes m’a fait venir à l’époque à l’acn il y a un peu plus de six ans maintenant. J’ai été secrétaire pendant un an et demi, puis trésorier et maintenant, j’en suis le président. Delphine Haulotte qui était présidente avant moi, est maintenant conseillère au cabinet Glatigny, elle a donc quitté ses fonctions de présidente en toute logique. Les deux vice-présidents ont pris la charge pendant trois mois avant d’organiser des élections pour élire un nouveau président de l’association jusqu’à fin décembre. Ils se sont vite rendu compte qu’il fallait un président. Fin décembre il y a aura donc une autre élection à la suite du renouvellement du conseil. Si je fais du bon travail, je me représenterai normalement.
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Guide Social : Ce titre ne fait-il pas trop peur au début ?
Olivier Gendebien : Au début, j’ai eu peur en effet. J’étais stressé et je ne voulais pas forcément accepter de me présenter. Je ne suis dans l’association que depuis quelques années et je ne connais pas l’entièreté du secteur. Je ne me pensais pas forcément légitime. Par exemple, je ne connais que très mal le secteur de l’aide à domicile. Je me voyais avec difficulté être apte, à l’époque, d’être leur porte-parole et de parler en son nom. Mais cela est normal, on ne peut pas tout connaître, surtout au début. Il faut du temps, apprendre, écouter et comprendre. Mais c’est une charge très intéressante et stimulante malgré le poids qu’il y a derrière. Je ne regrette pas ce choix.
Guide Social : Un poids qui est d’autant plus lourd que le travail à l’acn se fait de manière bénévole…
Olivier Gendebien : Effectivement. On prend tous sur notre temps libre et cela demande un investissement énorme et à temps plein. Les gens ne se rendent pas compte, mais c’est beaucoup de temps et de sacrifice. L’acn compte plus de 2.200 adhérents. Il y a une assemblée des mandataires chaque mois. Elle représente à peu près une quarantaine de personnes qui ont un mandat de représentation de l’acn dans les groupes de travaux affiliés au secteur, dans les institutions, ... Durant ces réunions, on fait un retour sur les différents travaux actuels ainsi que sur les actions et préoccupations du moment. Par exemple, on a beaucoup discuté lors de la dernière réunion avant la Covid sur les études en 4 ans, sur la filière unique, sur les spécialisations, ainsi que sur la rémunération.
"Notre priorité : former, informer, défendre. Encore et toujours !"
Guide Social : Que voulez-vous insuffler à l’association ? Sur quels axes voulez-vous mener votre mandature ?
Olivier Gendebien : Je veux insuffler un nouvel état d’esprit à l’acn notamment au niveau des réseaux sociaux et de notre réactivité dessus. On veut que l’association repose encore plus sur ces trois principes : former, informer, défendre. Les réseaux sociaux sont une chose à prendre en compte de plus en plus dans notre communication et action. Ils permettent de toucher beaucoup plus de monde et par conséquence de se faire plus largement entendre. Notre but est donc de faire en sorte que la profession, parle d’une seule et même voix pour être crédible envers les politiques. Que notre profession soit enfin écoutée, consultée et importante. Il n’est pas normal ni tolérable que les politiques ne nous consultent jamais lorsqu’il y a des décisions importantes à prendre pour le secteur alors qu’ils le font avec les médecins et d’autres professions de la santé. Il faut unir notre profession autour des associations professionnelles, de l’UGIB et aussi des syndicats qui représentent une autre façon de lutter mais qui défendent le même but au final. Ils ont une lutte qui est plus frontale, plus directe là où nous, nous allons plus avoir une démarche scientifique et diplomate.
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Guide Social : Dernièrement, deux arrêtés royaux, concernant la réquisition des professionnels de santé et la délégation de soins infirmiers à d’autres professionnels de santé n’appartenant pas à l’art infirmier, ont fait beaucoup de bruit. Ils ont finalement été suspendus le 20 mai.
Olivier Gendebien : Sur les arrêtés royaux, on n’était pas forcément pour une abrogation totale de ceux-ci, mais pour amender certains points. Et c’est là où notre union permettra et forcera les politiques à nous consulter avant les décisions. Il y a beaucoup de choses à jeter dans les arrêtés, mais quelques petits points à garder ou à améliorer de façon à rendre notre profession cruciale et légitime. Le cabinet de Maggie De Block ne nous consulte pas, on veut vraiment changer cela. Il faut que l’avis des infirmiers et des aides-soignantes se fasse entendre et soit entendu, sans cela, on n’arrivera jamais à arriver là où on veut et là où on doit aller. C’est-à-dire une pleine reconnaissance de notre savoir-faire et de notre métier.
Guide Social : Des études mettent en exergue qu’il y a de moins en moins de jeunes qui souhaitent se tourner vers une formation en soins infirmiers. Cela est-il déjà perceptible ?
Olivier Gendebien : En effet, on veut aussi redorer le blason de la profession auprès de la jeunesse. Il y a une mauvaise image, je pense qu’elle provient d’un blocage dû aux horaires qui sont compliqués, à un manque parfois de vie familiale, à une charge de travail importante, à un manque de loisir et surtout à une vie modeste. Je crois que le rapport au travail n’est pas le même de nos jours, surtout envers les professions comme la nôtre qui sont de l’ordre de la vocation, du don de soi. On est dans une société où le travail perd quelques fois de sa valeur, de son sens. Alors oui, on essaye et on va essayer plus de faire de la médiation dans les écoles, auprès des jeunes. C’est crucial oui.
"Les normes de notre profession sont ancestrales et donc à revoir complètement"
Guide Social : Maggie De Block, le 18 mai 2020, a proposé de réorienter les demandeurs d’emploi vers le métier d’infirmier. Son idée repose sur le projet de « formation 600 » ainsi que sur une gratuité de formation. En effet avec la perte d’emploi liée au coronavirus et le besoin croissant de personnel infirmier, la ministre de la Santé a suggéré cette piste. Qu’en pensez-vous ?
Olivier Gendebien : Pour le moment, on ne sait pas grand-chose sur son projet. On ne sait pas quel type de formation elle souhaite mettre en place, combien de temps, avec qui….Le manque d’infirmiers est criant depuis des années déjà et il va de pair avec le manque de moyens alloués à la profession. Je ne peux pas me prononcer sur un projet dont on ne connaît que la prise de parole médiatique. Mais par contre la crise de coronavirus a accentué les besoins.
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Guide Social : Comment la crise du coronavirus se fait ressentir sur le secteur ?
Olivier Gendebien : La crise du Covid a amplifié ce qu’on savait déjà et ce qui était déjà visible. Il n’y a peut-être pas eu de véritable pénurie par exemple, mais en tout cas on était en flux très tendus dans beaucoup de secteurs de la santé et cela n’est pas normal. Ça coûte cher d’entretenir des stocks oui, mais c’est crucial. Il faut préserver la bonne vie de notre profession sinon c’est notre système de santé qui se retrouve inefficace. Une autre chose flagrante, c’est l’entraide à l’intérieur du secteur. Celle-ci s’est faite entre amis, entre connaissances. C’est déjà bien, et heureusement qu’il y a eu cette solidarité au sein de la profession. Mais il n’y a eu aucune institutionnalisation de cette entraide et cela est dommage que le pouvoir politique n’ait pas eu la présence d’esprit d’aller plus loin. On a appliqué la technique de l’aide fait de bric et de broc. Il y a aussi été question de constater que les normes de notre profession sont ancestrales et donc à revoir complètement. Il faut prendre en compte la réalité contemporaine de nos sociétés et de notre profession.
Guide Social : En parlant de réalité contemporaine, le burn out qui était déjà très présent dans les métiers de soins et de santé, comment cette réalité a évolué avec la crise sanitaire et le flux tendu des travailleurs ?
Olivier Gendebien : Oui, c’est un fait qui est malheureusement actuel. Une étude de la SIZ NURSING qui s’est penchée sur l’impact de la crise sanitaire sur la vie privée et professionnelle des acteurs du secteur révèle que plus de 62% des infirmiers en Belgique francophone ont un grand risque de burn out. C’est un fait qui est alarmant. Nos politiques doivent en avoir conscience. La profession qui tient à un fil depuis quelques années, voit celui-ci craquer de plus en plus avec la crise sanitaire actuelle. Il faut espérer que la bonne conscience des derniers jours ne soit pas juste un mirage, mais bien une prise de conscience globale de la société.
Propos recueillis par B.T.
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