Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Lettre au Gouvernement wallon : "Comment et pourquoi ne pas (dés)intégrer les CPAS ?"

30/04/25
Lettre au Gouvernement wallon :

Le Ministre des Pouvoirs locaux et le Gouvernement wallon ont fait part des grandes orientations liées à l’intention d’intégrer les CPAS dans les communes. Cette annonce suscite de nombreuses réactions dans les CPAS, sur le terrain, dans le chef de toutes les catégories de personnel.

Cette volonté d’intégration, non concertée, est jugée incompréhensible et heurte à plusieurs égards.

Tout d’abord, celle-ci repose sur des hypothèses de départ, des postulats et des présupposés non étayés ou documentés.

  • Les synergies entre communes et CPAS seraient pour l’heure insuffisantes, ce qui justifierait l’intégration, alors qu’aucune évaluation officielle et approfondie n’a été réalisée au sujet des synergies entre communes et CPAS en Wallonie.
  • Cette intégration génèrerait des économies, alors qu’aucune évaluation ex ante d’impact financier sérieuse et précise n’a été réalisée.
  • Cette évolution institutionnelle s’inspire du modèle flamand en postulant qu’il est positif dans son ensemble. Pourtant, les évaluations réalisées par les universités flamandes révèlent un bilan nuancé, et certains effets négatifs rédhibitoires qui seraient confirmés s’ils étaient dupliqués dans le contexte wallon : une diminution de l’attention politique portée au social. Ce modèle en Flandre est par ailleurs présupposé transposable en Wallonie, alors qu’il repose sur une réalité institutionnelle, socio-économique et de tissu local, fondamentalement différente.
  • Ce projet d’intégration est présupposé opérant, alors qu’aucune analyse préalable n’a été réalisée quant à sa sécurité juridique, et qu’il présente certains risques.

Une déclaration jugée vexante dans les CPAS

Ensuite, cette volonté d’intégration aurait pour objectif d’améliorer les processus d’octroi d’aides sociales, alors que les CPAS sont salués précisément pour la qualité de leur travail, dans un contexte où ils ont été placés au cœur de la gestion des conséquences sociales des crises successives que notre pays a connues.

Cette assertion est reçue comme étant vexatoire par les milliers de travailleurs sociaux et administratifs en CPAS, les centaines de mandataires et les directions générales des CPAS, qui au contraire attendent aujourd’hui une reconnaissance et un soutien indéfectible de la part de l’ensemble du monde politique.

Enfin, cette annonce d’intégration, même si celle-ci n’était pas immédiate, s’accompagnerait d’une expérience pilote enclenchant dès à présent une dynamique partielle sans doute irréversible, dans un contexte où les CPAS ont au contraire un besoin impérieux de stabilité

  • Eu égard aux menaces qui pèsent sur les subventions et donc sur certains emplois en CPAS.
  • Eu égard à la tension psychosociale déjà observée sur le terrain et qui réclame des solutions de renfort et de consolidation.
  • Eu égard à l’augmentation de la charge de travail existante, et imminente liée à l’accompagnement des exclus du chômage et des allocations d’insertion, qui nécessite une concentration des moyens et des énergies sur la préparation et la gestion de cette décision historique. Et non pas un « passage obligé » par des modifications institutionnelles qui fragiliseront l’institution CPAS « au pire moment ».

Lire aussi : Exclusion des chômeurs longue durée : les CPAS en alerte, les travailleurs sociaux sous tension

Notre alternative constructive !

Confirmant le vote unanime intervenant lors de la dernière assemblée générale, le Comité directeur de la Fédération des CPAS de Wallonie souhaite proposer une alternative constructive, de façon d’une part à rencontrer les objectifs de rationalisation et d’efficience des services publics poursuivis par l’ensemble du Gouvernement wallon, d’autre part à être en mesure de mettre en œuvre un projet ambitieux de mise à l’emploi et de sortie de la pauvreté.

Les intentions politiques régionales et fédérales confient en effet aux CPAS un rôle clé dans la plupart des chantiers qui traversent les Déclarations de politique régionale et fédérale, singulièrement en matière de réinsertion sociale et professionnelle. Par ailleurs, le Gouvernement régional spécifiquement indique, dans sa DPR, avoir la volonté de faire du CPAS un acteur central de lutte contre la précarité, au-delà du rôle de pivot des politiques sociales qui lui est organiquement dévolu.

Dans ce sens et par cohérence, les CPAS doivent être confortés dans leur rôle actuel. À défaut de conserver le modèle actuel CPAS en le renforçant comme « pôle social » de la commune, un regroupement de CPAS par bassin pourrait constituer une alternative porteuse, dans le cadre des fusions volontaires des communes.

La construction d’un modèle supralocal, assumé, permettrait non seulement la rationalisation des structures, la réduction du nombre de mandataires locaux, des économies d’échelle et la poursuite des synergies sur les services de support, comme souhaité par le Gouvernement. En même temps, elle renforcerait le rôle des CPAS et donc les positionnerait efficacement pour rencontrer les défis sociaux et socio-économiques confiés par les autorités tant fédérales que régionales. En mutualisant les compétences, en étendant l’assise pour une action supralocale, en faisant un grand pas vers l’harmonisation des pratiques au sein d’un même territoire, la fusion entre CPAS permettrait de reconnaitre le rôle spécifique tenu par l’institution au sein du paysage de la protection sociale, et maintiendrait la dimension de protection sociale à part entière nécessaire dans le contexte actuel.

Lire aussi : David Clarinval : "Moderniser sans fragiliser : un nouveau cap pour notre politique sociale"

C’est une autre façon de rendre l’écosystème plus efficace, l’accès aux droits fondamentaux plus facile, les trajets d’accompagnement entre institutions sociales plus lisibles

Faut-il rappeler les aspirations de nombreux mandataires de terrain qui souhaitent bâtir des assiettes de solidarité plus larges ? Ce afin de consolider des services publics locaux parfois en grandes difficultés et afin de lutter contre les disparités d’accès à un accompagnement global en fonction des besoins. Nous pouvons évoquer à cet égard les services d’aide à domicile, les maisons de repos, les infrastructures pour personnes sans-abri, les services d’insertion sociale et professionnelle, les services de médiation de dettes… Ils font défaut dans de nombreux petits CPAS et c’est une cause majeure des inégalités territoriales face à la précarité.

Comme le prévoit la Loi organique, les CPAS pourraient dans ce cadre amplifier la coordination sociale autour d’eux, avec tous les acteurs qui œuvrent à la lutte contre la pauvreté. C’est une autre façon de rendre l’écosystème plus efficace, l’accès aux droits fondamentaux plus facile, les trajets d’accompagnement entre institutions sociales plus lisibles.

Cela participerait aussi à l’amélioration de l’image de l’institution et de son attractivité, au réenchantement du travail social devenu plus que nécessaire quand les risques de pénurie se confirment chaque jour davantage. En cascade, cela aurait un impact sur le « mieux vivre » de toutes ces personnes fragilisées - toujours plus nombreuses - que les CPAS accompagnent et continueront d’accompagner et, par corollaire, sur la cohésion sociale.

Dans une posture de construction d’un projet positif et non pas destructeur pour le social

Cette piste positionnerait enfin l’ensemble du Gouvernement wallon dans une posture de construction d’un projet positif et non pas destructeur pour le social, inclusif et non pas incluant, intégratif et non pas intégrateur. Il s’accompagnerait d’évolutions administratives souhaitables, et atteignables par les véhicules législatifs et règlementaires existants : amélioration des Décrets synergies, PST, aménagements du huis clos, augmentation de la transparence administrative (là où c’est nécessaire et où cela ne nuit pas à la confidentialité qui sied à l’octroi des aides sociales), la transparence des comptes, etc.

Préserver les CPAS à part pleine et entière, c’est participer à la paix sociale nécessaire à tout projet de société porté par un Gouvernement, réformateur et humaniste.

La Fédération des CPAS de Wallonie



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour