Chevaux thérapeutes : une approche sensible et puissante du soin

De voltigeuse à intervenante en bien-être équin, je suis devenue patiente. À chaque pas du cheval, j’ai découvert un soin silencieux, profond. Ce que j’ai vécu, les neurosciences l’étudient aujourd’hui : le cheval peut accompagner chacun à traverser les défis de la vie. Bien au-delà du simple « je monte à cheval », il y a parfois un « je me retrouve à cheval ». Dans le calme et l’authenticité, ce partenaire de soin nous aide à nous reconnecter à nous-mêmes. Témoignage et analyse.
Entre terre et ciel
La première fois où je suis montée sur un cheval, j’avais 9 ans. Quelques minutes après avoir été installée sur le cheval, j’ai découvert sous les yeux écarquillés de ma mère et du moniteur d’équitation, que j’avais un don pour la voltige.
Un bruit tonitruant s’étant fait entendre dans l’écurie, le cheval sur lequel j’étais, s’est emballé et s’est mis à galoper. Le paysage est devenu soudainement renversant. Les mains accrochées aux rênes, un pied à moitié dans l’étrier, l’autre essayant de trouver un point d’appui. Je n’étais plus sur le dos du cheval, mais sur son flanc, et glissant petit à petit sous lui.
Pas une once de peur ne m’a envahie, mais plutôt une certaine euphorie et fierté d’avoir pu rester sur ce cheval jusqu’à ce qu’il se calme et s’arrête. Un peu comme si j’avais réussi à monter un cheval de rodéo sans tomber !
Résultat, ma mère m’a interdit d’approcher les chevaux. Même si je pense que celui qui a eu le plus peur, c’était sans aucun doute ce pauvre cheval.
Près de 30 ans plus tard, un burn-out me décide à braver l’interdit. J’avais besoin de retrouver ce sentiment de liberté, de fierté, de joie, sans le côté rodéo cette fois. Me reconnecter à celle que j’étais réellement, devenait vital.
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C’est à ce moment-là que j’ai découvert l’hippothérapie
Cela m’a permis entre autres de me libérer d’une dyspnée qui m’étreignait depuis des mois et lâcher prise pour vivre l’instant présent. À chaque pas du cheval, je sentais mon estime et ma confiance se redresser petit à petit et le burn-out s’éteindre.
Puis il y a 4 ans, suite à une pathologie et un traumatisme crânien, j’ai eu des troubles moteurs, cognitifs et sensoriels, assez importants. Cette fois, c’était mon corps que le cheval allait m’aider à retrouver. Ironie du sort, je venais juste de terminer une formation d’intervenante en bien-être équin.
Alors que je peinais à marcher, garder l’équilibre, ressentir la totalité de mon corps, brouillard cérébral et d’autres troubles tout aussi sympathiques (ou parasympathiques) me compliquaient la vie. Une fois que l’on m’avait aidé à m’installer sur le cheval, c’était comme si mon corps reprenait vie !
Mes muscles se détendaient et chaque partie de mon corps se plaçait correctement d’elle-même. À chaque pas du cheval, la peur s’extirpait pour laisser place à l’espoir et à mon estime. Estime et espoir que la pathologie et le corps médical, avaient amoindries.
« Être heureux à cheval, c’est être entre ciel et terre, à une hauteur qui n’existe pas. » - Jérôme Garcin
Un parfait équilibre entre terre et ciel, entre raison et sentiments, entre cas médical complexe et progrès réels. Ce que la pathologie et l’attraction terrestre rendent difficile ou impossible, le cheval le révèle encore possible.
Le miroir de nos émotions en mouvement
Lorsqu’on se retrouve face à un cheval, c’est un peu comme se retrouver face à un miroir. Un miroir qui a la spécificité de refléter également notre état intérieur. Son statut d’animal de proie, fait qu’il est doté de canaux sensoriels très développés, qui lui confèrent une grande sensibilité. Ce qui lui permet de détecter et de refléter les émotions que nous tentons de dissimuler (consciemment ou non). Il saisit les moindres changements, aussi subtils soient-ils, dans la voix, l’attitude, et même notre rythme cardiaque.
Sa grande intelligence émotionnelle, le rend naturellement empathique. Ce qui lui permet de nous refléter instantanément, sans filtre et sans jugement. D’ailleurs, c’est une phrase que l’on entend souvent venant des personnes aux contacts des chevaux pour la première fois. "Lui au moins, il ne me juge pas".
Le cheval est dans l’instant présent. Il entend et voit les cœurs. Il va au-delà de la pathologie, du fauteuil roulant ou du milieu social, dont est issu la personne accompagnée.
Une autre particularité du cheval est son mouvement tridimensionnel. Sa marche étant comparable à celle de l’Homme, lorsque l’on est assis sur le cheval, la stimulation des systèmes sensoriels produits par ses pas et le mouvement en lui-même, créent une synergie qui permet d’agir sur la plasticité cérébrale.
Voici quelques exemples d’améliorations pouvant être observées :
- Réadaptation des fonctions cognitives telles que l’attention, la mémoire, le raisonnement
- Élaboration et renforcement des schémas moteurs, de la symétrie, de l’équilibre postural, du tonus et de la force musculaire,
- Stimulation des différentes modalités sensitives et sensorielles
- Reconstruction du schéma corporel, de l’image de soi, de l’estime de soi
- Renforcement de la sphère émotionnelle
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Hippothérapie ou équithérapie ?
Pour faire simple :
- L’hippothérapie est une thérapie physique accompagnée et basée sur le mouvement du cheval. Cette thérapie est encadrée par des professionnels de santé (kiné, ergo, orthophoniste...). Elle vise la rééducation motrice d’un public ayant des troubles moteurs, neuromusculaires et/ou sensoriels.
- L’équithérapie quant à elle, est une thérapie psychocorporelle encadrée par des professionnels médico-sociaux formés à l’équithérapie. C’est une thérapie assistée par le cheval, qui peut être suivie pour des troubles psychiques, émotionnels ou relationnels.
Il y a également la médiation équine qui peut être un outil pour les éducateurs ou tout professionnel du secteur psycho-médico-social. Ici, il ne s’agit pas spécialement d’une thérapie ni de monter sur le cheval, mais d’interagir avec lui. L’observer, le panser. C’est une activité qui peut être proposée à un public plus large. Des soins palliatifs aux enfants. Pour créer du lien, apporter du bien-être, apprendre la responsabilité et l’estime de soi etc.
Un révélateur silencieux
Le cheval ayant gardé toutes ses lettres de noblesse par sa beauté, son élégance naturelle et son intelligence, reste également un des animaux les plus impressionnants.
De par sa taille bien sûr, mais je crois que l’authenticité qui se lit dans son regard et s’observe dans son comportement instantané, est ce qui nous impressionne davantage. Car ce que le cheval reflète de nous, nous renvoie à une certaine vulnérabilité ou au contraire à cet état d’être "enfin compris, enfin vue".
Il est bien plus qu’un partenaire de soin. Car il révèle nos peurs et nos blocages, mais aussi notre bonheur. Tant dans l’hippothérapie ou équithérapie, il permet de révéler le potentiel de récupération, qu’il soit physique ou émotionnel.
Même lors de stress post-traumatique complexe, comme en temps de guerre. Mais ça, c’est une autre histoire. La mienne indirectement, mais surtout celle d’un proche qui se trouve à plus de 2.200 km…
Z.I.K., soignante
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