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Chronique d'un psy : face à l'horreur

22/03/17
Chronique d'un psy : face à l'horreur

En ce jour funeste, il est important de revenir sur le fait que les métiers de la relation d’aide forgent des êtres d’exception…

Cette semaine, la source de mon impertinence s’est tarie. Il ne s’agit pas de censure de ma part, étant persuadé que l’on peut polémiquer sur tout, mais malheureusement pas avec n’importe qui. De fait, quand l’actualité vous rappelle les heures sombres de votre trop courte carrière, l’envie n’est plus à écrire mais uniquement à se rouler en boule, laissant aller son corps déprimé en position fœtale sur le tapis d’un bureau de consultation.

Un an… D’abord l’effroi, la peur. Retrouver le bon sens, la sécurité d’un foyer que l’on ne verra pas beaucoup les prochains jours. Faire abstraction de cette boule de colère, de cette irrépressible envie de crier sa haine, son incompréhension. Puis se laisser aller, pleurer. Enfin, la peur au ventre, mettre la clé dans le barillet de la voiture, espérer secrètement que cette fichue poubelle ne démarre pas. Il n’en est rien, le moteur ronronne nerveusement, comme s’il percevait l’humeur ambiante. Se diriger vers le ring de Bruxelles en direction de Zaventem et faire face au chaos.

On l’imagine fort bien, mais on en parle peu, pourtant la semaine du 22 mars 2016, de nombreux psychologues ont été mis à contribution, faisant face à ce qu’à l’époque, on n’osait pas imaginer : les bruits, les odeurs, les images nauséabondes. Tous ces potentiels traumatismes en devenir et une poignée de personnes pour informer, soutenir, prévenir. Dans ces moments, on ne parle pas de diplôme, de secret professionnel ou des querelles hebdomadaires propres aux psychologues. En effet, il n’y a qu’une seule chose qui prime : l’humanité, à tout prix.

Je l’ai vu, j’y étais, consœurs et confrères. Face à l’horreur, les psychologues ne sont plus ce qu’ils sont. Les comportementalistes délaissent leurs protocoles, les psychanalystes sortent du cadre de leur cabinet et tout ce beau monde s’unit pour devenir ni plus ni moins qu’un porteur d’eau ou de couverture. J’ai vu des professionnels craquer face à l’ignominie de la situation, parce qu’on a beau avoir un mur bardé de diplômes et l’expérience d’un vieux singe à qui on ne la fait plus, on est tous égaux face à l’irréel. Dans l’absurdité, quand la mort nous nargue de la manière la plus abjecte qui soit, on oublie la stature du psychologue, on fait fi du professionnel, on tente, on colmate les brèches et surtout, on se met des limites. Pour toutes ces personnes, à tous les niveaux de la relation d’aide, que l’on soit pompier, policier, employé administratif de l’état ou psychologue, je n’ai qu’un infini respect.

Malheureusement, ces attentats ont marqué à jamais l’histoire de la Belgique et même s’il m’est personnellement fort compliqué d’accorder de l’importance à l’obscurantisme, si l’on doit cocher une croix dans le calendrier, autant le faire pour une belle raison. De fait, je comprends ce qui pousse les autorités à faire de ce jour une date de commémoration, mais à notre niveau, en tant que professionnels de la santé, j’ai le sentiment qu’il est important de se rappeler de ce jour comme une journée où malgré les discordes qui nous désunit, on peut travailler ensemble, peu importe nos orientations, nos croyances et autres bizarreries.

En conclusion, cette semaine, le réel a repris place dans nos vies. La colère tente de se dissiper, la tristesse sera toujours présente, mais on apprend à vivre avec. Derrière un ciel gris, il y a toujours un soleil qui brille et qui ne demande qu’à percer, ce n’est qu’une question de temps, c’est en tout cas ce que je me dis, en attendant ma dépanneuse…

L’être humain derrière T. Persons

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