Cohésion sociale, à quelles conditions ?

L’objectif de cohésion sociale est primordial pour les citoyens, mais il reste mal défini par les pouvoirs subsidiants. Il est surtout en contradiction avec certaines évolutions des politiques de gestion urbaine.
La cohésion sociale répond à un enjeu important quant à la cohabitation entre citoyens. Difficilement définie par les pouvoirs subsidiants, pas toujours bien comprises par les travailleurs, elle peut prendre de nombreuses formes en fonction des besoins et des dispositifs mis en place. Bien que pertinentes, les actions de cohésion sociale sont contradictoires avec certaines logiques sécuritaires. Il est paradoxal de subventionner des actions qui se faisaient spontanément auparavant.
De quoi on parle ?
L’enjeu principal de la cohésion sociale c’est la cohabitation entre citoyens souvent appelée « vivre ensemble ». On cherche donc à créer des points de rencontres, d’échange, de co-construction et d’émancipation pour les individus. D’une part, cela vient répondre à de « nouveaux » enjeux concernant la sécurité et la citoyenneté, d’autre part c’est une réponse face à l’idée que la société est en perte de repères, de valeurs et de liens entre les personnes.
Déresponsabilisation
Il y a une tendance forte à vouloir fermer ou contrôler les espaces de rencontres (parc, plaines, lieux de réunions informels, etc.) sous prétexte que ces lieux sont dangereux et génèrent souvent des incidents. Face au manque créé par l’absence de ces endroits, l’état subventionne ou missionne des professionnels pour faire le travail qui se faisait naturellement. C’est une déresponsabilisation de l’autorité publique. En effet, par peur de voir leur responsabilité engagée, les pouvoirs politiques transfèrent cette responsabilité à des associations ou des services. C’est donc à ces derniers que revient la charge de créer des dynamiques qui se créaient grâce à la spontanéité et aux envies des gens.
Paradoxes
La grande contradiction c’est de vouloir répondre aux effets pervers du « tout sécuritaire » par des projets de cohésion sociale. Mettre des caméras partout, inciter les gens à se méfier, conseiller aux personnes de rester chez soi, inviter à la dénonciation… sont autant de dynamiques qui créent de la distance et de la méfiance entre les citoyens. La peur de l’autre, le repli identitaire et tous ces phénomènes sur lesquels les projets agréés influent, sont des conséquences des logiques sécuritaires et de repli qui explosent actuellement dans toute l’Europe. Quant à eux, les projets de cohésion sociale viennent créer du lien, défendre l’altérité, amener du dialogue, etc. Les travailleurs se retrouvent donc à devoir contrer des phénomènes de société induits par ceux qui les missionnent.
Contrôle et professionnalisation
Deux raisons invoquées pour préférer un projet structuré à un projet spontané, sont les besoins de contrôle et de professionnalisation. S’ils sont légitimes, ils ne sont pas opposés aux actions spontanées et aux dynamiques naturelles. Des travailleurs peuvent tout à fait accompagner les projets émanant des citoyens et en rendre compte aux autorités (Plusieurs projets vont d’ailleurs en ce sens).
Tri et Sélection
Le plus grand risque de n’avoir recours qu’aux dispositifs cadrés, c’est d’y adjoindre des conditions d’accès qui finiront par primer sur l’objectif du projet. Dans un même ordre d’idée, identifier des parties de la population spécifiquement visées par un projet, c’est prendre le risque de la discrimination (directe, indirecte et positive). Plus simplement, un registre ou une carte de membre peut être un frein alors qu’un projet de cohésion sociale se doit d’être englobant et inclusif.
Faire du « et » pas du « ou »
Je pense qu’il faut arrêter d’opposer les concepts, les projets et de définir ce qui marche ou pas. De nombreux projet sont tout à fait compatibles et peuvent cohabiter. Certains projets sont même complémentaires. Des projets totalement indépendants (ASBL autonomes, squats, mouvement citoyens, collectifs de voisins, etc.) peuvent être mis en lien avec des projets plus agréés (maisons de jeunes, contrats de quartier, événements communaux, etc.).
Perceval Carteron, éducateur
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