Peut-on soigner en ne prenant pas soin de soi ?
Phrase choc ou question bateau qui confine au cliché, mais qui comporte aussi sa part de vérité. Prendre soin tout en étant maltraité, être bientraitant malgré la maltraitance... A partir du moment où nous acceptons cette maltraitance, comment pouvons-nous aider d’autres personnes à sortir de ce cercle vicieux ? Comment pouvons-nous être crédibles si nous n’incarnons pas ce que nous prônons ?
L’estime de soi : clé de voute
Nos fonctions nous font aider des personnes fragilisées à (re)bâtir une des choses à la fois les plus simple, mais aussi les plus complexe de ce qui fait l’être humain : l’estime de soi. Ce socle qui fait défaut à tant d’entre nous, mais qui nous permet d’avancer dans la vie en ayant confiance, en sachant que nous sommes à notre place, que nous méritons respect, affection, mais aussi valorisation de nos compétences, juste rémunération, justes conditions de travail, etc.
Qui nous fait parfois défaut
Vous voyez où je veux en venir, n’est-ce pas ? Nous, liés par un contrat de travail, devons parfois aider des personnes à développer ce dont nous manquons, à certains égards cruellement et qui nous fait accepter de travailler dans des conditions qu’on pourrait qualifier, dans nombre de cas, d’indignes.
Quid des conditions matérielles parfois inacceptables
Je ne parle pas uniquement du matériel, bien que ce dernier mériterait un volume à lui tout seul : quid des bureaux à l’éclairage terne, aux sièges défoncés, aux ordinateurs d’un autre âge, au chauffage poussif ? Quid des moisissures, du givre sur les carreaux, des courants d’air, de ceux qui, de guerre lasse, achètent leur matériel de travail avec leurs propres deniers ? Quid de ces nouveaux collègues que l’on installe souvent sur un coin de table en attendant Godot ?
Mais surtout des conditions psychologiques
Je parle surtout de ce manque de reconnaissance, de cette habitude de s’entendre dire que l’on « ne fait pas assez », voire que l’on « n’est pas assez », de ce mouvement de balancier déséquilibré du « toujours plus avec toujours moins », de ces exigences parfois farfelues, de ces managements au mieux douteux. Et de nous, travailleurs qui, trop souvent, acceptons cela, au mépris de nous-mêmes.
Notre travail et nos personnes ont de la valeur
Nous sommes certes liés par un contrat de travail et, historiquement, le rapport de force penche souvent en faveur de l’employeur, du moins dans des professions qui sont parfois loin d’être en pénurie. Dès lors, un contrat de travail est malheureusement loin de l’accord bilatéral qu’il est censé être. Mais tout de même. Où sont notre dignité et notre sentiment de valeur personnelle lorsque nous acceptons de subir parfois l’indigne pour exercer notre métier de soignant ? Pour ma part, je dis stop. Je vaux mieux que cela, nous valons mieux que cela. A dire vrai, nos personnes ont de la valeur, notre travail aussi et il mérite un écrin à sa juste taille.
MF - travailleuse sociale
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