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Emplois de l’aide et du soin : des pistes de solutions pour répondre aux défis du secteur

25/10/23
Emplois de l'aide et du soin : des pistes de solutions pour répondre aux défis du secteur

Le secteur des soins de santé belge fait face à des défis sans précédent. La situation est déjà largement connue. Comment y répondre adéquatement, réalistiquement et en proposant des plans d’actions concrets ? Le 11 octobre dernier, la Fondation Roi Baudouin publiait un position paper portant sur les solutions envisageables pour le maintien de soins de santé de qualité en Belgique sur le long terme. S’intéressant au secteur sous tension de l’aide à domicile, la publication avance plusieurs constats et propose des solutions basées notamment sur une série de projets pilotes.

Le Guide Social a épluché “L’emploi dans l’aide et les soins. Quel avenir ?”, la vaste publication de la Fondation Roi Baudouin. Voici ce qu’il faut en retenir !

Une problématique multifactorielle face à un besoin urgent

Si ce position paper s’intéresse avant tout à la question du soin - et plus spécifiquement, des aides et soins à domicile -, il n’hésite pas à adopter une perspective plus large qui englobe tous les acteurs concernés. Les pouvoirs publics, les organisations et les travailleurs sont ainsi questionnés, ainsi que les bénéficiaires des soins eux-mêmes. Car, comme l’énonce le document : “ (…) nous sommes tous concernés par cette problématique, les soignants et les professionnels de l’aide comme les demandeurs d’aide et de soins.”

Un constat qu’il est toujours bon de rappeler : nous sommes tous, à un moment de nos vies, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, concernés par l’état du système de santé en Belgique. En tant que bénéficiaires de ces soins, en tant que proches et aidants, ou en tant que soignants (qui représentent à eux seuls 15% de la population active, soit plus de 700.000 personnes).

C’est le soin qui fait de nous des êtres humains,...

… “ Mais à l’heure actuelle, le secteur – de l’aide et des soins à domicile en particulier, et des soins de santé́ en général – n’est pas en bonne santé́.”, peut-on lire dans l’analyse de la Fondation Roi Baudouin.

Face à une population vieillissante et changeante, le système de soins belge s’essouffle. Non seulement la demande des soins augmente d’année en année, mais les besoins de ses bénéficiaires évoluent.

  • Une demande en soin grandissante

Les personnes âgées sont toujours plus nombreuses et vivent de plus en plus longtemps. En outre, elles souhaitent également rester le plus tard possible chez elles. Dans le même temps, les hôpitaux diminuent le temps d’hospitalisation, les personnes en convalescence sont donc, elles aussi, plus nombreuses à requérir des soins de première ligne.

Les professionnels de la première ligne à domicile doivent donc non seulement répondre à une demande en augmentation, mais également à une demande en évolution.

En effet, les soins de première ligne doivent diversifier leur offre ; prendre le relai de certains gestes auparavant administrés en hôpital, ce qui requiert un glissement des compétences, parfois de l’infirmière à l’aide-soignant, de l’aide-soignant à l’aidant.

Les services de soin à domicile prennent également, de plus en plus fréquemment, un rôle de socialisation.

Enfin, la diversité ethnique d’une population belge en évolution crée une nouvelle demande en termes de sensibilité culturelle.

  • Une offre de soins qui s’amenuise

Le constat n’est pas neuf ; les métiers d’infirmier, de médecins et des soins à domicile font face (entre autres professions) à une crise de main d’œuvre. Outre le manque de demandeurs d’emplois formés pour ces métiers, les travailleurs eux-mêmes pâtissent de la pression croissante qui pèse sur leurs épaules.

Perte de sens au travail - où il devient impossible d’appliquer les principes du "prendre soin" par manque de temps et par lourdeur administrative -, conséquences sur la santé (épuisements, burnouts) entraînent une migration des travailleurs vers d’autres domaines et des turnovers importants au sein des organisations. À titre d’exemple, le secteur global des soins de santé enregistre une baisse de 4% du nombre d’infirmier.e.s par an.

Si ces situations sont constatées en Belgique, les pénuries actuelles dépassent les frontières du pays - l’OMS prévoit ainsi une pénurie mondiale de 18 millions de travailleurs d’ici 2030 .

Chez les infirmiers

Les conséquences de ces pénuries se font déjà sentir, se traduisant par exemple par la fermeture de lits au sein des structures hospitalières. Une diminution de l’offre qui est traduisible en chiffres. Ainsi en Flandre, plus de 8 hôpitaux sur 10 (82%) doivent diminuer leurs activités ou s’apprêtent à le faire. Une enquête récente (2022) réalisée auprès de 73 établissements hospitaliers révèle par ailleurs que 80% d’entre eux font face à une pénurie de personnel.

Lire aussi : Infirmier en soins généraux : métier en pénurie, nombreux débouchés

Chez les aides à domicile

Face à une augmentation des demandes - sans plus de main d’œuvre - les organisations d’aide et de soin à domicile peinent à tenir le rythme. Conséquence ? Une limitation des prestations, afin de répondre en priorité aux situations les plus urgentes.

Une société qui évolue plus vite que le secteur du soin

Au-delà de la question du "travail faisable", où sont identifiés des défis financiers, juridiques et des méthodes de travail qui peinent à suivre les évolutions sociétales, le secteur fait également face à plusieurs défis sociétaux qui appellent également à une adaptation systémique. La publication de la Fondation Roi Baudouin pointe notamment :

  • La numérisation croissante des biens et services, qui nécessitent un budget dédié aux formations. La fracture numérique touche également ce secteur et particulièrement les personnes âgées, qui représentent une grande partie des bénéficiaires de soins de santé.
  • La tendance au chiffrage qui peut induire un stress auprès du professionnel, ainsi qu’une lourdeur administrative supplémentaire.
  • La tendance à l’horizontalisation des prises de décision, à la co-création, à l’autogestion et à la participation volontaire au sein des structures professionnelles.
  • Une volonté, face à la diversité culturelle de la population, d’adopter des politiques d’inclusivité qui remettent également en question certaines approches.

Une liste des réalités et tendances générales actuelles, qui sont autant de points de tensions à prendre en compte. Cette liste, non-exhaustive, inspire de nouvelles questions, aussi bien liées aux réalités des professionnels qu’aux défis auxquels est soumise l’entièreté du secteur.

Mesure de la qualité du soin en Belgique, évaluation de la rémunération des travailleurs, priorisation des soins accessibles et abordables, immigration professionnelle et promotion des métiers…

Des questions “qui fâchent” mais qu’il est nécessaire de déposer

Des initiatives locales (Proxisanté en Wallonie, Plan Social Santé à Bruxelles, Week van de Zorg en Flandres), européennes ou mondiales (OMS) sont déjà lancées pour proposer des photographies et solutions. Le rapport questionne cependant leur impact sur le long terme, ainsi que l’inclusion, au sein de ces initiatives, des questions de bien-être au travail et de valorisation des métiers.

Les recommandations de la Fondation Roi Baudouin

S’adressant à la fois aux pouvoirs publics, au secteur de l’aide et du soin mais également à ses bénéficiaires, le document formule différentes recommandations.

  • Plus d’engagement des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics sont invités à jouer leur rôle de régulateurs et à fluidifier les processus évolutifs en cours. Il revient également aux pouvoirs publics de financer "intelligemment" ! Concrètement, le rapport de la Fondation Roi Baudouin préconise notamment :

  • Investir dans des projets dont le retour sur investissement doit être la diminution du taux d’absentéisme, moins de flux sortant au niveau des professions et bien sûr, plus d’engagements.
  • Créer des recommandations adressées au secteur dont les mots d’ordre seront le partage, la collaboration, l’innovation, le changement organisationnel et l’élaboration de nouveaux modèles de soin.
  • Valoriser les compétences acquises et varier l’offre de formation afin de favoriser le flux entrant de professionnels.
  • Faciliter les emplois combinés entre les sous-secteurs
  • Décharger les infirmières et infirmiers en permettant à d’autres profils d’assurer les tâches de soutien
  • Valoriser les métiers de la santé à travers des campagnes de promotion.

Lire aussi : "J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé

  • La valorisation des emplois de la part des organisations

Les organisations et entreprises (principalement, ici, d’aide et de soins à domicile) sont, elles, appelées à adapter leur rôle d’employeurs aux réalités du marché de l’emploi et des acteurs de terrain, notamment en libérant les collaborateurs de la pression de la rentabilité afin de se concentrer sur le versant social de leur rôle.

L’objectif ? Rendre les conditions de travail plus attractives et ceci, à travers différentes suggestions développées dans le document de la fondation :

  • Accompagner un processus de changement autour du bien-être au travail en simplifiant les processus décisionnels et en flexibilisant les procédures.
  • Revoir les identités et valeurs pour les faire correspondre aux priorités présentes : le sens au travail, le sens même de leur existence. Surtout, respecter ces engagements envers le personnel et les bénéficiaires de soins.
  • S’engager dans des démarches de numérisation en impliquant le personnel et les bénéficiaires des soins.
  • Travailler à des soins respectueux des différences culturelles.
  • Collaborer davantage avec les acteurs locaux.
  • Intégrer les thèmes du bien-être au travail et de la faisabilité au travail à tous les niveaux de l’organisation, en respectant différentes perspectives temporelles.
En bref : moins de pression de rentabilité, plus de contacts humains !
  • Des changements systémiques pour le secteur de l’aide et du soin

Dans la publication, notons aussi que le secteur entier de l’aide et du soin reçoit également des recommandations plus globales, qui impliquent un changement complet :

  • Miser sur l’innovation, la réorganisation du secteur et favoriser les attitudes de partage plutôt que continuer à se conduire en concurrents.
  • Se coordonner afin de développer ensemble des applications numériques.
  • Recourir à des soins intégrés et flexibles en misant sur la collaboration entre professionnels.

Quelques-unes de ces recommandations butent cependant sur un point d’achoppement : le financement à la prestation, qui fait parfois obstacle à certaines initiatives, comme la collaboration entre professionnels ou encore, les attitudes de partage (en opposition avec le principe de concurrence).

  • Redorer l’image d’un secteur en mal d’amour pour les travailleurs du secteur

Si les années COVID-19 ont donné un coup de projecteur au secteur de la santé et brièvement mis en lumière son caractère indispensable et à haute valeur sociétale, force est de constater que les métiers de l’aide et du soin continuent de faire face à un manque de reconnaissance et de valorisation.

Difficile, dans un contexte de "travail pénible, peu reconnu, peu valorisé salarialement", de favoriser de nouveaux engagements et de motiver les demandeurs d’emplois et les étudiants à faire ces choix de carrière.

Les professionnels du secteur sont en effet principalement portés, aujourd’hui, par le sens profond de leur profession.

Le "prendre soin", l’importance du relationnel, sont autant d’atouts de ces métiers.

Pourtant, ces caractéristiques et profondément humaines sont mises à mal par la conjoncture actuelle, les charges de travail qui diminuent le temps consacré à la qualité des prestations, aux échanges avec les patients - des aspects pourtant essentiels d’un suivi.

Notons encore qu’en se basant sur les chiffres produits par les Pays-Bas, le document pointe ainsi du doigt une réalité interpellante : un travailleur sur 4 sera actif, en 2040, dans le secteur des soins et de la santé .

Un secteur qu’il devient donc urgent de valoriser et de financer !
  • Des projets pilotes inspirants

Si le bilan établi par la Fondation Roi Baudouin n’est pas rose, les recommandations formulées ci-dessus s’inspirent pourtant d’initiatives innovantes qui tendent à prouver que les évolutions sont possibles. En voici quelques-unes.

La Zorg Leuven a lancé un projet visant à instaurer des horaires de travail plus flexibles et à former le personnel à l’utilisation de tablettes. Résultat ? Une meilleure coordination des vies privées/professionnelles, et une diminution non négligeable de la paperasserie.

Au sein de l’ASBL Arémis, le bien-être du personnel est devenu une priorité, notamment suite à la période COVID qui avait grandement sollicité ces équipes d’infirmiers prenant en charge des hospitalisations à domicile et en soin palliatif. Supervision psychologique, rencontres dynamiques entre ces équipes de professionnels mobiles et petites attentions de la direction ont permis d’améliorer le bien-être des travailleurs… Mais surtout, cette cohérence entre les actions et les valeurs de la structure lui ont valu l’appréciation des infirmiers.

Le système d’organisation Tubbe, d’inspiration scandinave, vise quant à lui à instaurer un modèle participatif entre les pensionnaires des maisons de repos et le personnel aidant et soignant. La direction n’est plus manager, mais simple coach, chargée d’assurer l’inclusion de chacun dans les prises de décision. Une dynamique de soin principalement basée sur le relationnel est ainsi créée.

Lire aussi : 35 maisons de repos et de soins se lancent dans l’aventure Tubbe

Campagnes de promotion professionnelle co-créées avec les travailleurs, création du métier d’aide-ménagère sociale, mise en place de réseaux mettant en lien formateurs et recruteurs, projet de communication reliante, semi-autonomie des équipes où chacun réalise les tâches à tour de rôle pour disperser la charge de travail, recrutement sur-mesure…

Autant de pistes de solution inspirantes pour construire l’avenir de l’aide et du soin en Belgique.

Collaborer et travailler de concert au niveau sociétal : le véritable défi !

Si le position paper de la Fondation Roi Baudouin entérine, par des chiffres et un travail d’enquête rigoureux, des réalités déjà connues, il a également le mérite de rappeler les principes de collaboration et d’entraide qui caractérisent le secteur de l’aide et du soin, mais constituent également son salut.

Dans une société où l’individualisme et la logique économique sont devenus des références culturelles incontournables, le document propose des pistes qui visent à allier besoin d’accomplissement individuel, survie économique et respect de principes de soin soucieux de la qualité de vie de chacun.

Adapter tout un secteur en mettant l’intelligence collective à contribution : voilà le vrai challenge !

Mathilde Majois

Savoir plus :

Source de cet article : “L’emploi dans l’aide et les soins. Quel avenir ?” publication de la Fondation Roi Baudouin, auteurs : Patrick De Rynck et Marie-Françoise Dispa




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