Les petites ASBL vont-elles disparaitre ?
La nouvelle réforme concernant le code des sociétés et des ASBL est en marche depuis quelques mois à présent. Initiée par le Cabinet du ministre de la Justice, Koen Geens, cette nouvelle loi ne fait pas l’unanimité, surtout parmi les ASBL, qui devraient, en conséquence, être assimilées à des entreprises commerciales. Malaise.
La nouvelle loi du ministre de la Justice, Koen Geens, à propos de la révision du Code des sociétés et des ASBL ne fait pas que des heureux. SI certaines mesures sont plutôt bien accueillies, d’autres en revanche suscitent l’incompréhension et le rejet, par manque de cohérence. Les ASBL surtout, ne comprennent pas les arguments du ministre, comme celui de réduire le nombre de structures, apparemment trop important. Cependant, comme les conséquences réelles de cette nouvelle loi restent toujours, pour l’instant, de l’ordre du conditionnel, les interrogations se succèdent. Plus loin que la vision purement pratique de cette réforme peut se poser la question de l’impact qu’elle aurait sur les associations, surtout les petites structures. Irions-nous vers la fin des petites ASBL ? Le débat est plus que réel.
Des discussions en cénacle fermé
Pour le secrétaire politique d’Eneo (le mouvement social des ainés), Philippe Andrianne, la réforme initiée par le ministre Geens est dans la mouvance des réformes instaurées depuis quelques temps par le gouvernement. Il précise « Ce qui se passe actuellement est tout à fait en concordance avec les dernières mouvances politiques. Ainsi, nous avons des discussions en cénacle fermé, dans un groupe d’experts (ici, en l’occurrence, des avocats experts en droit des sociétés et des académiques flamands) duquel ressort un texte juridique et technique imparable. Ce texte est ensuite envoyé au Parlement, qui, par manque de temps, ne peut réellement se pencher sur chaque terme technique ; le texte est voté. Ensuite, on publie toutes sortes de lois réparatrices. »
En conséquence, le terrain est rarement consulté et doit se conformer à une loi qui ne prend pas en considération les spécificités propres de son fonctionnement. De plus, comme précise M. Andrianne, « Le texte de l’avant-projet de loi est impossible à avoir. Il y a bien eu une rencontre entre le ministre et le CSV (Conseil Supérieur des Volontaires) en juin, qui a résulté d’un avis. Cependant, ce dernier est non-publiable. Aucune audition d’experts en droit des ASBL n’a été prévue. »
La fin des petites ASBL ?
Michel Davagle, juriste spécialisé dans les ASBL, a quant à lui, soulevé la question de la fin des petites structures. En effet, si cette loi devient applicable sans modifications, le risque est réel de voir de plus en plus de petites ASBL migrer vers des associations de fait, en conséquence de cette nouvelle loi. « Cependant, il est important de comprendre qu’en termes de responsabilité, les ASBL et les associations de fait diffèrent. Ainsi, dans une association de fait, la personne physique est responsable, ce qui n’est pas le cas d’une ASBL. Les responsabilités sont dès lors bien plus lourdes ». En effet, un des principes de l’association de fait est de ne pas avoir de personnalité juridique. Dès lors, au niveau du patrimoine, de l’engagement ou de la représentation, ce sont donc bien ceux de ses membres qui seront engagés.
Quel impact social ?
Si la réalité de voir la disparition des petites ASBL venait à se concrétiser, l’impact social en serait énorme. Michel Davagle de préciser : « Dans le cadre des accords du non-marchand par exemple, ce serait extrêmement compliqué pour les petites structures, dont les agréments et les subventions sont déjà difficiles à gérer en l’état. De même, les questions de trésorerie. Mais surtout, au niveau sociétal, si cette migration devait effectivement s’opérer, une kyrielle de projets se retrouveraient dans une sorte de léthargie. Si ce passage au statut d’ASBL devient de plus en plus compliqué, combien de nouvelles idées ne verront pas le jour » ?
Pour Michel Davagle, si les petites associations venaient à disparaitre ou à se trouver sous l’égide d’un autre pouvoir, cela aurait d’importantes conséquences sociétales. Il est indispensable que cette loi tienne compte des spécificités des ASBL, de leur mode de fonctionnement, des enjeux sociétaux qu’elles portent. De plus, le rapport au public et au but recherché devraient être au centre des préoccupations du ministre.
Et la démocratie ?
Pour Michèle Parmentier, qui travaille dans une Maison médicale, le réel problème par rapport à cette loi, outre le fait qu’elle risque de changer très concrètement le paysage associatif tel qu’on le connait aujourd’hui, est son élaboration. « Plus qu’une travailleuse sociale, je suis également citoyenne. A l’heure actuelle, je suis réellement choquée et outrée de la façon dont le projet a été mené et de l’avoir appris, comme ça, en vitesse, au détour d’un couloir. Et le pire : on laisse faire… En tant que citoyenne d’une démocratie, de tels modes de fonctionnement ne peuvent pas avoir lieu. Quand est-ce qu’on va enfin, en Belgique, descendre dans la rue et contrer ces politiques qui décident seuls, dans leur Tour d’Ivoire ?! Quand va-t-on faire bouger les choses ?! »
A bon entendeur…
A.S.E.
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