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NON aux 500 euros mensuels nets d'impôts

27/03/18
NON aux 500 euros mensuels nets d'impôts

C’est assez rare pour être souligné : le projet de loi sur le revenu complémentaire de 500€ fait l’unanimité…contre lui. Ce ne sont pas seulement les représentant.e.s des travailleur.se.s qui le contestent, ce sont aussi les représentant.e.s des employeur.e.s, des indépendant.e.s et des volontaires. Malgré le déluge d’avis négatifs qui ont été rendus sur ce projet et la motion de conflit d’intérêt qui a été votée par le Parlement francophone bruxellois, le gouvernement fédéral campe sur ses positions. Aucune concertation à l’horizon. Aujourd’hui, nous posons ensemble cette question : pourquoi cet entêtement ?

Le projet est le suivant : permettre à des travailleur.se.s à 4/5e temps, des indépendant.e.s, des fonctionnaires ou des jeunes en service civil de pouvoir toucher jusqu’à 500€ nets par mois grâce à trois types d’activités. Ils.Elles peuvent travailler pour le secteur associatif ou un secteur public sans but lucratif, rendre des services occasionnels à d’autres citoyen.ne.s ou encore faire du travail d’économie collaborative via des plateformes agréées. Une proposition qui peut paraître alléchante aux yeux des citoyen.ne.s. Pourtant, tous ceux et toutes celles qui ont examiné le projet le remettent en question. Quatre points principaux ressortent des multiples critiques.

1. De la concurrence déloyale

Ce projet instaure une concurrence entre travailleur.se.s d’abord. Pour un même service, tondre une pelouse par exemple, certain.e.s paieront des taxes et des cotisations sociales (un entrepreneur de jardin), tandis que d’autres en seront dispensé.e.s (le citoyen qui fait ça en plus de son 4/5e). Le.La second.e pourra donc appliquer des tarifs bien plus bas. Le projet de loi a beau indiquer que ces prestations doivent rester « occasionnelles », aucune définition claire n’est proposée…

Ensuite, il y a le problème des employeur.e.s qui doivent respecter certaines normes et qui vont être concurrencé.e.s par des personnes qui ne sont tenues par aucune réglementation. Enfin, on assistera sans doute à une concurrence entre associations, certaines pouvant proposer désormais une rémunération à ces nouveaux ’travailleur.se.s associatif.ve.s’, là où d’autres demeureront sans possibilité d’envisager simplement d’intervenir dans les frais supportés par leurs bénévoles. Les associations seront confrontées de plus en plus souvent à des personnes cherchant un bénévolat rémunéré. Un non-sens et un oubli de l’intérêt de l’acte gratuit et libre. Que va-t-il rester de la relation d’entraide et de solidarité entre citoyen.ne.s qui étaient au départ gratuite et désintéressée ?

 [A lire] : La proposition de travail "associatif" de la ministre De Block inquiète

2. Une déprofessionnalisation progressive

La liste des activités possibles des ’contrats associatifs’ reprend quasiment tous les secteurs du non-marchand : aide aux personnes, santé, accueil de l’enfance, sport, culture… des activités qui sont soumises à des conditions de qualification, à des normes de qualité, de sécurité, à des règles déontologiques … Les petits boulots complémentaires vont remplacer les emplois structurels. Ceci nous amène au troisième point.

3. Une protection sociale niée

Travailler sous ce nouveau statut ne donne aucune protection sociale : pas de droits, pas de cotisations à la sécurité sociale, pas de protection du travail, pas de CCT, pas de protection en matière de durée et de temps de travail, pas de droits aux vacances et aux congés payés, pas de protection salariale… Aucune application des règles en matière de bien-être. Pas de règle non plus concernant la sécurité (obligation de porter des lunettes en cas de manipulation d’une disqueuse pas exemple). Si le.la travailleur.se se blesse, ce sera considéré comme un accident de droit commun et non pas un accident de travail ! Et si le plafond mensuel est dépassé, il y a requalification, le.la travailleur.se sera considéré.e comme indépendant.e et en portera seul.e la faute et les responsabilités et les conséquences (même en cas d’abus de celui qui l’a employé.e).

4. Le prix à payer…

Le danger de voir les emplois réguliers supplantés par ce genre de contrat est réel. Pourquoi continuer à travailler à temps plein si une activité d’appoint en plus d’un 4/5e est financièrement plus intéressante ? L’incidence budgétaire est lourde. Il y a de sérieux risques pour la gestion globale de la sécurité sociale. Selon la Cour des comptes, les pertes pour le statut social pourraient s’élever à 190 millions d’euros.
En réalité, ajouter un nouveau régime à notre marché de l’emploi ne se fait pas dans des délais aussi courts et en réduisant la concertation sociale à sa plus simple expression. Il faut prendre le temps. Le projet actuel pose beaucoup trop de questions juridiques (le point des plateformes agréées est particulièrement délicat car il permet de contourner les gardefous [sic] mis en place pour les deux autres types d’activités), de questions techniques (le système électronique pour déclarer ces prestations a-t-il été suffisamment testé ?), de questions pratiques (quel contrôle pour des prestations effectuées dans la sphère privée ?).

 [A lire] : Le travail semi-agoral, pas pour tous les secteurs !

Habituellement, il y a une volonté de sortir des travailleur.se.s du secteur informel pour les mettre dans une activité formelle avec un cadre générateur de droits en matière de sécurité sociale. C’est ce qui a été fait pour les titres-services notamment. Ce projet-ci fait totalement l’inverse. Il sort des travailleur.se.s d’activités formelles pour les plonger dans un secteur bien plus informel. Veut-on à ce point détricoter le marché du travail ?

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