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Le logement, une problématique plus aiguë pour des parents fragilisés

06/11/19
Le logement, une problématique plus aiguë pour des parents fragilisés

Le Petit vélo jaune soutient des parents en situation d’isolement, de fragilité ou de précarité, dès le début de l’aventure familiale ou même de la grossesse. Pour ce faire, des bénévoles, appelés coéquipiers, accompagnent une famille durant un an, à raison d’une fois par semaine, au sein du domicile de cette famille. Ils sont en première ligne pour constater les différentes problématiques que rencontrent au quotidien ces familles. S’il en est une qui revient presque immanquablement : le logement.

 [A lire]  : Aide à la jeunesse : le Petit vélo jaune remet en selle les parents

Une commune de Bruxelles. Au troisième étage d’un petit immeuble sans ascenseur, sous les toits, une pièce de 12 mètres carrés avec évier. Deux plaques électriques dans le couloir d’entrée font office de cuisine. Puis un coin douche, une toilette et une chambre lilliputienne jonchée de matelas. Loyer : 550 euros. Un kot d’étudiant ? Non, l’appartement d’une famille monoparentale. Une mère seule et ses trois enfants de moins de 5 ans, dont un bébé, y vivent. Comme le père a disparu de la circulation et ne paye jamais la pension alimentaire, pas évident de trouver mieux...

Dans une autre commune, plus au sud de la capitale, une autre famille, un couple avec deux enfants cette fois. Le salon carré avec cuisine américaine, bien qu’étroit, est joliment décoré. Un imposant pot de fleur trône curieusement au beau milieu, directement sur la plancher. Djibril, le père l’a posé là pour éviter que son fils de deux ans ne bascule vers l’étage du dessous, un café bruyant. Il retire le pot, le trou fait la taille d’un potiron, avec vue directe sur l’établissement ! Des insectes... Devant l’impassibilité du proprio et avec l’aide de la coéquipière du Petit vélo jaune, la maman, Khadija, ne cesse de multiplier les recherches pour un nouvel appartement. Nombreuses visites, rencontres avec des propriétaires. Elle a beau à chaque fois présenter les fiches de paie de son mari, cela ne semble jamais suffisant, comme si quelque chose d’autre bloquait... Seule possibilité pour la famille : un logement transitoire du CPAS, dans l’attente d’un logement social. Bon, elle ne se fait pas trop d’espoir, on lui a bien dit qu’à Bruxelles, c’est pas évident, les places sont rares, les demandes s’empilent, le délai d’attente peut parfois s’étendre à dix ans...

Aux premières loges

Les coéquipiers du Petit vélo jaune sont aux premières loges pour constater cette problématique du logement. Et les situations sont légion. En région bruxelloise bien entendu mais aussi à Gembloux et en Brabant Wallon, où l’association est également présente. Certes, les familles que nous accompagnons habitent toutes entre quatre murs, aucune d’elles ne vit dans la rue. Mais encore faut-il pouvoir bénéficier d’un logement décent, à un prix abordable et qui soit adapté à leur réalité quotidienne. A regarder les réalités des parents que nous aidons, c’est trop rarement le cas. Logements trop chers, précaires, trop petits, insalubres, mal isolés, inadaptés, dans des quartiers peu enviables...

Mais pour nombre de parents fragilisés, il est une autre réalité, moins apparente. A partager quelques heures chaque semaine à leurs côtés, à discuter, les écouter, les coéquipiers du Petit vélo jaune savent que la problématique du logement est non seulement extrêmement énergivore mais peut aussi entraver, voire décourager un père ou une mère dans leur rôle de parent.

« Quand on vit dans un logement d’urgence, chercher un appartement est un travail à temps-plein ! Vu que je n’ai pas de crèche, je fais comment pour m’occuper de mes deux plus jeunes, ou pour assurer les devoirs de mon aînée ? », nous confiait Nathalie, maman dans les environs de Gembloux. Une autre nous expliquait qu’elle ne sort presque jamais de chez elle, un troisième étage sans ascenseur. Difficile effectivement pour une maman seule de sortir le bébé, la poussette, tout en maintenant par la main un garçon de deux ans un peu turbulent... « Oui, bien sûr, je préférerais les emmener au parc ou à la plaine de jeux plutôt que d’allumer la télé... ». Souvent compliqué aussi de disposer d’un espace de jeu quand il n’y a qu’une pièce, ou de langer un nourrisson sur l’unique table. Mais aussi si souvent impossible d’avoir un peu de temps pour soi, de pouvoir souffler, se reposer quand on partage à trois une même chambre. Et comment rester patiente face aux pleurs d’un enfant lorsqu’un propriétaire refuse pour la énième fois de traiter les problèmes d’infiltration d’eau dans les murs, proposant plutôt de partir si on n’est pas content, « surtout que les locataires, cela ne manque pas » ? Mais surtout, comment se valoriser en tant que parents quand on a le sentiment de ne même pas pouvoir fournir un logement correct à nos enfants ?

Des constats amers

Au Petit vélo jaune, nous ne cessons de constater qu’être mal logé pour des parents représente une source de stress immense poussant à l’épuisement et au découragement. C’est une préoccupation prioritaire, dominante, qui occulte d’autres besoins, pourtant eux aussi essentiels au bon développement de la famille et au bien-être des enfants en particulier. Nos coéquipiers ne cessent d’en mesurer l’urgence. D’autant que la très grande majorité de ces parents n’ont habituellement pas de relais familial pour les soutenir, ne bénéficient pas d’un soutien bienveillant et concret. Les coéquipiers peuvent se montrer à l’écoute et prêter mains fortes aux parents dans leurs recherches, en encourageant leurs démarches, en débroussaillant avec eux le terrain, en envisageant des solutions, en accompagnant, quand cela est possible, les parents lors de la visite d’un logement, ou encore en soutenant l’inscription des familles sur les listes d’attentes pour l’obtention d’un logement social.

Par contre, nous n’avons bien sûr aucune prise sur le nombre de logements sociaux toujours plus insuffisant, à son incapacité à répondre à l’urgence sociale (en 2019, quelques 39.000 candidats locataires sont inscrits sur les listes d’attente des sociétés de logement en Wallonie ; et près de 10.000 personnes sont en attente d’un logement social dans la capitale). Au Petit vélo jaune nous ne pouvons que constater la discrimination, tant socio-économique que liée à l’origine, dont sont encore victimes nombre de parents que nous accompagnons quand ils se tournent vers le marché privé. Comme nous ne pouvons que déplorer l’inadéquation croissante entre le montant des loyers exigés et leurs revenus, et certainement dans le cas des familles monoparentales.

Les coéquipiers du Petit vélo jaune sont en première ligne pour constater qu’un logement inadapté impacte tant le quotidien des familles. Beaucoup de ces parents sont plein de ressources personnelles, veulent s’en sortir, trouver l’appartement ou la maison qui leur permettra de vivre sereinement leur vie familiale. Avec le soutien des coéquipiers, avec le soutien d’autres associations spécialisées et souvent des CPAS. Tenter de trouver des solutions, soutenir.

Au Petit vélo jaune, on aimerait ne plus devoir sans cesse constater cette réalité. Mais pour inverser la donne, pour que le logement ne soit plus une telle difficulté au quotidien pour ces familles, cela relève sans doute surtout de choix politiques.

Le Petit vélo jaune asbl



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