Le secteur social, corrompu jusqu'à la moelle ?

Le secteur social souffre beaucoup depuis quelques mois. En Belgique, Le Samusocial, Gial… ouvrent les yeux du public et du secteur sur des modes de gestion et une éthique plus que douteux. Au niveau international, ces derniers jours, Oxfam et Plan International se retrouvent dans la tourmente, à un tout autre niveau : l’humain. Loin de ces affaires demeure pourtant un secteur associatif où la déontologie et l’altruisme restent les fers de lance des associations ; une majorité qui souffre de la réputation que lui fait une minorité.
Le secteur social belge et international lutte pour redorer son blason, suite aux multiples doutes qui s’installent dans l’opinion publique, à travers de sombres histoires d’abus humains et d’enrichissement personnel. L’objet social d’une organisation conférerait-elle à ses membres un laisser-passer pour adopter des comportements abjects et sans aucune éthique ? Pire, une sécurité, une certitude qu’aucun compte ne devra jamais être rendu ? La question semble se poser désormais, suite aux scandales qui ébranlent des associations comme Le Samusocial, Gial ou récemment, Oxfam et Plan International. Cependant, les plus à plaindre sont finalement ces autres ASBL, cette majorité qui chaque jour propose un travail de qualité et où l’objet social, reste le fil rouge. Des dommages collatéraux, sans doute…
Cette minorité qui fout tout en l’air…
Les scandales tels que Le Samusocial ou Gial ont mis à mal un secteur dont l’objectif premier est l’humain. Comme l’expliquait un travailleur du Samusocial, suite à la révélation des faits, en juin dernier « On fait l’amalgame entre les travailleurs et le scandale qui a secoué le Samusocial. Cette situation est très difficile parce que notre travail n’a pas changé. Nous sommes des travailleurs sociaux et de nombreuses personnes ont besoin de nous ». La crainte est grande dans le secteur, qui a peur de se voir absorber par cette minorité qui a choisi l’intérêt personnel au détriment du collectif. Le secteur non-marchand est pourtant porteur. En Belgique, il occupe une place considérable. A Bruxelles, « le non-marchand compte pour 26%, soit 164 000 emplois (avec l’enseignement) sur 628 000. Il est important de le prendre en compte. De plus, c’est un secteur dans lequel les entreprises sont nombreuses : 8400 entreprises non-marchandes sur 34 000 », explique Gabriel Maissin, ancien conseiller à la CBENM. La Wallonie n’est pas en reste : depuis 2013, le secteur a vu son taux d’emploi s’accroitre de 5,6%. La majorité des associations continuent, elles, de se mobiliser avec, comme objectif premier, d’apporter un soutien de qualité aux publics dont elles ont la charge. Malheureusement, elles doivent à présent lutter contre une image ternie et une confiance publique ébranlée.
Au niveau international, si les affaires semblent à présent se succéder et les langues se délier, « Seul 1 % des humanitaires ont des comportements problématiques » assure au Soir Claire Colliard, cofondatrice du Centre de psychologie humanitaire à Genève. Comme pour Le Samusocial, depuis la révélation des abus, plusieurs donateurs (180) et ambassadeurs emblématiques ont mis fin à leurs contributions à l’ONG. Bruxelles et Londres ont décidé de ré-examiner les moyens accordés à Oxfam. De nouveau, une majorité paiera pour les actions d’une minorité.
Le Samusocial ou l’art de prendre aux pauvres
En juin dernier, les révélations des sommes perçues par plusieurs administrateurs du Samusocial, dont le bourgmestre bruxellois de l’époque, Yvan Mayeur et l’ex-présidente du CPAS de la Ville de Bruxelles, Pascale Peraïta, laissent pantois. Ainsi, pendant plus de 10 ans, le duo s’est enrichi à l’insu de la population et du public qu’il est censé aider. Les sommes sont astronomiques : plus de 100.000 euros chacun, pour un total de quelque 350.000 euros entre tous les administrateurs. Encore plus surprenant, l’attitude des dirigeants, lorsque la supercherie est dévoilée. Madame Peraïta se mure dans son silence et son comparse, maïeur à présent déchu, déclare en commission « J’ai travaillé » et argumente que la gestion quotidienne d’une structure comme Le Samusocial demande de l’investissement et « Cela nécessitait une certaine rémunération ». Il ne fera jamais état de montants perçus indûment et déclarera plus tard qu’il ne rembourserait rien.
Le dindon de la farce ? Le Samusocial, qui depuis, souffre d’un manque cruel de personnel et qui a été délaissé par une grosse partie de ses donateurs. Conséquences ? Il y a quelques jours, l’association déclarait à BRUZZ ne plus pouvoir être en mesure d’assurer les maraudes. Mais après tout, c’est bientôt le printemps, le beau temps revient, les sans-abris iront profiter en exclusivité des premiers rayons de soleil dans les rues de Bruxelles, non ? Pas de quoi s’affoler...
L’humanitaire, c’est bien. Encore mieux, avec avantages en nature
Depuis quelques jours, plusieurs grandes ONG internationales sont sous la loupe. C’est le cas d’Oxfam, dont les révélations à propos de plusieurs dirigeants ayant fait appel à des prostituées lors de leurs missions humanitaires, ont engendré une vague de méfiance et de consternation chez le public. Certains collaborateurs de Plan International sont, eux, accusés d’abus sexuels sur mineurs. Surprise ! Le monde de l’humanitaire n’est, apparemment pas si blanc qu’on le croyait. Principalement basé en Suisse, l’humanitaire fait à présent parler de lui pour des scandales, au niveau humain cette fois-ci. Point ici d’échange de billets contre services non-rendus. Non, on en revient à des formes plus simples, du « troc ». Ainsi, d’anciens collaborateurs du CICR auraient eu des comportements inadéquats. En mission, certains abuseraient de leur position pour demander des faveurs sexuelles en échange de nourriture ou de médicaments. Baptisée « prostitution de survie », le phénomène serait monnaie courante et répandu sur plusieurs territoires, entre autres en Guinée, au Liberia et au Sierra Leone.
Une situation connue
En 2002 déjà, le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU et l’ONG anglaise Save The Children publiaient un rapport accablant sur des cas de prostitution de jeunes filles, et « des femmes qui se prostituaient pour un sac de riz afin de nourrir leur famille ». Comme l’explique Ian Richard, secrétaire exécutif du Conseil de coordination des personnels de l’ONU à Genève, au Soir, les affaires ont, pour la plupart, été étouffées et « L’instinct défensif prend le dessus parce que l’ONU a peur que cela affecte le montant des contributions versées par les États ». Ben tiens.
Prendre les devants
Plan International, contrairement à l’ONU, a lui décidé de prendre les devants, dès que les cas d’abus ont été recensés. Une lettre a ainsi été adressée aux donateurs, leur expliquant que des mesures de filtrages plus strictes seraient mises sur pieds. Un minimum, pour une ONG dont l’objectif social est la promotion des droits de l’enfant, en particulier des filles. Le porte-parole de l’ONG a déclaré « Entre le 1er juillet 2016 et le 30 juin 2017, six cas d’abus et d’exploitation sexuelle contre des enfants ont été enregistrés. Cinq de ces cas ont été perpétrés par des partenaires extérieurs de Plan, et le sixième par un employé de Plan. L’employé a été licencié et il a été mis fin au contrat de ces partenaires extérieurs. Sur ces six cas, cinq étaient de nature criminelle et ont donc été rapportés à la police locale et aux autorités du pays. »
Quelles conséquences réelles, à l’heure actuelle ?
Sans procédure judiciaire, il est très peu probable que les dirigeants du Samusocial soient inquiétés, malgré le rapport accablant de la commission d’enquête. Pour les grosses ONG internationales, la question du recrutement se pose et certains préconisent la création d’un passeport humanitaire qui permettraient de radier les employés connus pour des faits d’abus sexuels. Le CICR, lui , assure au Soir que « La dissémination de notre code de conduite fait partie intégrante des cours d’introduction pour chaque employé déployé sur le terrain ». Chez Oxfam, le Belge mis en cause pour cas d’abus sera jugé et la directrice adjointe a, de son chef, démissionné.
Et toutes ses autres associations, celles qui respectent leurs publics et leurs travailleurs et apportent une réelle plus-value, quel futur leur sera réservé ? Le meilleur, on espère...
A.S.E.
[A lire]
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