Elections 2024 : les revendications de la fédération des CPAS wallons
2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, le Guide Social souhaite être un porte-voix des fédérations et des actrices / acteurs de terrain du Non-Marchand. Ce jeudi, découvrez les revendications de la fédération des CPAS de Wallonie. « Les CPAS se sont vu confier de plus en plus de missions au fil des ans, leur rôle est central dans la gestion des conséquences sociales liées aux crises successives et plus largement à la précarisation de notre société », juge la fédération. « A tel point que le ‘modèle CPAS’ devrait maintenant être repensé, pour l’avenir. »
La Fédération des CPAS de Wallonie de l’Union des Villes et Communes de Wallonie est l’organe représentatif qui porte la voix des 262 CPAS de Wallonie et de la Communauté germanophone auprès des différentes instances politiques du pays.
A la veille d’une nouvelle législature, il nous paraît important d’adresser aux partis politiques et aux responsables politiques à tous niveaux de pouvoir les revendications de l’ensemble du secteur.
Quelle est la situation actuelle des CPAS ?
Les grandes messages repris en préambule dans ce mémorandum sont sous-tendus par les constats suivants :
- Sur la dernière législature (communale), le nombre de personnes bénéficiaires du RI (revenu d’intégration) aura augmenté d’environ 30 % en Wallonie, avec un nombre de travailleurs sociaux (quasi) inchangé. Les aides sociales équivalentes et complémentaires sont également en forte augmentation.
- Les problèmes de santé mentale ont augmenté de 40 % sur la même période, les jeunes précarisés sont particulièrement exposés. Le vécu des personnes par rapport à leur précarité et aux stigmatisations a un impact considérable sur leur santé mentale et, partant, sur leur disposition à entreprendre une activité, avec les risques de perte de droits qui en résultent.
- Les CPAS sont, pour beaucoup, en situation de « faillite virtuelle », sans « réserves ». Certains dossiers récents pèsent ou vont peser lourdement sur les finances : charge des pensions (notamment les cotisations de responsabilisation), indexations successives des salaires, prix de l’énergie, extinction de certains fonds…
- Les (nombreuses) aides et interventions décidées à tous niveaux de pouvoir revêtent un caractère fragmenté et « court-termiste », engendrant de la complexité administrative, de l’instabilité et une difficulté à se projeter dans l’avenir.
- La contractualisation de l’aide s’est généralisée, avec un accroissement considérable de la charge administrative et du contrôle des conditions et des obligations à remplir, et dans certains cas un éloignement du véritable rôle d’accompagnement social des personnes fragilisées.
- Cette accentuation de la conditionnalité amplifie la problématique de non-recours aux droits pour laquelle les CPAS sont régulièrement incriminés, souffrant de la sorte d’un déficit d’image alors que « tout leur est renvoyé », et d’attractivité.
- L’augmentation de la violence des usagers vis-à-vis des travailleurs sociaux est ressentie, peut-être « en miroir » d’une certaine violence institutionnelle ressentie du point de vue des personnes. Les CPAS ont par ailleurs du mal à recruter et à maintenir le personnel en place, que ce soit au niveau de la première ligne sociale ou des services administratifs.
- Les épuisements professionnels et démissions sont nombreux, indicateurs de la fatigue généralisée de la première ligne sociale de notre région.
Malgré ces constats, les CPAS continuent à « faire face » et à assurer leurs missions premières, en tant que (qu’une des) principales institutions sociales de notre pays, à assumer les situations de grande précarité (en augmentation) et la généralisation de la précarisation à ce qu’il est convenu d’appeler « la classe moyenne ».
« Les douze travaux d’Hercule » pour les CPAS
Afin d’aider les CPAS à pleinement jouer leur rôle dans le système assurantiel et assistanciel belge, et dès lors à assurer au maximum de citoyens de mener une vie conforme à la dignité humaine et une possible mobilité sociale, il est proposé de prévoir les décisions majeures suivantes. Celles-ci auraient un effet levier considérable, et positionneraient les CPAS pleinement comme les pivots des politiques sociales :
1.
Assurer un « seuil minimum garanti pour tous », automatique et sur base individuelle, qui atteindrait au minimum le seuil monétaire de pauvreté. Ce « nouvel RI » (revenu d’intégration) serait pris en charge à hauteur de 95 % par l’Etat fédéral (en plus du remboursement des frais de dossiers), le solde restant à charge des CPAS.
2.
Ce revenu serait individualisé et ferait abstraction du « statut » des personnes. A défaut et à tout le moins, sur cette voie de l’individualisation, les statuts devraient être harmonisés entre les différents « régimes » assurantiels et assistanciels, et le statut de cohabitant serait supprimé. Les personnes ayant charge de famille (enfants par exemple) devraient être prises en compte dans un statut à part entière ou via d’autres dispositifs, comme les allocations familiales ou l’octroi de primes forfaitaires additionnelles prises en charge par le fédéral ou le régional.
Le rôle « résiduaire » des CPAS devrait être réaffirmé, entre autres par l’imposition d’un délai de rigueur à l’ensemble des institutions sociales qui interviennent en amont des CPAS. Toujours en amont : tous les niveaux de pouvoir devraient scanner l’ensemble des démarches administratives touchant à priori les plus vulnérables sous l’angle de leur accessibilité, ce meilleur accès direct aux dispositifs fédéraux et régionaux étant de nature à limiter le recours aux CPAS.
3.
Les aides sociales complémentaires dans leur ensemble qui visent à aider les personnes fragilisées, régionales, fédérales ou communautaires, devraient être maintenues et consolidées, (autant que faire se peut) dans des « grands fonds » ou subventions, également par souci de simplification administrative et de facilité d’accès. Ces fonds et subventions devraient intégrer systématiquement un supplément de 10 à 20 %, de façon à couvrir les frais de fonctionnement et de personnel des CPAS non suffisamment couverts par les mesures qui précèdent. Ce supplément devrait le cas échéant être octroyé aux CPAS dans une logique d’autonomie locale, sans justification nécessaire a priori.
Une indexation automatique de l’ensemble de ces sources de financement devrait par ailleurs être actée.
4.
Dans tous les cas, le Fonds spécial de l’aide sociale (FSAS) au niveau de la Wallonie, devrait être porté au pourcentage des recettes des CPAS que recouvre le Fonds de communes vis-à-vis des communes. Les critères du FSAS seraient revus, pour le faire également coller aux réalités socio-économiques de la zone.
L’ensemble de ces mesures « financières » visent à octroyer aux CPAS un financement structurel et à la hauteur des enjeux de dignité humaine et de mobilité sociale rencontrés aujourd’hui.
5.
Pour le reste, les appels à projets devraient être remplacés par un droit de tirage, de façon également à intégrer le soutien des différents niveaux de pouvoir envers les CPAS dans une logique structurelle et de long terme. Cela permettrait notamment de développer l’innovation sociale.
6.
Toutes les nouvelles missions impactant les CPAS et confiées par les trois niveaux de pouvoir devraient absolument être évaluées ex ante dans leurs impacts sur les finances locales, et intégrer une compensation financière. À cet égard, toute réforme liée entre autres aux allocations de chômage et susceptible d’impacter directement les CPAS devra absolument être évitée (comme l’exclusion des chômeurs complets indemnisés après deux ans).
7.
Afin de s’assurer que les moyens budgétaires que dégageraient les dispositions présentées ci-avant couvrent bien les besoins de renforcement en personnel des CPAS, un cadastre détaillé devrait être réalisé, pour l’ensemble des catégories de personnel (première ligne sociale, services supports, maisons de repos, services à domicile…). Ce cadastre objectivé conduirait à un financement additionnel et structurel, au cas par cas et en toute autonomie, permettant de stabiliser les emplois en place et de les compléter là où c’est nécessaire. Cela permettait de faire face à l’augmentation des publics qui frappent aujourd’hui à la porte des CPAS.
8.
Une ambitieuse réforme du personnel devrait être menée, en suite de la réforme de la RGB menée par la Wallonie sous l’ancienne législature. Cette réforme devrait assurer à la fois la soutenabilité financière, à long terme, pour les employeurs locaux, de la charge financière de leur personnel, en particulier de sa sécurité sociale et plus particulièrement des pensions du personnel statutaire, et l’émergence d’un management plus dynamique permettant d’attirer, de cultiver, de développer et de conserver les talents.
9.
Une réforme de fond de la Loi organique des CPAS devrait être entamée, de façon à revoir la gouvernance générale de l’institution au regard notamment des propositions qui précèdent.
Toutes les nouvelles dispositions liées à la gouvernance des CPAS devraient être dans le même sens évaluées ex ante en regard de l’efficacité démontrée. Les synergies seront privilégiées entre les CPAS relativement à certaines missions facultatives pouvant s’exercer à un niveau supra communal, comme par exemple, la médiation de dettes, l’insertion sociale et professionnelle.
A cette fin, les associations Chapitre XII devraient être complètement réformées.
10.
Le principe de confiance devrait accompagner toute nouvelle disposition, en termes de contrôle et d’inspection des CPAS par « les autorités supérieures » ou « de tutelle ». L’allègement de toutes les dispositions qui encadrent, de l’extérieur, le travail et les budgets des CPAS (notamment le CRAC) devrait être repensé dans une philosophie « d’accompagnement », de façon à permettre aux directions locales de mener au mieux leurs missions premières dans ce qu’elles ont aujourd’hui de prioritaire (vis-à-vis de la population).
11.
Les CPAS devraient être consacrés, en tant qu’institution publique sociale majeure, dans leur rôle pivot tant en termes de détection, de prévention que de résolution des difficultés sociales.
Les mécanismes de coordination sociale dans lesquels les CPAS devraient jouer un rôle d’initiateurs, devraient être financés en tant que tels. Le travail en réseaux est devenu une nécessité et doit être soutenu.
12.
Ces décisions devraient être systématiquement concertées en amont avec les CPAS et leurs Fédérations, dans une optique de généralisation de la fonction consultative à tous niveaux de pouvoir.
La logique d’urgence, qui a prévalu sous l’ancienne législature eu égard aux crises auxquelles il a fallu faire face, devrait laisser place à une temporisation et une meilleure anticipation des enjeux liés à la pauvreté dans le chef des différents gouvernements.
Ce sont, en quelque sorte, « les douze travaux d’Hercule » pour les CPAS. Ils sont complétés par 150 mesures spécifiques, présentées dans le mémorandum de la Fédération des CPAS.
La Fédération des CPAS de Wallonie
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