Travailleurs de terrain, parfois entendus, rarement écoutés

Les travailleurs de 1ère ligne sont les premiers témoins des problématiques vécues par les citoyens. Pourtant, leurs constats sont insuffisamment suivis ou pris en compte.
Manque de places en EDD (École De Devoir), logement de piètre qualité, violences institutionnelles, etc. Ces quelques exemples sont des constats régulièrement émis par les travailleurs de terrain. Pourtant, s’ils étaient concrètement pris en compte, ils ne se répéteraient pas inlassablement dans la bouche de nombreux intervenants de première ligne. Entre rigidité du système, désintérêt des politiques et manque de place pour la parole des professionnels, il est difficile d’identifier la raison pour laquelle les observations émanant du terrain sont tellement peu prises en compte ou même sollicitées.
Des constats pertinents
Les travailleurs de premières lignes sont les premiers témoins des difficultés. Ils sont outillés pour intervenir et proposer des pistes de solutions, mais ils sont aussi formés à l’analyse des situations et à l’identification des problématiques. La plupart du temps, les constats sont pertinents et sont le fruit de réflexions venant des équipes ou de professionnels expérimentés. Les travailleurs doivent être considérés plus comme des experts que comme des exécutants .
L’impact sur les travailleurs
Les professionnels sont aussi touchés par le fait qu’on ne prenne pas (ou peu) leurs avis en compte. Ne pas être écouté, c’est décourageant, usant et ça donne le sentiment que nos retours ne servent qu’au contrôle. J’ai souvent croisé des travailleurs à qui l’on répondait « J’entends ce que tu dis » face à leurs remarques. Cette phrase signifie plus « Tu fais du bruit que mon oreille perçoit » que « Je prends en compte ce que tu dis, je vais y réfléchir et tenter d’agir ». Ceux qui interpellent ne veulent pas être entendus, ils veulent être écoutés !
Filtres et intermédiaires
Il existe de nombreux dispositifs de consultation : les rapports internes, les réunions d’équipe, les rapports d’activités, etc. Parmi tous les moyens pour prendre la température du terrain, les autorités et les directions font souvent appel à des associations expertes dans les évaluations internes et les audits. Ces associations, si elles sont compétentes, vont à la rencontre des travailleurs, mais elles sont un filtre de plus posé sur la parole de l’intervenant. Ces associations reformulent et répondent à une demande d’état des lieux général, d’évaluation ou d’audit sur le fonctionnement. Il n’est pas vraiment question de faire remonter les observations pour s’en saisir et y répondre.
Parfois entendus …
Il arrive que les travailleurs puissent être entendus, généralement quand il y a des incidents. S’il est louable de permettre aux travailleurs de s’exprimer, c’est insuffisant. Outre l’attention donnée à un moment précis, il faut faire suivre les paroles d’actes concrets. Les phrases « Nous entendons ce que vous dites », « Nous prenons votre avis en compte », « Merci de nous faire part de vos constatations », sont trop souvent utilisées pour dire poliment aux professionnels que leur avis n’intéresse pas ou ne sera pas pris en compte.
… Rarement écoutés
Le plus gros problème c’est que les travailleurs ne sont pas écoutés, il est rare que leurs avis soient réellement pris en compte et suivis d’actes. Des réunions, des consultations ou des recherches sont souvent mises en place. Dans les meilleurs des cas, elles sont suivies de groupes de travail. Cela s’arrête souvent là, les conclusions des groupes de travail (si elles existent) sont peu accessibles et/ou plébiscitées. Le résultat prend souvent la forme d’un rapport qui, au mieux, contient quelques recommandations. C’est parfois même le commanditaire du rapport qui demande au rapporteur de faire un retour à l’équipe sans même lire le dossier, comble du désintérêt. Arrivés à ce point, la plupart des parties s’estiment heureuses. Pourtant aucune action concrète n’a été mise en place sur le terrain.
Perceval Carteron, éducateur
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