Réforme des milieux d'accueil approuvée : "une coquille vide !"

C’est officiel : le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a approuvé le projet de décret portant sur les milieux d’accueil (MILAC) pour enfants en bas Í¢ge. Il met la priorité sur le développement des bambins, mais également sur le caractère professionnel de leur prise en charge. Une réforme qualifiée de "coquille vide" par le Délégué général aux droits de l’enfant, la Ligue des familles et Badje (Bruxelles Accueil et Développement pour la Jeunesse et l’Enfance).
A la veille du vote par le parlement, l’association Badje, le Délégué général aux droits de l’enfant et la Ligue des familles ont envoyé une lettre ouverte aux parlementaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En voici des extraits :
"Où est la vision ambitieuse pour la petite enfance ?"
Le décret qui sera examiné ce 20 février est le premier jalon d’une réforme qui s’avère indispensable et urgente. Bien qu’il constitue un pas dans la bonne direction, nous regrettons que le texte qui vous est présenté ne soit pas à la hauteur de l’enjeu. Il nous apparaît comme une coquille vide dont le sens dépendra de ses arrêtés d’application. Au stade actuel, le décret ne définit pas la vision ambitieuse pour la petite enfance qu’on est en droit d’attendre de lui. Les grandes orientations de la réforme et un horizon tracé pour dix ans pour le secteur mériteraient d’être débattus dans votre hémicycle. Le sujet, s’il ne semble laisser personne indifférent, ne mobilise pas non plus l’énergie politique qu’on peut espérer considérant l’enjeu majeur qu’il représente. Sans parler du retour sur investissement formidable que l’on peut attendre pour la Fédération Wallonie-Bruxelles puisque toutes les études sérieuses sur le sujet montrent qu’un Euro investi dans la petite enfance rapporte entre trois et sept Euros à moyen et long termes.
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"Le décret ne détaille pas les ambitions sociales, de santé"
Voter un décret sur l’accueil de la petite enfance est l’occasion d’inscrire dans ce texte fondateur les préoccupations majeures sous-jacentes que constituent la pauvreté infantile, la pénurie de places d’accueil, le manque d’accès… C’est aussi, pour le législateur, le moment de définir les orientations générales d’une réforme visant à relever ces défis, en assurant un accueil accessible et de haute qualité permettant d’obtenir le meilleur effet positif dans la lutte contre les inégalités. En ce sens, on ne peut que regretter que le décret ne détaille pas les ambitions sociales, de santé, éducatives, de prévention primaire, intégratives, émancipatrices, de conciliation entre la vie familiale, professionnelle et sociale. On s’étonne aussi qu’il ne fasse pas référence à la Convention internationale des droits de l’enfant qui fête pourtant l’anniversaire symbolique de ses trente ans en 2019.
"Il faudrait un refinancement de 350 millions"
Deux autres regrets sont à mentionner : l’absence de perspectives budgétaires claires et de calendrier pour une réforme dont l’urgence ne fait pas l’ombre d’un doute. Une politique ambitieuse d’accueil de la petite enfance nécessiterait une refinancement de ce secteur à hauteur de 350 millions d’Euros. Un montant qui peut, certes, paraître conséquent, mais qui l’est relativement peu au regard des dépenses allouées à d’autres secteurs et considérant qu’il s’agit d’un investissement parmi les plus rentables qui soit pour un Etat, comme nous le rappelions plus haut. A ce stade, l’engagement budgétaire du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’élève à 5,9 millions d’euros en 2019 et 5,9 millions supplémentaires en 2020, soit 3,3% de l’ambition… Nous sommes très loin du compte.
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"Besoin d’un dispositif d’évaluation rigoureux"
Pour terminer, une politique et une réforme ambitieuse de l’accueil de la petite enfance ne peut s’envisager sans pilotage et un dispositif d’évaluation rigoureux. Nous déplorons donc que l’évaluation embryonnaire qui figurait à l’article 5 de l’avant-projet de décret ait été supprimée plutôt qu’étoffée dans le projet de décret. En décembre dernier, les chercheurs Anne- Catherine Guio (Luxembourg Institute of Socio- Economic Research) et Frank Vandenbroucke (Université d’Amsterdam) présentaient une nouvelle étude relative à la pauvreté des enfants, commandée par la Fondation Roi Baudouin. Leurs conclusions démontrent qu’aucun acteur, aucun niveau de pouvoir n’arrivera à lutter seul contre ce fléau. La situation des enfants pauvres ne pourra s’améliorer significativement que par une approche globale et coordonnée, un “Master Plan”, qui mobilise tous les niveaux de pouvoir, qui combine les politiques sociales et fiscales, d’accueil de la petite enfance, d’emploi, de logement, de santé et d’enseignement.
"Le cœur d’une politique incontournable, essentielle"
En vous adressant ce courrier, nous vous demandons instamment de prendre la mesure de l’importance de l’accueil de la petite enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce n’est qu’à la façon dont le monde politique adressera l’urgence qui est liée à ce sujet, en le voyant tel qu’il est : le cœur d’une politique incontournable, essentielle et le levier incontestablement le plus efficace pour lutter contre les inégalités, que nous pourrons juger de l’engagement véritable de notre communauté à l’égard de ses enfants. Le vote de ce décret est l’occasion pour nous de vous demander de mettre cette politique au cœur de vos priorités de manière forte et volontaire.
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