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Des femmes et familles sauvées de l'enfer de la rue grâce à cet îlot

26/03/19
Des femmes et familles sauvées de l'enfer de la rue grâce à cet îlot

La maison d’accueil d’urgence de l’asbl L’Ilot vient en aide aux femmes et aux familles sans-abri. Les résidents, soutenus et accompagnés par une équipe de travailleurs sociaux, ont trois mois pour élaborer leur futur projet de vie et pour retrouver un logement. Le Guide Social a poussé la porte massive du 160 de la chaussée de Charleroi, à Saint-Gilles. Reportage.

[DOSSIER]

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Ce matin-là, sur les coups de 10 heures, le silence règne dans l’imposante maison de maître nichée au cœur de Saint-Gilles. Pas un seul cri, pas un seul éclat de rire ne s’échappe de la salle de jeux… Voilà plusieurs heures déjà que les enfants ont pris le chemin de l’école. La plupart des adultes ont également déserté les lieux, vaquant à leurs activités en dehors des murs. Quelques femmes seulement s’occupent en silence dans la grande salle commune, située au premier étage du 160 de la chaussée de Charleroi. Une est confortablement installée dans un fauteuil, absorbée par un ouvrage en crochet. Une autre est assise, pensive, dans un coin de la longue table qui accueille tous les repas des pensionnaires.

« Il ne fait pas toujours aussi calme. Parfois, l’ambiance est, disons, bien plus rock-and-roll », lance, dans un sourire, Chloé Thôme, l’attachée de presse. « En ce moment, nous accueillons une maman ainsi que ses cinq enfants âgés de 2 à 12 ans. Nous avons aussi, fait très rare, un papa avec deux enfants. Il y a aussi deux femmes avec chacune un petit bout et finalement huit dames seules. » La maison gérée par l’asbl L’Ilot dispose de 25 lits. Les étages accueillent des chambres privatives destinées aux familles ainsi que deux dortoirs, réservés aux femmes seules.

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Un coup de fil suffit... s’il y a de la place

Cette maison d’accueil d’urgence ouvre ses portes uniquement aux familles ou aux femmes seules ou avec enfants, tous sans abri. Vous ne verrez donc jamais dans ces lieux accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 un homme seul. « Une petite moitié des femmes et des familles hébergées chez nous sont là pour des problèmes de violences conjugales. Rajouter des hommes seuls dans cet environnement ne nous paraissait donc pas indiqué », pointe Mario Bestion, un des travailleurs sociaux.

Jean-Luc Joiret, le directeur, renchérit : « Notre public est aussi composé de quelques personnes qui ont des soucis uniquement de logement. Elles ont épuisé toutes les solutions familiales et ont un très faible revenu. Nous avons aussi des personnes qui ont des difficultés plus chroniques comme des assuétudes, des soucis de santé mentale, des problèmes des papiers. » En 2018, 172 personnes ont été hébergées dans la maison d’accueil : 114 femmes seules, 3 couples sans enfants, 27 familles regroupant 49 enfants dont 24 mères monoparentales.

« Pour bénéficier de l’hébergement au sein de la maison, il convient seulement de nous passer un coup de téléphone. Lors de ce court entretien, nous demandons juste quelques informations afin de nous assurer que la personne rentre bien dans les conditions pour venir chez nous », note le responsable des lieux. « Nous n’effectuons aucune sélection. C’est la première demande qui l’emporte, en fonction des places disponibles évidemment… Il n’existe aucune liste d’attente. »

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Trois mois pour régulariser la situation

Trois mois : c’est la durée maximale pour séjourner dans la maison. Durant ces précieuses semaines, l’équipe de travailleurs sociaux offre un accompagnement individuel aux familles ou aux femmes seules. Le but est de les remettre sur pied évidemment mais aussi de réactiver leurs droits, de leur offrir un soutien à la parentalité ou encore à la santé. Bref, de les aider à remettre leur vie sur les rails.

« Notre philosophie est d’essayer dans les trois mois de régulariser voire d’améliorer la situation de nos résidents et de nos résidentes », pointe Jean-Luc Joiret. « Parfois, après les trois mois, nous redirigeons nos bénéficiaires vers des services de plus long terme ou vers des centres d’accueil de grande durée. Nous fonctionnons vraiment au cas par cas. » Avoir un regard empathique sur des comportements compliqués : voilà le credo de l’équipe de L’Ilot. « Comprendre est la clé », insiste le directeur. « Via le fonctionnement de notre maison, nous œuvrons à développer un sentiment de sécurité, de confiance. Cette atmosphère bienveillante est essentielle pour aider notre public à redémarrer un projet de vie en trois mois. »

Concrètement, près de 20% des personnes retrouvent un logement après avoir bénéficié de l’accompagnement réalisé par l’asbl L’Ilot. Notons également que 20% des femmes ou familles retournent au domicile dans le cadre de violences conjugales et 30% partent dans des maisons d’accueil de plus long terme.

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L’art délicat de la prise en charge des enfants

Deux poussettes « stationnées » le long du mur dans le hall d’entrée, des nounours qui débordent du parc calé dans un coin de la salle de jeux et un toboggan coloré qui égaye la cour extérieure : la maison reçoit de nombreux bambins. Débarquer du jour au lendemain, parfois de nuit, dans cette grande bâtisse occupée par une ribambelle d’inconnus peut se révéler traumatisant pour ces enfants, déjà bien perturbés. L’équipe doit donc faire preuve d’une grande patience avec ce jeune public mais aussi mettre tout en œuvre pour soutenir les adultes dans leur rôle de papa ou de maman.

Pour se faire, depuis peu, la maison d’accueil propose un soutien à la parentalité dans le cadre des nouvelles missions offertes par la Cocof. Une assistante en psychologie a ainsi été engagée, à mi-temps, pour assurer cet accompagnement spécifique. « Cette cellule nous semblait essentielle à développer au sein de notre structure », pointe Mario Bestion, travailleur social. « Souvent, les gens arrivent chez nous après un éclatement de la cellule familiale. Notre équipe doit faire face à des parents démobilisés, fatigués, démissionnaires. Ils lâchent tout sur les professionnels. Or, ils sont ici seulement pour trois mois, ce n’est donc pas le moment de déléguer leurs responsabilités. »

Les premiers pas dans la maison bruxelloise ne sont jamais simples... Pourtant, durant cette cohabitation "forcée", tout ce petit monde finit tôt au tard par s’apprivoiser. Grâce à cette vie communautaire, des liens très forts se tissent d’ailleurs au fil des semaines entre les personnes en souffrance et le personnel. Dans les premières semaines suivant leur départ du 160 de la chaussée de Charleroi, il n’est ainsi pas rare que d’anciens résidents poussent à nouveau la porte de l’asbl... Pour demander des conseils, pour boire un café avec l’équipe ou simplement pour partager un repas avec les autres résidents. Leur passage dans la maison était incontestablement un tournant dans leur parcours. Cela ne s’oublie pas...

E.V.

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