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Réforme accueil de la petite enfance : le point sur les polémiques

18/10/19
Réforme accueil de la petite enfance: le point sur les polémiques

La réforme des milieux d’accueil de la petite enfance a enflammé les débats en commission du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Au menu des discussions ? Les crèches privées, tout d’abord. L’obligation de se constituer en ASBL ou en coopérative à finalité sociale et le statut du personnel est, en effet, au cœur de leurs inquiétudes. Autre point à l’ordre du jour : le renforcement des niveaux de qualification des futurs accueillants.

La réforme de l’accueil de la petite enfance en Communauté française a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, l’intérêt porté à ce dossier ne fléchit pas. Ce vaste chantier qui vise à redessiner le paysage du secteur n’en finit pas d’animer les débats. Preuve il en est, le 15 octobre dernier, la fameuse réforme « MILAC » s’est une nouvelle fois invitée à la commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Trois députées, Joëlle Maison (DéFI), Sabine Roberty (PS) et Véronique Durenne (MR) ont littéralement bombardé de questions la toute nouvelle ministre en charge du dossier, Bénédicte Linard.

 [A lire] : Tout savoir sur la réforme de l’accueil de la petite enfance

Formation uniquement pour les détenteurs du CESS

Au menu des interpellations, il a été tout d’abord question du renforcement des niveaux de qualification des travailleurs du secteur. Joëlle Maison s’est ainsi montrée perplexe à l’égard des moyens proposés pour améliorer la professionnalisation du secteur. La réforme prévoit ainsi que les candidats au métier d’accueillant doivent désormais être en possession d’un certificat d’enseignement secondaire supérieur, en plus du titre de formation délivré par un opérateur régional en alternance. Sur le terrain, cela implique que le diplôme de formation intitulé « chef d’entreprise : accueillant d’enfants » délivré par l’IFAPME ou le SFPME ne sera plus accessible qu’aux détenteurs d’un CESS. « Les candidats devront donc justifier de deux cursus : le CESS, obtenu soit à l’issue de leur scolarité, soit en promotion sociale, et deux années de la formation », note-t-elle. « Quelle plus-value purement théorique le CESS apporte-t-il à la formation des futurs accueillants ? Qu’est-il censé prodiguer en complément des compétences hybrides, pratiques et théoriques jusqu’ici assurées par les opérateurs régionaux de formation ? »

Pour la ministre Bénédicte Linard, il est essentiel que les professionnels de l’enfance développent des compétences poussées. Or, pour elle, cela ne peut se faire dans le cadre d’une formation de courte durée. « L’harmonisation des compétences et l’évolution vers le niveau minimum du CESS, avec une extension future vers un baccalauréat en éducation et accueil de l’enfant va dans le sens du renforcement progressif de la formation initiale, en cohérence avec la volonté de renforcement de la qualité de l’accueil », a-t-elle précisé. « Par ailleurs, l’objectif de mobilité verticale des professionnels, par exemple, des fonctions d’accueil de l’enfant vers un niveau bachelier pour l’encadrement psychomédicosocial ou la direction repose aussi sur l’obtention du niveau de base du CESS. »

 [A lire] : Réforme accueil de la petite enfance : l’angoisse des crèches privées

L’angoisse du secteur autonome…

Joëlle Maison, Sabine Roberty et Véronique Durenne se sont également toutes les trois penchées sur le cas des crèches privées. Ces dernières craignent en effet de devoir mettre la clé sous le paillasson à cause de plusieurs mesures prévues dans la réforme « MILAC ». « Aujourd’hui, la mise en œuvre de la réforme fait réagir le secteur d’accueil autonome concernant le statut des travailleurs et l’obligation de choisir entre le statut d’association sans but lucratif (ASBL) et celui de la société coopérative à finalité sociale », a rappelé Sabine Roberty, élue PS.

Joëlle Maison a pointé, pour sa part : « Nous pouvons légitimement nous interroger à propos de la radicalité de certaines mesures qui pénalisent une partie du secteur, principalement le secteur privé. Celui-ci représente pourtant près d’un tiers de l’offre totale d’accueil en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’obligation de se constituer en ASBL ou en coopérative à finalité sociale est rédhibitoire pour de nombreux opérateurs, au même titre que l’interdiction d’engager du personnel sous statut d’indépendant dans les milieux d’accueil. » Et de demander à la ministre : « Comment entendez-vous concilier le rehaussement des exigences de l’ONE avec l’interdiction d’engager du personnel sous statut d’indépendant pour tous les milieux d’accueil, et en particulier pour les milieux d’accueil « niveau zéro » et « niveau un » qui seront les plus durement frappés par cette exigence, et l’impossibilité de recourir à des étudiants entrepreneurs en fin d’études de puériculture ? Ne redoutez-vous pas la fermeture de certains milieux d’accueil privés ? »

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La viabilité financière des maisons d’enfants menacée

Dans le volet relatif aux inquiétudes des crèches privées, la nouvelle ministre de l’Enfance a d’abord expliqué que l’ensemble des PO du secteur subventionné par l’ONE sont déjà des ASBL ou des pouvoirs publics et que pour les co-accueillantes autonomes, rien ne change. « Le changement porte principalement sur les PO des maisons d’enfants, c’est-à-dire des milieux d’accueil collectifs non subventionnés par l’ONE. Seuls 40 % de ces milieux d’accueil ont comme PO une personne physique ou une association de fait. Pour ces derniers, l’obligation de changer de statut s’impose à la fin de la période transitoire, le 31 décembre 2025. Sauf dérogation octroyée par l’ONE », a-t-elle annoncé.

Et de rajouter : « Cette période sera mise à profit pour accompagner les PO et envisager avec eux les différentes possibilités en fonction de leur situation particulière. Une des conclusions pourrait être le maintien du statut actuel au travers d’une dérogation, laquelle peut être à durée indéterminée, comme le prévoit la réglementation. En revanche, si le PO souhaite bénéficier du niveau 1 de subvention, il devra d’abord adopter un des types reconnus. À ce stade, le financement du niveau 1 n’est pas prévu en 2020. La question ne pourrait se poser au plus tôt qu’en 2021, en fonction des moyens prévus pour la suite de la réforme. »

Et quid du statut du personnel du milieu d’accueil, qui, dans le cadre de la réforme, doit être soit salarié, soit statuaire, soit sous convention de stage longue durée ? Car, ce changement ne sera pas sans conséquence sur l’équilibre financier d’un certain nombre de maisons d’enfants. Le passage au statut de salarié va en effet représenter une augmentation des coûts de fonctionnement. Une situation qui peut mettre en péril la viabilité financière de certaines maisons d’enfants. « L’ONE procédera par étapes », assure Bénédicte Linard. « Dans les structures concernées sera assuré le maintien des conventions de collaboration en place et sera offerte la possibilité de remplacement jusqu’à la fin de la période transitoire, c’est-à-dire le 31 décembre 2025. L’ONE recensera ensuite les structures concernées afin d’évaluer concrètement la situation et envisager les pistes de solution pour l’avenir. »

 [A lire] : Une réforme pour réduire les inégalités dans les milieux d’accueil

E.V.



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