David Clarinval : "Moderniser sans fragiliser : un nouveau cap pour notre politique sociale"

Dans le cadre de nos publications sur le Guide Social, nous avons à cœur d’offrir un espace de réflexion et de débat sur les grandes orientations politiques qui concernent les professionnels du social-santé. Ces derniers mois, nous avons donné la parole à de nombreux acteurs de terrain : interviews, relais des revendications syndicales, et cartes blanches de professionnels engagés. Tous témoignent de l’ampleur des changements en cours dans le secteur social. Dans un souci d’équilibre et de pluralité, nous avons aussi souhaité entendre la voix des décideurs. C’est pourquoi nous avons proposé à David Clarinval, Vice-Premier ministre de l’Arizona et ministre de l’Emploi et de l’Économie, de partager sa vision et d’expliquer les fondements des réformes sociales en cours.
Le secteur social belge traverse une période de profonde transformation. Vieillissement de la population, pression croissante sur les professionnels, numérisation accélérée, exigence d’efficacité : les défis sont nombreux, parfois complexes, mais ils ne sont pas insurmontables. À condition d’adapter notre cadre d’action, sans renier ce qui fait la force de notre modèle.
Il est temps de refonder nos politiques sociales autour de quelques principes simples, mais essentiels : la confiance envers les acteurs de terrain, la clarté des règles et une attention accrue à l’impact réel sur les bénéficiaires.
Depuis plusieurs années, le secteur alerte : surcharge administrative, manque de reconnaissance, sentiment de déconnexion entre décisions politiques et réalité du terrain. Ces signaux doivent être pris au sérieux.
La conclusion d’accords sociaux tripartites dans les secteurs fédéraux du non-marchand est une réponse concrète. Elle vise à améliorer les conditions de travail, offrir davantage de stabilité et renforcer l’attractivité de métiers essentiels, souvent exigeants et encore trop peu valorisés.
Autre priorité : la simplification administrative. Les professionnels du secteur social demandent depuis longtemps moins de bureaucratie et plus de temps pour se concentrer sur leur cœur de métier : l’aide réelle aux personnes.
Nous portons une vision résolument tournée vers l’émancipation des individus, et non leur maintien dans la dépendance
Nous portons une vision résolument tournée vers l’émancipation des individus, et non leur maintien dans la dépendance. Cela implique un accompagnement personnalisé, des services accessibles, des parcours d’activation efficaces. Notre modèle social ne peut reposer uniquement sur l’assistance. Il doit redonner à chacun la possibilité de jouer un rôle actif dans la société — via l’accès à l’emploi, la réponse aux métiers en pénurie ou encore le renforcement du travail social de proximité.
C’est dans cet esprit qu’un plan global de prévention et de réinsertion des malades de longue durée, prévu dans l’accord de gouvernement, a été concrétisé dans la récente loi-programme. Ces mesures entreront en vigueur à partir de janvier 2026.
Ce plan repose sur une responsabilisation équilibrée des cinq acteurs clés : les travailleurs, les employeurs, les médecins, les mutualités et les services régionaux de l’emploi. Chacun doit jouer son rôle pour prévenir les absences prolongées, souvent synonymes de perte de repères et de confiance.
- Pour les travailleurs, cela signifie un accompagnement sur mesure dès les premiers signes d’incapacité, avec un rôle renforcé du médecin du travail, une meilleure coordination via la plateforme TRIO, et un suivi individualisé centré sur ce qu’on peut encore faire — et non sur ce qu’on ne peut plus faire.
- Pour les employeurs, cela implique une participation active aux trajectoires de réintégration. La cotisation de responsabilisation actuelle sera remplacée par une contribution de solidarité ciblée (hors PME) durant les deux premiers mois d’incapacité primaire. Cette responsabilisation s’accompagnera d’outils concrets pour mieux prévenir et accompagner le retour au travail.
- Les mutualités, les médecins et les services de l’emploi devront également adapter leurs pratiques : renforcement de l’évaluation des incapacités, évaluation des mutualités sur leur capacité à favoriser la réinsertion et orientation rapide des travailleurs vers les services régionaux de l’emploi lorsqu’un retour chez l’employeur initial n’est pas possible.
Nous voulons une politique sociale qui tienne ses promesses
Dans ce contexte, le dialogue social reste notre boussole. Il doit être exigeant, respectueux et moderne. C’est pourquoi nous appelons à une mise à jour de l’accord de 2002, afin qu’il corresponde aux réalités d’aujourd’hui. Et à un usage plus responsable du droit de grève, qui ne peut pénaliser les usagers ou les acteurs qui ne sont pas directement parties prenantes aux conflits.
Nous voulons une politique sociale qui tienne ses promesses. Cela implique d’investir dans les professionnels du secteur, dans leur bien-être mental, leur formation continue, et des conditions de travail soutenables. Car la transformation que nous appelons de nos vœux ne pourra réussir sans celles et ceux qui font vivre le secteur au quotidien.
Enfin, si nous voulons que les générations futures bénéficient encore d’une sécurité sociale forte, nous devons adapter notre accompagnement aux besoins réels des individus, et assumer collectivement nos responsabilités.
C’est ce que je défends : une politique sociale plus lisible, plus juste, plus efficace — fidèle à ce que la Belgique sait faire de mieux : conjuguer solidarité et responsabilité.
Par David Clarinval, Vice-Premier ministre, ministre de l’Emploi, de l’Économie et de l’Agriculture
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