Les ergothérapeutes, ces piliers méconnus du bien-être en maison de repos

Encore trop méconnu, le métier d’ergothérapeute est pourtant essentiel au bien-être des aînés. À la maison de repos Les Pléiades, Lisa Wilmot l’exerce avec cœur depuis sept ans. Entre soins, activités et écoute, elle accompagne les résidents avec bienveillance. Le Guide Social est allé à sa rencontre, à Woluwé-Saint-Lambert.
Le Guide Social : Cela fait aujourd’hui 7 ans que vous travaillez comme ergothérapeute au sein de la maison Les Pléiades. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier au quotidien ?
Lisa Wilmot : Beaucoup de gens ne connaissent pas ou mal le métier d’ergothérapeute. Son exercice varie en fonction du secteur dans lequel on travaille.
En maison de repos et de soins, notre rôle est d’accompagner les résidents dans le maintien ou la récupération de leur autonomie, qu’elle soit physique, cognitive ou sociale. Lors de leur arrivée, nous réalisons une évaluation pour cibler les aptitudes préservées et ajuster notre travail en conséquence.
Cela peut se faire individuellement, à travers l’accompagnement des gestes du quotidien comme la toilette, les déplacements ou l’alimentation. Mais cela passe aussi par des actions favorisant l’implication sociale et la vie en communauté. Nous utilisons beaucoup d’activités ludiques à visée thérapeutique pour stimuler la mémoire, la réminiscence et la motricité. C’est ce qui nous différencie d’un kinésithérapeute, qui travaille plutôt sur le mouvement de manière analytique.
Contrairement à un hôpital ou un centre de rééducation, nous intervenons dans leur lieu de vie, ce qui implique un respect accru de leur rythme et de leur fatigabilité.
"L’absentéisme nous oblige souvent à pallier les manques, au détriment de notre rôle d’ergothérapeutes"
Le Guide Social : Quels aspects de votre profession sont méconnus ou sous-estimés ?
Lisa Wilmot : L’absentéisme est un problème récurrent dans notre secteur. En tant qu’ergothérapeutes, nous sommes polyvalents, ce qui nous amène souvent à combler les manques dans d’autres services. Résultat : nous nous retrouvons parfois surchargés, au détriment de notre mission première.
Par exemple, en communauté francophone, il n’y a pas d’animateurs dans les maisons de repos. Nous devons donc prendre en charge non seulement les activités thérapeutiques, mais aussi les animations événementielles et occupationnelles. Cela demande une organisation considérable et prend beaucoup de temps. De plus, notre rôle est parfois mal compris. Certains nous perçoivent uniquement comme des animateurs, sans réaliser que chaque activité est pensée avec des objectifs thérapeutiques précis.
Le Guide Social : Est-ce que vous trouvez néanmoins que l’ergothérapie en maison de repos a évolué ces dernières années ?
Lisa Wilmot : Oui, mais cela dépend des établissements et du secteur (privé ou public). Aux Pléiades, nous avons la chance d’être soutenus par la direction et de bénéficier d’une grande liberté dans notre travail.
En tant que responsable paramédicale, je gère une équipe composée de kinés, d’une psychologue, d’une logopède et de deux autres ergothérapeutes. Cette collaboration renforce notre impact et nous permet d’innover en proposant des projets variés.
Nous avons aussi gagné en reconnaissance. Autrefois, notre profession était peu connue des directions, mais nous faisons entendre notre voix et l’ergothérapie continue d’évoluer.
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"Même si certains y vivent leurs derniers instants, l’ambiance n’a pas à être morose"
Le Guide Social : Souvent, une maison de repos est perçue comme un endroit où l’on va pour « finir sa vie ». Pensez-vous que cette image soit erronée ?
Lisa Wilmot : Chez nous, on propose différents types de séjours. Certains résidents viennent pour des soins palliatifs, d’autres pour un court séjour afin de terminer une rééducation ou préparer leur retour à domicile. Il est donc important de comprendre que, même si certains y vivent leurs derniers moments, cela ne signifie pas que l’esprit de la maison doit être morose.
Au contraire ! Nous nous efforçons de redonner ce « peps de vie » qu’il leur manque parfois ou qu’ils cherchent à retrouver. Les personnes âgées qui arrivent ici se sentent souvent isolées ou ont besoin de retrouver des liens sociaux. Elles s’épanouissent parce que nous leur offrons un cadre de vie dynamique, avec de nombreuses possibilités d’activités. Elles peuvent se reposer, oui, mais aussi vivre pleinement et activement leur quotidien.
Nous cherchons à les rendre aussi actives que possible, tout en respectant leurs besoins et leurs envies. Certaines préféreront des moments de calme, tandis que d’autres seront prêtes à s’investir dans des activités collectives.
Le Guide Social : A ce sujet, est ce que vous avez une anecdote qui illustre à quel point la maison de repos peut être un lieu de vie, d’échange, d’activité ?
Lisa Wilmot : Il arrive parfois qu’on organise des activités auxquelles on ne s’attendait pas à une grande réceptivité. Par exemple, lors de notre semaine d’Olympiades, un événement collaboratif avec toute l’équipe paramédicale, on a vu une motivation incroyable naître grâce à l’esprit de compétition. Les matinées sont consacrées à des épreuves cognitives, et les après-midis à des épreuves physiques. On a pu constater à quel point la musique, même dans des moments difficiles, peut raviver l’énergie.
Récemment, on a fait de la cyclodance. Certains résidents, qui ne bougeaient presque plus, ont trouvé une nouvelle énergie en entendant une musique qu’ils aiment. Ils se sont levés et ont dansé. C’est ça, la magie des petites choses qui font bouger le quotidien.
"Le métier d’ergothérapeute dans une maison de repos nécessite une certaine distance, mais il est aussi profondément humain"
Le Guide Social : En tant qu’ergothérapeute, quel regard portez-vous sur cette étape de la vie ?
Lisa Wilmot : Il faut savoir que certaines personnes arrivent en maison de repos épuisées, parfois fatiguées de vivre, ou avec des pathologies lourdes. C’est difficile, émotionnellement, de les accompagner. Mais il ne faut pas non plus oublier qu’on rencontre aussi des personnes âgées, comme notre centenaire ici, qui affiche une joie de vivre contagieuse. Malgré sa lenteur dans certains gestes, elle a su s’adapter à ses incapacités avec une résilience impressionnante. Si je pouvais vivre mes derniers jours comme elle, je signerais sans hésiter.
Les personnes âgées sont souvent touchantes, même si, comme partout, il y a des caractères plus difficiles. L’essentiel est de garder une certaine distance professionnelle pour pouvoir accompagner chacune d’entre elles avec bienveillance et respect, tout en sachant que la mort fait malheureusement partie de notre quotidien. Il ne faut pas être constamment dans la morosité, mais plutôt accepter que la fin fait partie de la vie.
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Le Guide Social : Dans votre métier, des liens forts se créent souvent avec les résidents. L’enjeu est donc de parvenir à maintenir une certaine distance émotionnelle tout en étant pleinement investie dans votre accompagnement.
Lisa Wilmot : Cela peut être difficile à gérer, surtout lorsqu’un résident part. Nous avons accompagné une résidente pendant une maladie dégénérative, et les liens créés étaient très profonds. Elle nous invitait à ses anniversaires, nous félicitait pour la naissance de nos enfants, et nous avons partagé de nombreux moments de complicité. Quand elle est décédée, nous avons été invités à son enterrement. Son cercueil était décoré de ses médailles des Olympiades. C’est dans ces moments-là qu’on mesure l’impact de notre travail, de nos petites actions du quotidien, bien au-delà des soins médicaux.
Travailler avec des personnes âgées, c’est aussi une véritable leçon de vie. Certaines ont traversé des épreuves inimaginables, comme cette résidente qui avait perdu ses quatre enfants et son mari, mais qui avait toujours le sourire. Cela m’a beaucoup appris à relativiser mes problèmes. Nos petites contrariétés quotidiennes prennent une autre dimension face à des histoires de vie aussi marquées par la souffrance. En tant que soignants, notre rôle est de nous adapter à chaque personne, d’être attentifs aux besoins, parfois invisibles, et de respecter les rythmes de chacun. Le fait d’avoir besoin d’aide pour un acte aussi intime que se laver peut être très difficile à accepter, mais notre accompagnement permet d’alléger cette épreuve.
Le métier d’ergothérapeute dans une maison de repos nécessite une certaine distance, mais il est aussi profondément humain. C’est un équilibre délicat, mais qui permet de créer des liens véritables. Ces liens, parfois très forts, rendent notre travail à la fois difficile et extrêmement gratifiant. Nous avons la chance d’accompagner ces personnes jusqu’à la fin de leur parcours de vie, et si nous réussissons à leur offrir une fin paisible et sereine, c’est une véritable récompense pour nous aussi.
Laura Mortier
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