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" Exclure Pour les Nuls "

24/11/16

Le COPEL-COBES, le collectif des praticiens de la parole, lutte contre l’exclusion inhérente à la future pratique de la psychothérapie qu’impose Maggie De Block aux professionnels de la Santé mentale.

Maggie De Block creste sur sa volonté de paramédicaliser la profession de la psychothérapie. « Bienvenue les professionnels de la santé, Bye Bye les ‘charlatans’ : sages-femmes, assistants sociaux, criminologues et autres… ». Le COPEL-COBES, collectif (psy)toyen des praticiens de la parole, lutte contre cette exclusion. Une opinion de Geert Hoornaert, psychologue au Centre Médico-Psychologique du Service Social Juif à Bruxelles, lieu où s’était tenu un débat houleux sur l’attitude de la ministre à l’égard des praticiens, en octobre dernier. Le texte ci-dessous a été présenté lors du débat.

« La loi De Block et le projet KCE qui est son corollaire, présentent des particularités qui sont à interpréter. Pourquoi un État qui est en faillite organise-t-il un modèle de remboursement qu’on imagine coûteux ? Pourquoi était-il, et cela a été la volonté sans faille de De Block, soudainement nécessaire, voire impératif, d’inscrire la psychothérapie dans le médical ?

Les effets du modèle proposé par le KCE

Essayons de répondre à ces questions en abordant le dispositif qui cherche à s’imposer (le modèle KCE) par les effets qu’il va produire.Ces effets sont prévisibles, donc connus, et donc voulus par les experts.Si on accepte cette prémisse, qui est rationnelle, une conclusion s’impose : la loi et le KCE n’organisent pas les soins, ils sont faits pour organiser la possibilité d’exclure des circuits de soins.

Concrètement, comment ça se passe ?

Voyons comment cela fonctionne. Vous savez que les circuits existants en Santé Mentale, ceux-là qui doivent disparaître n’incluent aucune ‘procédure’ d’exclusion d’un patient. Ils sont maximalement ouverts et minimalement conditionnés. C’est ce qu’il s’agit de détruire. Pour cela, il faut un discours, un dispositif (c’est le projet KCE), et un mécanisme (c’est la loi).

Le discours, on le connaît : il est alarmiste, et dit : ce qui existe est nul, on a une solution. Passons au mécanisme, il est crucial, et il fonctionne ainsi :

1. On extrait la psychothérapie de l’Arrêté Royal 78 pour l’inscrire dans une loi qui doit réglementer la médecine (on en fait une profession de soins de santé)

2. Cette inscription est nécessaire, parce que c’est la condition d’un remboursement

3. Le remboursement est à son tour nécessaire, parce qu’il n’y a que lui qui permet d’introduire, auprès des patients et auprès des psys, des conditions.

Pour le dire autrement : cette loi rend possible, par l’introduction des conditions, liées au remboursement, une procédure d’exclusion du patient du système de soins. C’est une mutation inédite dans notre champ, et c’est une saloperie.

Les sanctions

Citons De Block : « Si on investit dans des gens pour qu’ils reprennent du travail, n’est-on alors pas en droit d’attendre d’eux qu’ils coopèrent ? » S’ils ne le font pas, on sanctionne. Ce qui donc s’organise, ce n’est pas les soins, c’est une exposition des patients aux pouvoirs en place, eux-mêmes exposés a des contraintes économiques.

Le dispositif, lui, vient du gatekeeping theory, et opère une mutation radicale dans la définition classique de ce qu’est un patient, de ce qu’est un psychologue, et de ce qu’est une rencontre humaine de quelqu’un qui souffre avec celui à qui cela s’adresse.

Un patient, dès qu’on l’insère dans le dispositif du KCE, reçoit d’abord une nouvelle définition, qui est double. A gauche, à la case ’entrée’, c’est un fragilisé qui affronte des seuils trop hauts et des listes trop longues, un être pitoyablement perdu dans un labyrinthe d’offres illisibles ; il faut le sauver. A droite, à la sortie, c’est un profiteur, un récalcitrant, un refuznik ingrat : il faut le jeter. Entre ces deux états du patient, il y a l’espace de sa métamorphose qui s’accomplit entre 1 à 15 séances.

Evidence-based medicine ?

C’est dans cette conversion métaphysique qu’intervient l’Evidence Based. Pourquoi faut-il que l’opération qui va rebaptiser le fragilisé en salaud soit Evidence based ? C’est froidement logique. Si la méthode s’avouait imparfaite, il resterait une marge par où les sanctions pourraient être perçues comme injustes ; on pourrait se tromper de cible. Si la méthode s’affiche comme infaillible, ce qui est visé est atteint : à méthode infaillible, la faute revient fatalement au patient, et le sanctionner sera juste.

Où se situe le psychologue ?

Et le psy dans cette affaire ? Pour le KCE, il est la pièce maîtresse de ce projet qui organise l’exclusion. Il est invité à ne plus réfléchir, à tout trahir, à devenir un petit Eichmann du soin. Il devra juste retourner un peu à l’école, pour qu’il apprenne à bien cacher le barbelé qu’il a dans cette main qu’il tend.

On verra bientôt si sa formation immunise le psy contre la tentation de devenir ce fonctionnaire, cet exécuteur au service du mal banal. Je considère personnellement, et c’est sans orgueil, que mon expertise et mon indépendance morale est supérieure à celle des experts. Je ne suis pas le seul, loin de là. J’oppose avec eux un NON décidé à ces machinations, un NON qui est non-négociable, calme et rationnel dans sa substance, et évident par ces motifs. »

NB : Les intertitres sont de la rédaction



Commentaires - 1 message
  • He bè! Le ton monte chez les praticiens, et j'adore !
    Dans ma petite sphère, je me pose cette question sans grande réponse encore de ma part : Si le monde de la santé mentale devient un enjeu economico-politique, que peut devenir le psytoyen qui refuse de devenir Eichmann? Et s'il se permettait de proposer des espaces citoyens, où seule la souffrance humaine serait un droit d'exister (tout en se donnant l'enjeu personnel de moins souffrir)? Les anciens charlatans que nous étions pourraient devenir peut-être de "bons éléments" de société?
    Mon ton est cynique et pourtant empreint d'espoir : un jour nos décisionnaires intégreront l'idée qu'ils ont plus besoin de nos intelligences que nous de la leur !

    gomarin jeudi 1er décembre 2016 15:48

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