Des tas d'urgences

Les mots « c’est urgent » sont souvent utilisés à tort, que ce soit face aux personnes du public ou au sein des équipes de travailleurs.
Confrontés à des demandes de dernière minute ou à des constats qui se font parfois très tard, nous avons une tendance à vouloir répondre rapidement. Au nom de l’urgence, nous faisons passer en priorité certains sujets ou certaines actions. Ça retarde les interventions et empêche une gestion sereine de l’équipe de travail et de ses ressources. De plus, ce n’est pas parce que c’est urgent que c’est forcément important, il faut distinguer les deux. Enfin, la phrase : « Oui mais c’est urgent », est plus une stratégie de communication basée sur l’émotionnel qu’un réel argument. Nous oublions que le vrai sens du mot « urgence » implique une notion de danger grave et imminent.
Face aux demandes
Lorsqu’une personne nous formule une demande qu’elle amène comme urgente, nous devons rester vigilants. Souvent les personnes sont sous pression et en panique, répondre à la demande n’amènera pas forcément plus de sérénité. D’autant qu’il est possible que dans l’urgence, nous fassions un mauvais choix. La priorité est d’écouter ce qui se dit, calmement et complètement. Ensuite, il faudra apaiser la personne et la rassurer (soit parce que nous allons répondre à sa demande car ça se justifie, soit parce qu’il n’y a pas/plus urgence).
Impérieux ou important ?
Il faut refuser les discussions qui nous amènent à réagir à chaud et avec empressement. Une réunion d’équipe est censée permettre une réflexion, personne ne se lèvera dans la seconde pour mettre en place une action. Il faut donc se poser quelques questions : C’est urgent, mais est-ce important ? Peut-on encore proposer des pistes durables et utiles ? Quels seront les effets pervers d’une intervention ? Si ce n’est pas important, qu’on ne peut plus rien y faire et que cela va avoir un effet négatif, le bon sens voudrait qu’on ne priorise pas cette question. Pourtant, des voix impérieuses se font parfois entendre (souvent celles des sauveurs).
Débats impossibles
Les injonctions impérieuses rendent le débat impossible. Elles jouent sur l’émotionnel et relaient ceux qui veulent raisonner et prendre du recul au rang des insensibles ou des inhumains. C’est d’autant plus vrai dans les situations de grandes souffrances ou de dangers possibles. Pourtant, dans des cas extrêmes, comme les incidents avec un grand nombre de blessés, les secours appliquent le triage médical qui permet de sauver de nombreuses vies. Sans appliquer la méthode à la lettre, la logique reste bonne. Elle permet d’avoir une certaine ligne de conduite, de garder la tête froide et d’utiliser les ressources au mieux.
Face à la gestion de projet
Cette distinction entre urgence et importance doit être faite aussi au sein des équipes dans l’organisation du travail. L’approche (ou le dépassement) d’une échéance peut nous amener à prendre des décisions trop rapidement ou à fournir un travail de moindre qualité. Ce sentiment nous pousse parfois à prendre des décisions seuls alors que nous aurions dû revenir en équipe avec nos questionnements. Quelle que soit la question, il est toujours primordial de prendre son temps, quitte à postposer les décisions et les réactions.
Quel que soit le secteur
Je pense que de nombreux secteurs sont dans cette situation, imaginant que leurs problématiques légitiment le fait d’agir dans l’urgence. Je crois que c’est une erreur, que les cas qui nécessitent une intervention urgente, toutes affaires cessantes, sont assez rares ou limités à des secteurs bien précis (dont l’aide à la jeunesse et le travail de rue ne font pas partie malgré certaines croyances). Hors des secteurs particuliers, si une intervention d’urgence serait utile, il est rare que les cadres et/ou les procédures le permettent.
Perceval Carteron, éducateur.
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