La Région s'impliquera mieux dans l'aide aux sans-abris
Depuis les révélations sur les rémunérations outrancières perçues par Pascale Peraͯta et Yvan Mayeur, le secteur du sans-abrisme connait une crise sans précédent. Le Guide Social a voulu en savoir un peu plus et a posé quelques questions à l’attachée de presse de la ministre en charge, Céline Frémault.
Suite à la crise du Samusocial qui a engendré une vague de conséquences, pour certaines inattendues (comme la formation d’un nouveau gouvernement wallon), la Région bruxelloise a décidé de mieux reprendre le contrôle de la structure, mais également de celle qui devrait lui succéder, le BIS (Bureau d’Aide et d’Insertion sociale). Interrogée à ce sujet en Commission parlementaire et par Le Guide Social, la ministre en charge de l’Aide aux personnes en Région bruxelloise, Céline Frémault, s’est expliquée.
LGS : Quelle sera l’implication de Madame la Ministre Frémault sur le futur de l’association ?
En prémisse à ma réponse, je souhaiterais néanmoins vous signaler que depuis le début du mois d’octobre, l’asbl Samusocial peut enfin disposer d’un nouveau Conseil d’administration désormais opérationnel et composé de personnes sollicitées en vertu de leur compétence en matière de gestion, de leur expertise en matière de gouvernance et connaissant très bien le secteur de la lutte contre le sans-abrisme. Le choix n’a pas été dictée par leur statut professionnel actuel ou par leur appartenance à une organisation, mais en vertu des compétences spécifiques qui leurs sont unanimement reconnues :
– Christophe Happe, directeur de l’hôpital Titeka
– Stéphane Heymans, de l’asbl Médecins du Monde
– Christine Vanhessen, de la Fédération des Maisons d’accueil
– Nick Van Craen, professeur en gestion de la VUB
– Bruno Vinikas, du Fomrum de lutte contre la pauvreté.
A court terme, les missions du nouveau CA ont été élaborées. Il s’agit d’une part de mettre en place le plan hivernal 2017/2018. En second lieu, le nouveau CA doit travailler à l’assainissement administratif et financier de l’asbl. Cet assainissement est en effet indispensable afin de procéder à la troisième mission du CA, à savoir, le transfert des activités de l’asbl Samusocial vers une nouvelle identité régionale organisée sous la forme d’asbl de droit public et dont l’objet social et les missions seront définies via la nouvelle ordonnance.
LGS : Sur l’initiative de Madame la Ministre, la structure est censée devenir un organe public. Avez-vous plus d’informations à ce sujet ? Qu’en sera-t-il de son contrôle ?
A moyen terme, il est prévu de transférer les missions du Samusocial vers une asbl de droit public, dont les missions sont définies par ordonnance.
Rappelons d’abord les objectifs visés par la mise en place de ce nouvel instrument de gouvernance dans le secteur de la lutte contre le sans-abrisme. J’ai déjà eu l’occasion de les rappeler dans cette enceinte à plusieurs reprises.
Un premier objectif de l’ordonnance concerne l’amélioration du pilotage politique et administratif des missions d’accueil d’urgence afin d’assurer l’intégration de ces fonctions dans le réseau plus large des politiques de l’aide aux sans-abri. Un réseau que je veux fonctionnel, où l’ensemble des acteurs seront présents, où la totalité des missions seront exercées et où des règles consensuelles et co-construites par les secteurs permettront une division du travail efficace et non conflictuelle. En d’autres termes, l’ordonnance se veut un instrument de rupture de l’isolement du Samusocial ainsi que de dépassement du clivage entre urgence et inclusion ; clivage alimenté depuis des décennies par l’acteur de l’urgence qui fut hégémonique et qui aujourd’hui ne l’est plus.
Un second objectif de l’ordonnance vise la mise sur pied d’une organisation moderne des missions que l’Etat délègue vers le monde associatif et vers les CPAS afin de mener des politiques d’aide aux sans-abri visant l’inclusion sociale et l’accès au logement durable. Comme dans toutes les grandes villes européennes, historiquement, depuis deux siècles, les missions d’aide aux sans-abri ont été implémentées par les acteurs de la société civile. Les services publics n’ayant rejoint que plus tard les acteurs associatifs (années 1960-70) pour constituer aujourd’hui un acteur également incontournable des politiques de lutte contre le sans-abrisme. Historiquement donc, le monde associatif a toujours revendiqué et bénéficié d’une grande autonomie en matière d’organisation de son travail. Ainsi, on peut dire que le seul instrument de pilotage et de coordination dont a bénéficié l’Etat pendant des décennies était sa capacité (ou sa non capacité) de financement de l’action associative. La crise du Samusocial est particulièrement exemplative à cet égard.
Je pense qu’aujourd’hui une ville de plus d’un million d’habitant avec plus de 3.000 personnes mal logées ou sans-abri, ne peut plus se permettre de faire l’impasse de structures d’organisation efficace de la division du travail entre acteurs travaillant avec les sans-abri. J’entends et je comprends néanmoins parfaitement les craintes de perte d’autonomie que certains acteurs associatifs expriment quand ils parlent de « megastructure » et je tiens absolument à les rassurer : la mise en place d’un Bureau d’aide et d’insertion sociale ne vise aucunement le musellement du secteur associatif, l’imposition de méthodes de travail depuis le « haut », ou encore l’acceptation forcée de l’un ou l’autre public ainsi que l’orientation de ces mêmes publics vers des organisations et des asbl qui n’en voudraient pas. Cette structure, provisoirement nommée BIS, a au contraire comme principal objectif de faire converger l’ensemble des acteurs vers un lieu d’auto-organisation et de codécision. Un lieu où chacun pourra confronter la nature de son travail à celle des autres et convenir consensuellement des meilleurs modes de collaboration possibles.
C’est d’ailleurs pour atteindre cet objectif de représentation et d’inclusion de tous les acteurs aujourd’hui présents au niveau du terrain, que le projet de statuts du BIS prévoit la participation d’absolument tout le monde au sein des instances décisionnelles de la nouvelle asbl de droit public. Cela a déjà été dit mais je vais encore une fois les énumérer : 5 CPAS désignés par leur fédération, 10 organisations de la société civile dont 2 représentants des usagers, 1 représentant de l’observatoire de la Santé et du Social et 5 représentants des Ministres membres du Collège réuni (plus éventuellement un secrétaire d’Etat régional dans le cas de figure où celui-ci serait en charge du Logement). Une organisation paritaire, moderne, non excluante et spécialement conçue pour qu’une concertation harmonieuse en matière de division du travail puisse avoir lieu. Et une organisation qui intégrera les missions du « futur ex Samusocial » pour enfin en finir avec cette concurrence stérile dans le secteur. Tout sera géré de façon coordonnée avec le secteur !!!
[A lire]
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